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des remedes qui leur sont donnez pour leur guerison. Quand doncques je parle d'un esprit bon, j'entends parler des esprits bien faits et bien sensez; et encore des mediocres, qui ne sont ny trop grands ny trop petits; car tels esprits font tousjours beaucoup, sans que pour cela ils le scachent : ils s'appliquent à faire et s'addonnent aux vertus solides; ils sont traictables, et on n'a pas beaucoup de peine à les conduire; car facilement ils comprennent combien c'est une chose bonne de se laisser gouverner. La troisiesme chose qu'il faut observer, c'est si la fille a bien travaillé en son année de Noviciat, si elle a bien souffert et profité des medecines que l'on luy a données, si elle a bien fait valoir les resolutions qu'elle fit entrant en son Noviciat de changer ses mauvaises humeurs et inclinations; car l'année du Noviciat luy a esté donnée pour cela. Que si l'on void qu'elle ait perseveré fidellement en sa resolution, et que sa volonté demeure ferme et constante pour continuer, et qu'elle se soit appliquée à se reformer, et former selon les Regles et Constitutions; et que ceste volonté luy dure, voire de vouloir tousjours mieux faire, c'est un bon signe et bonne condition pour luy donner sa voix; car bien que nonobstant cela elle ne laisse pas de faire des fautes, et mesmes assez grandes, il ne faut pas pourtant luy refuser sa voix : car bien qu'en l'année de son Noviciat elle doive travailler en la reformation de ses mœurs et habitudes, ce n'est pas à dire pour cela qu'elle ne doive point faire de cheute, ny qu'elle doive à la fin de son Noviciat estre parfaite. Car regardez au College de nostre Seigneur les glorieux Apostres : encore qu'ils fussent bien appellez et qu'ils eussent beaucoup travaillé, combien firent-ils de fautes, non seulement en la premiere année, mais aussi en la seconde et troisiesme? Tous disoient et promettoient merveilles, voire mesme de suivre nostre Seigneur à la mort et dans la prison; mais la nuit de la Passion que l'on vint prendre leur bon Maistre, tous l'abandonnerent. 33

III.

Je veux dire par là que les cheutes ne doivent pas estre cause que l'on rejette une fille, quand parmy tout cela elle demeure avec une forte volonté de se redresser et de se vouloir servir des moyens qu'on lui donne pour ce sujet. Voilà ce que j'avois à dire touchant les conditions que les filles que l'on veut recevoir à la profession doivent avoir, et ce que les Sœurs doivent observer pour leur donner leurs voix. Et sur cecy je finiray mon discours, si ce n'est que l'on me demande encore quelque chose.

L'on demande donc en premier lieu, s'il se trouvoit une fille qui fust fort sujette à se troubler pour de petites choses, et que son esprit fust souvent plein de chagrin et d'inquietude, et qu'elle ne tesmoignast parmy cela guere d'amour pour sa vocation, et que neantmoins cela estant passé, elle promist de faire des merveilles, qu'est-ce qu'il faudroit faire? Il est tout certain qu'une telle fille estant ainsi changeante n'est pas propre pour la Religion; mais parmy tout cela ne veut-elle point estre guerie? car si cela n'est, il la faut congedier. L'on ne sçait, direz-vous, si cela procede faute de volonté de se guerir, ou bien qu'elle ne comprenne pas en quoy consiste la vraye vertu. Or, si apres lui avoir fait bien entendre ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement, elle ne le fait pas, ains se rend incorrigible, il la faut rejetler; sur tout parce que ses fautes, ainsi que vous dites, ne procedent pas faute du jugement, ny de pouvoir comprendre en quoy consiste la vraye vertu, ny moins encore ce qu'il faut qu'elle fasse pour son amendement; mais que c'est par le defaut de la volonté, qui n'a point de perseverance ny de constance à faire et à se servir de ce qu'elle sçait estre requis pour son amendement, et encore qu'elle dise quelquesfois qu'elle fera mieux, neantmoins ne le fait pas, ains persevere en ceste inconstance de volonté, je ne luy donnerois pas ma voix. Vous dites encore qu'il y en a de si tendres, qu'elles ne peuvent supporter qu'on les corrige sans se troubler, et

que cela les rend souvent malades: or si cela est, il leur faut ouvrir la porte; car puis qu'elles sont malades, et qu'elles ne veulent point qu'on les traite, ny qu'on leur applique les remedes propres à leur donner la guerison, l'on void clairement que faisant ainsi, elles se rendent incorrigibles, et ne donnent point d'espoir de pouvoir estre gueries. Pour ce qui est de la tendreté, tant sur l'esprit que sur le corps, c'est l'un des plus grands empeschemens qui soient en la vie religieuse, et partant il faut avoir un tres-grand soin de ne pas recevoir celles qui en sont demesurément atteintes, parce qu'elles ne veulent point estre gueries, refusans de se servir de ce qui peut leur donner la santé.

