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On le fait; on dira que je lui facrifie

Ma gloire, mes époux, mes dieux et ma patrie;
Que mon cœur brûle encor.

EGIN E.

Ah! calmez cet effroi;

Cet amour malheureux n'eut de témoin que moi,

Et jamais...

JO CASTE.

Que dis-tu? crois-tu qu'une princesse

Puiffe jamais çacher fa haine ou fa tendreffe?
Des courtifans fur nous les inquiets regards
Avec avidité tombent de toutes parts;

A travers les refpects, leurs trompeufes foupleffes
Pénètrent dans nos cœurs et cherchent nos faiblesses;
A leur malignité rien n'échappe et ne fuit;

Un feul mot, un foupir, un coup d'œil nous trahit;
Tout parle contre nous, jufqu'à notre filence:
Et quand leur artifice et leur perfévérance
Ont enfin, malgré nous, arraché nos fecrets;
Alors avec éclat leurs difcours indifcrets,
Portant fur notre vie une triste lumière,
Vont de nos paffions remplir la terre entière.

EGIN E.

Eh! qu'avez-vous, Madame, à craindre de leurs coups?
Quels regards fi perçans font dangereux pour vous?
Quel fecret pénétré peut flétrir votre gloire ?.

Si l'on fait votre amour, on fait votre victoire :
On fait que la vertu fut toujours votre appui.

JOCAST E.

Et c'eft cette vertu qui me trouble aujourd'hui.
Peut-être, à m'accufer toujours prompte et févère,
Je porte fur moi-même un regard trop auftère;

Peut-être je me juge avec trop de rigueur;
Mais enfin Philoctete a régné fur mon cœur:
Dans ce cœur malheureux fon image est tracée,
La vertu ni le temps ne l'ont point effacée :
Que dis-je ? Je ne fais, quand je fauve fes jours,
Si la feule équité m'appelle à fon fecours;
Ma pitié me paraît trop fenfible et trop tendre ;
Je fens trembler mon bras tout prêt à le défendre;
Je me reproche enfin mes bontés et mes foins;
Je le fervirais mieux, fi je l'euffe aimé moins.

EGIN E.

Mais voulez-vous qu'il parte?

JOCAS TE.

Oui, je le veux fans doute:

C'eft ma feule efpérance; et pour peu qu'il m'écoute,
Pour peu que ma prière ait fur lui de pouvoir,
Il faut qu'il fe prépare à ne me plus revoir.
De ces funeftes lieux qu'il s'écarte, qu'il fuie,
Qu'il fauve en s'éloignant et ma gloire et fa vie.
Mais qui peut l'arrêter? il devrait être ici;
Chère Eginė, va, cours.

SCENE II.

JOCASTE, PHILOCTETE, EGINE. JOCASTE,

JO CAST E.

AH! Prince, vous voici.

Dans le mortel effroi dont mon ame et émue,
Je ne m'excufe point de chercher votre vue;

1

Mon devoir, il eft vrai, m'ordonne de vous fuir, (k)
Je dois vous oublier, et non pas vous trahir;
Je crois que vous favez le fort qu'on vous apprête.

PHILO C TE TE.

Un vain peuple en tumulte a demandé ma tête:
Il fouffre, il eft injufte, il faut lui pardonner.
JOCAST E.

Gardez à fes fureurs de vous abandonner.
Partez, de votre fort vous êtes encor maître;
Mais ce moment, Seigneur, eft le dernier peut-être
Où je puis vous fauver d'un indigne trépas.
Fuyez, et loin de moi précipitant vos pas,
Pour prix de votre vie heureusement fauvée,
Oubliez que c'eft moi qui vous l'ai confervée.

PHILO CTET E.

Daignez montrer, Madame, à mon cœur agité
Moins de compaffion et plus de fermeté;
Préférez comme moi mon honneur à ma vie,
Commandez que je meure, et non pas que je fuie;
Et ne me forcez point, quand je fuis innocent,
A devenir coupable en vous obéiffant.

Des biens que m'a ravis la colère céleste,

Ma gloire, mon honneur est le feul qui me reste;
Ne m'ôtez pas ce bien dont je fuis fi jaloux,
Et ne m'ordonnez pas d'être indigne de vous.
J'ai vécu, j'ai rempli ma trifte destinée,
Madame, à votre époux ma parole est donnée;
Quelque indigne foupçon qu'il ait conçu de moi,
Je ne fais point encor comme on manque de foi.

JOCAST E.

Seigneur, au nom des dieux! au nom de cette flamme, Dont la trifte Jocaste avait touché votre ame,

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Si d'une fi parfaite et fi tendre amitié
Vous confervez encor un refte de pitié,

Enfin s'il vous fouvient, que, promis l'un à l'autre,
Autrefois mon bonheur a dépendu du vôtre;

Daignez fauver des jours de gloire environnés,
Des jours à qui les miens ont été destinés.

PHILO CTET E.

Je vous les confacrai: je veux que leur carrière
De vous,
de vos vertus, foit digne toute entière.
J'ai vécu loin de vous, mais mon fort est trop beau
Si j'emporte en mourant votre eftime au tombeau.
Qui fait même, qui fait, fi d'un regard propice
Le ciel ne verra point ce fanglant facrifice?
Qui fait fi fa clémence, au fein de vos Etats,
Pour m'immoler à vous, n'a point conduit mes pas?
Peut-être il me devait cette grâce infinie,
De conferver vos jours aux dépens de ma vie:
Peut-être d'un fang pur il peut fe contenter,
Et le mien vaut du moins qu'il daigne l'accepter.

SCENE

I I I.

OEDIPE, JOCASTE, PHILOCTETE, EGINE,

ARASPE, Suite.

OEDIP E.

PRINCE, ne craignez point l'impétueux caprice

D'un peuple dont la voix preffe votre fupplice;

J'ai calmé fon tumulte, et même contre lui

Je vous viens, s'il le faut, préfenter mon appui.

On vous a foupçonné, le peuple a dû le faire.
Moi qui ne juge point ainfi que le vulgaire,
Je voudrais que perçant un nuage odieux,
Déjà votre innocence éclatât à leurs yeux.
Mon efprit incertain, que rien n'a pu réfoudre,
N'ofe vous condamner, mais ne peut vous abfoudre.
C'eft au ciel, que j'implore, à me déterminer.
Ce ciel enfin s'appaife, il veut nous pardonner,
Et bientôt, retirant la main qui nous opprime,
Par la voix du Grand-Prêtre il nomme la victime;
Et je laiffe à nos dieux plus éclairés que nous,
Le foin de décider entre mon peuple et vous.

PHILO CTET E.

Votre équité, Seigneur, eft inflexible et pure; (1)
Mais l'extrême juftice eft une extrême injure:
Il n'en faut pas toujours écouter la rigueur.
Des lois que nous fuivons la première eft l'honneur.
Je me fuis vu réduit à l'affront de répondre
A de vils délateurs que j'ai trop fu confondre.
Ah! fans vous abaiffer à cet indigne foin,
Seigneur, il fuffifait de moi feul pour témoin :
C'était, c'était affez d'examiner ma vie,
Hercule appui des dieux, et vainqueur de l'Afie,
Les monftres, les tyrans qu'il m'apprit à dompter,
Ce font-là les témoins qu'il me faut confronter.
De vos dieux cependant interrogez l'organe:
Nous apprendrons de lui fi leur voix me condamne.
Je n'ai pas befoin d'eux, et j'attends leur arrêt
Par pitié pour ce peuple, et non par intérêt.

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