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Je n'aurais immolé de victime que moi:

Mourir pour fon pays, c'eft le devoir d'un roi :
C'est un honneur trop grand pour le céder à d'autres.
J'aurais donné mes jours et défendu les vôtres,
J'aurais fauvé mon peuple une feconde fois ;

Mais, Seigneur, je n'ai point la liberté du choix.
C'est un fang criminel que nous devons répandre :
Vous êtes accufé, fongez à vous défendre,
Paraiffez innocent; il me fera bien doux

D'honorer dans ma cour un héros tel que vous:
Et je me tiens heureux, s'il faut que je vous traite
Non comme un accufé, mais comme Philoctete.

PHIL OCTET E.

Je veux bien l'avouer; fur la foi de mon nom,
J'avais ofé me croire au - deffus du foupçon.
Cette main qu'on accufe, au défaut du tonnerre,
D'infames affaffins a délivré la terre;

Hercule à les dompter avait inftruit mon bras,
Seigneur, qui les punit, ne les imite pas.

OEDIP E.

Ah! je ne penfe point qu'aux exploits confacrées
Vos mains par des forfaits fe foient déshonorées;
Seigneur, et fi Laïus eft tombé fous vos coups,
Sans doute avec honneur il expira fous vous;
Vous ne l'avez vaincu qu'en guerrier magnanime:
Je vous rends trop juftice.

PHILO CTET E.

Eh! quel ferait mon crime? Si ce fer chez les morts eût fait tomber Laïus, Ce n'eût été pour moi qu'un triomphe de plus. Un roi pour fes fujets eft un dieu qu'on révère; Pour Hercule et pour moi c'est un homme ordinaire.

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J'ai défendu des rois: et vous devez fonger
Que j'ai pu les combattre, ayant pu les venger.

OEDIPE.

Je connais Philoctete à ces illuftres marques:
Des guerriers comme vous font égaux aux monarques;
Je le fais cependant, Prince, n'en doutez pas,
Le vainqueur de Laïus eft digne du trépas;
Sa tête répondra des malheurs de l'empire,
Et vous....

PHILO CTETE.

Ce n'eft point moi: ce mot doit vous fuffire. Seigneur, fi c'était moi, j'en ferais vanité;

En vous parlant ainfi je dois être écouté.

C'est aux hommes communs, aux ames ordinaires

A fe juftifier par des moyens vulgaires;

Mais un prince, un guerrier, tel que vous, tel que moi, (i)
Quand il a dit un mot, en eft cru fur fa foi.
Du meurtre de Laïus Oedipe me foupçonne!
Ah! ce n'eft point à vous d'en accufer perfonne;
Son fceptre et fon épouse ont paffé dans vos bras;
C'est vous qui recueillez le fruit de fon trépas.
Ce n'eft pas moi, furtout, de qui l'heureufe audace
Difputa fa dépouille et demanda fa place.

Le trône eft un objet qui n'a pu me tenter:
Hercule à ce haut rang dédaignait de monter.
Toujours libre avec lui, fans fujets et fans maître,
J'ai fait des fouverains, et n'ai point voulu l'être.
Mais c'eft trop me défendre et trop m'humilier;
La vertu s'avilit à fe juftifier.

J

OE DI PE.

Votre vertu m'eft chère, et votre orgueil m'offense;
On vous jugera, Prince, et fi votre innocence

De l'équité des lois n'a rien à redouter;
Avec plus de fplendeur elle en doit éclater.
Demeurez parmi nous....

PHILO CTET E.

J'y refterai fans doute:

Il y va de ma gloire, et le ciel qui m'écoute

Ne me verra partir que vengé de l'affront

Dont vos foupçons honteux ont fait rougir mon front.

SCENE V.

OEDIPE, ARASP E.

E

O E DI PE.

Je l'avouerai, j'ai peine à le croire coupable.
D'un cœur tel que le fien l'audace inébranlable
Ne fait point s'abaiffer à des déguisemens:
Le menfonge n'a point de fi hauts fentimens.
Je ne puis voir en lui cette baffeffe infame.
Je te dirai bien plus; je rougiffais dans l'ame
De me voir obligé d'accufer ce grand cœur:
Je me plaignais à moi de mon trop de rigueur.
Néceffité cruelle attachée à l'empire!
Dans le cœur des humains les rois ne peuvent lire,
Souvent fur l'innocence ils font tomber leurs coups,
Et nous fommes, Arafpe, injuftes malgré nous.
Mais que Phorbas eft lent pour mon impatience!
C'eft fur lui feul enfin que j'ai quelque efpérance;
Car les dieux irrités ne nous répondent plus;
Ils ont par leur filence expliqué leurs refus.

ARASP E.

Tandis que par vos foins vous pouvez tout apprendre, Quel befoin que le ciel ici fe faffe entendre?

Ces dieux dont le pontife a promis le fecours,

Dans leurs temples, Seigneur, n'habitent pas toujours:
On ne voit point leur bras fi prodigue en miracles:
Ces antres, ces trépieds qui rendent leurs oracles,
Ces organes d'airain que nos mains ont formés,
Toujours d'un fouffle pur ne font pas animés.
Ne nous endormons point fur la foi de leurs prêtres;
Au pied du fanctuaire il eft fouvent des traîtres,
Qui, nous afferviffant fous un pouvoir sacré,
Font parler les deftins, les font taire à leur gré.
Voyez, examinez avec un foin extrême

Philoctete, Phorbas, et Jocafte elle-même.

Ne nous fions qu'à nous, voyons tout par nos yeux,
Ce font - là nos trépieds, nos oracles, nos dieux.

OEDIP E.

Serait-il dans le temple un cœur affez perfide?....
Non, fi le ciel enfin de nos deftins décide,
On ne le verra point mettre en d'indignes mains
Le dépôt précieux du falut des Thébains.
Je vais, je vais moi-même, accufant leur filence,
Par mes vœux redoublés fléchir leur inclémence.
Toi, fi pour me fervir tu montres quelque ardeur,
De Phorbas que j'attends cours hâter la lenteur:
Dans l'état déplorable où tu vois que nous fommes,
Je veux interroger et les dieux et les hommes.

Fin du fecond acte.

ACTE

АСТЕ I I I.

SCENE PREMIERE.

JOCASTE EGINE.

JOCAST E.

UI

Oui j'attends Philoctete, et je veux qu'en ces lieux Pour la dernière fois il paraiffe à mes yeux.

EGIN E.

Madame, vous favez jufqu'à quelle infolence
Le peuple a de fes cris fait monter la licence.
Ces Thébains, que la mort affiège à tout moment,
N'attendent leur falut que de fon châtiment;
Vieillards, femmes, enfans, que leur malheur accable,
Tous font intéreffés à le trouver coupable.

Vous entendez d'ici leurs cris féditieux,

Ils demandent fon fang de la part de nos dieux.
Pourrez-vous réfifter à tant de violence?
Pourrez-vous le fervir et prendre fa défense?

JO CAST E.

Moi! fi je la prendrai? duffent tous les Thébains
Porter jufques fur moi leurs parricides mains,
Sous ces murs tout fumans duffé-je être écrasée,
Je ne trahirai point l'innocence accufée.

Mais une jufte crainte occupe mès efprits:
Mon cœur de ce héros fut autrefois épris ;

Théâtre. Tom. I.

H、

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