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Je crains que par les dieux le pontife infpiré
Sur mes deftins affreux ne foit trop éclairé.

Moi, aurais maffacré!... Dieux! ferait-il poffible?

JO CASTE.

Cet organe des dieux eft-il donc infaillible?

Un miniftère faint les attache aux autels :

Ils approchent des dieux; mais ils font des mortels.
Penfez-vous qu'en effet, au gré de leur demande, (r)
Du vol de leurs oiseaux la vérité dépende?
Que fous un fer facré des taureaux gémissans
Dévoilent l'avenir à leurs regards perçans,
Et que de leurs feftons ces victimes ornées

Des humains dans leurs flancs portent les destinées ?
Non, non: chercher ainfi l'obfcure vérité,

C'eft ufurper les droits de la Divinité.

Nos prêtres ne font point ce qu'un vain peuple pense; Notre crédulité fait toute leur fcience.

OEDIP E.

Ah Dieux! s'il était vrai, quel ferait mon bonheur!

JOCAST E.

Seigneur, il eft trop vrai, croyez-en ma douleur.
Comme vous autrefois pour eux préoccupée,
Hélas! pour mon malheur je fuis bien détrompée,
Et le ciel me punit. d'avoir trop écouté
D'un oracle imposteur la fausse obscurité..

Il m'en coûta mon fils. Oracles que j'abhorre,
Sans vos ordres, fans vous, mon fils vivrait encore.

OEDIP E.

Votre fils! par quels coups l'avez-vous donc perdu? Quel oracle fur vous les dieux ont-ils rendu?

Théâtre Tom. I.

I

JOCAST E.

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Apprenez, apprenez, dans ce péril extrême,
Ce que j'aurais voulu me cacher à moi-même;
Et d'un oracle faux ne vous alarmez plus.
Seigneur, vous le favez, j'eus un fils de Laïus.
Sur le fort de mon fils ma tendreffe inquiète
Confulta de nos dieux la fameufe interprète.
Quelle fureur, hélas! de vouloir arracher
Des fecrets, que le fort a voulu nous cacher!
Mais enfin j'étais mère, et pleine de faibleffe
Je me jetai craintive aux pieds de la prêtreffe;

Voici fes propres mots, j'ai dû les retenir;

Pardonnez fi je tremble à ce feul fouvenir.

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Ton fils tuera fon père, et ce fils facrilège,
Inceste et parricide... O Dieux! achèverai-je ?

Eh bien, Madame ?

O E DIP E.

JO CASTE.

Enfin, Seigneur, on me prédit, Que mon fils, que ce monftre entrerait dans mon lit; Que je le recevrais, moi, Seigneur, moi fa mère, Dégouttant dans mes bras du meurtre de fon père; Et que tous deux unis par ces liens affreux,

Je donnerais des fils à mon fils malheureux.

Vous vous troublez, Seigneur, à ce récit funefte; ', Vous craignez de m'entendre et d'écouter le refte.

OEDIPE.

Ah! Madame, achevez: dites, que fites-vous
De cet enfant, l'objet du céleste courroux?
JO CASTE

Je crus les dieux, Seigneur; et faintement cruelle,
J'étouffai pour mon fils mon amour maternelle.

En vain de cet amour l'impérieufe voix
S'oppofait à nos dieux, et condamnait leurs lois;
Il fallut dérober cette tendre victime

Au fatal afcendant qui l'entraînait au crime:
Et penfant triompher des horreurs de fon fort,
J'ordonnai par pitié qu'on lui donnât la mort.
O pitié criminelle, autant que malheureuse!
O d'un oracle faux obfcurité trompeuse!
Quel fruit me revient-il de mes barbares foins?
Mon malheureux époux n'en expira pas moins;
Dans le cours triomphant de fes deftins profpères
Il fut affaffiné par des mains étrangères:

Ce ne fut point fon fils qui lui porta ces coups,
Et j'ai perdu mon fils fans fauver mon époux.
Que cet exemple affreux puiffe au moins vous inftruire!
Banniffez cet effroi qu'un prêtre vous infpire;
Profitez de ma faute, et calmez vos efprits.

