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pas assez de temps pour faire ce qui est des affaires de la Maison, à cause qu'elle demeureroit trop longuement au parloir, si elle ne seroit pas obligée de retrancher ceste inclination, encore que son intention fust bonne? Je vous diray à cela que les Superieurs doivent estre grandement affables aux seculiers, à fin de leur profiter, et doivent de bon cœur leur donner une partie de leur temps. Mais quelle pensezvous devoir estre ceste petite partie? Ce doit estre la douziesme, les unze restans pour estre employées dans la Maison, au soin de la famille. Les Abeilles sortent bien voirement de leur ruche; mais ce n'est que par necessité ou utilité, et demeurent peu sans y retourner, et principalement le Roi des Abeilles ne sort que rarement, comme quand il se fait un essain d'Abeilles, qu'il est tout environné de son petit peuple. La Religion est une ruche mystique toute pleine d'Abeilles celestes, lesquelles sont assemblées pour mesnager le miel des celestes vertus, et pour cela il faut cela il faut que la Superieure, qui est entre elles comme leur Roy, soit soigneuse de les tenir de prés, pour leur apprendre la façon de les acquerir et conserver. Si ne faut-il pas neantmoins qu'elle manque pour cela à converser avec les personnes seculieres, quand la necessité ou la charité le requiert; mais hors de là il faut que la Superieure soit courte avec les seculiers. Je dis hors la necessité et charité, d'autant qu'il y a certaines personnes de grand respect, lesquelles il ne faudroit pas mescontenter. Mais les Religieux et Religieuses ne se doivent jamais amuser avec les seculiers, sous pretexte d'acquerir des amis pour leur Congregation. O certes! il n'est pas besoin de cela, car s'ils se tiennent dedans pour bien faire ce qui est de leur charge, ils ne doivent point douter que nostre Seigneur ne pourvoye assez leur Congregation des amis qui leur sont necessaires. Mais s'il fasche à la Superieure de rompre compagnie, quand on sonne les Offices, pour y aller, de crainte de mescontenter ceux avec qui elle parle, il ne faut pas estre

si tendre: car si ce ne sont des personnes de grand respect, ou bien qui ne viennent que fort rarement, ou qui sont de loin, il ne faut pas quitter les Offices ny l'oraison, si la charité ne le requiert absolument. Quant aux visites ordinaires des personnes desquelles on se peut librement dispenser, la portiere doit dire que nostre Mere ou les Sœurs sont en l'oraison ou à l'office, s'il leur plaist d'attendre ou de revenir. Mais s'il arrive que, pour quelques grandes necessitez, l'on aille au parloir pendant ce temps-là, qu'au moins l'on reprenne du temps apres pour refaire l'oraison tant qu'il se pourra; car de l'Office, nul ne doute que l'on ne soit obligé de le dire.

Or, pour le regard de la derniere question, qui est, si l'on ne doit pas tousjours faire quelque petite particularité à la Superieure, de plus qu'au reste des Sœurs, tant au vestir qu'au manger, elle sera tantost resolue; car, en un mot, je vous dis que non, en façon quelconque, si ce n'est de neces sité, ainsi comme l'on fait à chacune des Sœurs. Mesmes il ne faut pas qu'elle ait une chaire particuliere, si ce n'est au Chœur et au Chapitre; et en ceste chaire jamais l'assistente ne s'y doit mettre, bien qu'en toute autre chose on lui doive porter le mesme respect qu'à la Superieure (s'entend en son absence); au Refectoir mesme, il ne lui en faut point, ains seulement un siege comme aux autres. Bien que partout on la doive regarder comme une personne particuliere, et à laquelle on doit porter un tres-grand respect, si ne faut-il pas qu'elle soit singuliere en aucune chose, que le moins qu'il se pourra. L'on excepte tousjours la necessité, comme si elle estoit bien vieille ou infirme; car alors il sera permis de luy donner une chaire pour son soulagement. Il nous faut eviter soigneusement toutes ces choses qui nous font paroistre quelque chose au dessus des autres, je veux dire suréminent et remarquable. La Superieure doit estre recognuë et remarquée par ses vertus, et non pas par ces singularitez non ne

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cessaires, specialement entre nous autres de la Visitation, qui voulons faire une profession particuliere d'une grande simplicité et humilité. Ces honneurs sont bons pour ces maisons Religieuses où l'on appelle Madame, la Superieure; mais pour nous autres, il ne faut rien de tout cela.