L'on demande en second lieu, qu'est-ce que l'on doit juger d'une fille qui tesmoigne par ses paroles qu'elle se repent d'estre entrée en Religion? Certes si elle persevere en ces degousts de sa vocation, et à se repentir, et que l'on voye que cela la rende lasche et negligente à se former selon l'esprit de sa vocation, il la faut mettre dehors: neantmoins il faut considerer que cela peut arriver ou par une simple tentation, ou pour exercice; et cela se peut cognoistre par le profit qu'elle fera de telle pensée, degoust ou repentir, quand avec simplicité elle se descouvrira de telle chose, et qu'elle sera fidelle à se servir des remedes que l'on lui donnera là dessus; car Dieu ne permet jamais rien pour nostre exercice, qu'il ne veüille que nous en tirions profit; ce qui se fait tousjours quand l'on est fidele à se descouvrir, et comme j'ay dit, simple à croire et à faire ce que l'on nous dit; et cecy est la marque que l'exercice est de Dieu. Mais quand l'on void que ceste fille use de son propre jugement, et que sa volonté est seduite et gastée, perseverant à son degoust, alors la chose est en mauvais estat, et quasi sans remede : il la faut renvoyer.

L'on demande en troisiesme lieu, s'il ne faut pas faire consideration de donner sa voix à une fille qui n'est pas

cordiale, ou qui n'est pas esgale à l'endroit de toutes les Sœurs, et qui a fait voir qu'elle a plus d'inclination à l'une qu'à l'autre. Il ne faut pas estre si rigoureuses pour toutes ces petites choses: voyez-vous, ceste inclination est la derniere piece de nostre renoncement: car avant que l'on puisse arriver à ce poinct de n'avoir aucune inclination à l'une plus qu'à l'autre, et que ces affections soient tellement mortifiées, qu'elles ne paroissent point, il y faut du temps. Il faut observer en cela, comme en toute autre chose, si ceste Sœur se rend incorrigible.

En fin, direz-vous, si le sentiment des autres Sœurs estoit tout contraire à ce que l'on sçait, et qu'il nous vinst inspiration de dire quelque chose que nous avons recognu, qui est à l'avantage de la Sœur, faudroit-il laisser de le dire? Non, quoy que le sentiment des autres soit tout contraire au nostre, et que vous soyez seule en ceste opinion; car cela pourroit servir encor aux autres pour se resoudre à ce qu'elles doivent faire. Le S. Esprit doit presider aux Communautez, et selon la varieté des opinions, on se resout pour faire comme l'on juge plus expedient pour sa gloire. Or, ceste inclination que vous avez, que les autres donnent leurs voix ou qu'elles ne la donnent pas, combien que vous donniez ou ne donniez pas la vostre, doit estre mesprisée et rejettée comme une autre tentation, Mais il ne faut jamais tesmoigner parmy les Sœurs ses inclinations ou aversions en ceste occasion. En fin, pour toutes les imperfections que les filles apportent du monde, il faut garder ceste Regle : quand l'on void qu'elles s'amendent, combien qu'elles ne laissent pas de commettre des fautes, il ne faut pas les rejetter; car, par l'amendement, elles font voir qu'elles ne veulent pas demeurer incorrigibles. Dieu soit beny.

ENTRETIEN XVIII.

Comment il faut recevoir les Sacremens, et reciter le divin Office, avec quelques poincts touchant l'Oraison.

Avant que sçavoir comment il nous faut preparer pour recevoir les Sacremens, et quel fruict nous en devons tirer, il est necessaire de sçavoir que c'est que Sacremens et leurs effects. Les Sacremens doncques sont des canaux par lesquels (pour ainsi parler) Dieu descend à nous, comme par l'oraison nous montons à luy, puisque l'oraison n'est autre chose qu'une eslevation de nostre esprit en Dieu. Les effects des Sacremens sont divers, quoy qu'ils n'ayent tous qu'une mesme fin et pretention, qui est de nous unir à Dieu. Par le Sacrement de Baptesme, nous nous unissons à Dieu comme le fils avec le pere; par celuy de la Confirmation, nous nous unissons comme le soldat avec son Capitaine, prenant force pour combattre et vaincre nos ennemis en toutes tentations. Par le Sacrement de Penitence, nous sommes unis à Dieu comme les amis reconciliez; par celui de l'Eucharistie, comme la viande avec l'estomach; par celuy de l'ExtremeOnction, nous nous unissons à Dieu comme l'enfant qui vient d'un lointain pays, mettant desja l'un des pieds en la maison de son pere pour se reünir avec luy, avec sa mere, et toute la famille. Or, voila les effects divers des Sacremens, mais pourtant qui demandent tous l'union de nostre ame avec son Dieu. Nous ne parlerons maintenant que de deux, de celuy de la Penitence, et de l'Eucharistie; et premierement, il est tres-necessaire que nous sçachions pourquoy c'est que recevant si souvent ces deux Sacremens, nous ne recevons pas aussi les graces qu'ils ont accoustumé d'apporter aux ames qui sont bien preparées, puisque ces graces sont jointes aux Sacremens. Je le diray en un mot : c'est faute de deuë preparation; et partant il faut sçavoir comment il nous

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