OEDIP E.

Après le grand fecret que vous m'avez appris,
Il est juste à mon tour que ma reconnaissance
Faffe de mes deftins l'horrible confidence.
Lorfque vous aurez fu, par ce trifte entretien,
Le rapport effrayant de votre fort au mien;
Peut-être, ainfi que moi, frémirez-vous de crainte.
Le deftin m'a fait naître au trône de Corinthe,
Cependant de Corinthe et du trône éloigné,
Je vois avec horreur les lieux où je fuis né.
Un jour, ce jour affreux, préfent à ma pensée,
Jete encor la terreur dans mon ame glacée;
Pour la première fois, par un don folemnel,
Mes mains, jeunes encore enrichiffaient l'autel;

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Du temple tout-à-coup les combles: s'entr'ouvrirent;
De traits affreux de fang les marbres fe couvrirent;
De l'autel ébranlé par de longs tremblemens,
Une invifible main repouffait mes préfens;

Et les vents, au milieu de la foudre éclatante,
Portèrent jufqu'à moi cette voix effrayante:

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Ne viens plus des lieux faints fouiller la pureté ;

Du nombre des vivans les dieux t'ont rejeté;

,, Ils ne reçoivent point tes offrandes impies;

دو

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Va porter tes préfens aux autels des Furies;

" Conjure leurs ferpens prêts à te déchirer;

دو

,, Va, ce font là les dieux que tu dois implorer.,,
Tandis qu'à la frayeur j'abandonnais mon ame,

Cette voix m'annonça, le croirez-vous, Madame?
Tout l'affemblage affreux des forfaits inouis,
Dont le ciel autrefois menaça votre fils;
Me dit que je ferais l'affaffin de mon père.

JO CAST E.

Ah Dieux!

OEDIP E.

Que je ferais le mari de ma mère.

JOCAS TE.

Où fuis-je ? Quel démon en uniffant nos cœurs,
Cher Prince, a pu dans nous raffembler tant d'horreurs?

OEDIP E.

Il n'eft pas encor temps de répandre des larmes,
Vous apprendrez bientôt d'autres fujets d'alarmes.
Ecoutez-moi, Madame, et vous allez trembler.
Du fein de ma patrie il fallut m'exiler.

Je craignis que ma main, malgré moi criminelle,
Aux deftins ennemis ne fût un jour fidelle;

Et fufpect à moi-même, à moi-même odieux,
Ma vertu n'ofa point lutter contre les dieux.
Je m'arrachai des bras d'une mère éplorée;
Je partis, je courus de contrée en contrée;
Je déguifai par-tout ma naiffance et mon nom:
Un ami de mes pas fut le feul compagnon.
Dans plus d'une aventure, en ce fatal
voyage,
Le dieu qui me guidait feçonḍa mon courage,
Heureux fi j'avais pu, dans l'un de ces combats,
Prévenir mon destin par un noble trépas!
Mais je fuis réfervé fans doute au parricide.
Enfin, je me fouviens qu'aux champs de la Phocide,
(Et je ne conçois pas par quel enchantement
J'oubliais jufqu'ici ce grand événement;

La main des dieux fur moi fi long-temps fufpendue
Semble ôter le bandeau qu'ils mettaient fur ma vue:)
• Dans un chemin étroit, je trouvai deux guerriers
Sur un char éclatant que traînaient deux courfiers,
Il fallut difputer, dans cet étroit paffage,
Des vains honneurs du pas le frivole avantage.
J'étais jeune et fuperbe, et nourri dans un rang,
Où l'on puifa toujours l'orgueil avec le fang.
Inconnu, dans le fein d'une terre étrangère,
Je me croyais encore au trône de mon père;
Et tous ceux qu'à mes yeux le fort venait offrir,
Me femblaient mes fujets, et faits pour m'obéir.
Je marche donc vers eux, et ma main furieufe
Arrête des courfiers la fougue impétueuse.
Loin du char à l'inftant ces guerriers élancés
Avec fureur fur moi fondent à coups preffés.
La victoire entre nous ne fut point incertaine :
Dieux puiffans! je ne fais fi c'eft faveur ou haine,

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