Qu'y a-il plus à dire? Comment il faut faire, pour bien conserver l'esprit de la Visitation, et empescher qu'il ne se dissipe. L'unique moyen est de le tenir enfermé et enclos dans l'observance des Regles. Mais vous dites qu'il y en a qui sont tellement jalouses de cet esprit, qu'elles ne se voudroient point communiquer hors de la Maison. Il y a de la superfluité en ceste jalousie, laquelle il faut retrancher; car à quel propos, je vous prie, vouloir celer au prochain ce qui luy peut profiter? Je ne suis pas de ceste opinion: car je voudrois que tout le bien qui est en la Visitation fust recognu et sceu d'un chacun; et pour cela j'ai tousjours esté de cet advis, qu'il seroit bon de faire imprimer les Regles et Constitutions, afin que plusieurs les voyant, en puissent tirer quelque utilité. Pleust à Dieu, mes cheres Sœurs, qu'il se trouvast beaucoup de gens qui les voulussent pratiquer ! l'on verroit bien-tost de grands changemens en eux, qui reüssiroient à la gloire de Dieu et au salut de leurs ames. Soyez grandement soigneuses de conserver l'esprit de la Visitation; mais non pas en sorte que ce soin empesche de le communiquer charitablement et avec simplicité au prochain, à chacun selon leur capacité, et ne craignez pas qu'il se dissipe par ceste communication; car la charité ne gaste jamais rien, ains elle perfectionne toute chose. Dieu soit beny.

ENTRETIEN XVII.

Auquel on demande comment et par quel motif il faut donner sa voix, tant aux Filles que l'on veut admettre à la Profession, qu'à celles que l'on reçoit au Noviciat.

Deux choses sont requises pour donner sa voix comme il convient à telles personnes : la premiere, que ce soit à des personnes bien appelées de Dieu; la seconde, qu'elles ayent les conditions requises pour nostre maniere de vivre. Quant au premier poinct, il faut qu'une fille soit bien appellée de Dieu pour estre receuë en Religion : il faut sçavoir que, quand je parle de cet appel et vocation, je n'entends pas parler de la vocation generale, telle qu'est celle par laquelle nostre Seigneur appelle tous les hommes au Christianisme, ny encore celle de laquelle il est dit en l'Evangile que plusieurs sont appellez, mais peu eslus: car Dieu, qui desire de donner à tous la vie eternelle, leur donne à tous les moyens d'y pouvoir arriver, et partant les appelle au Christianisme, et les a eslus correspondans à ceste vocation suivant les attraicts de Dieu; toutesfois le nombre de ceux qui y viennent est bien petit en comparaison de ceux qui sont appellez. Mais parlant plus particulierement de la vocation Religieuse, je dis que plusieurs sont bien appellez de Dieu en la Religion; mais il y en a peu qui maintiennent et conservent leur vocation; car ils commencent bien, mais ils ne sont pas fideles à correspondre à la grace, ny perseverans en la pratique de ce qui peut conserver leur vocation et la rendre bonne et asseurée. Il y en a d'autres qui ne sont point bien appellez; neantmoins estans venus, leur vocation a esté bonifiée et ratifiée de Dieu. Ainsi en voyons-nous qui viennent par despit et ennuy en Religion; et quoy qu'il semble que ces vocations ne soient pas bonnes, neantmoins on en a veu qui estans ainsi venus, ont fort bien reüssi au service

de Dieu. D'autres sont incitez d'entrer en Religion par quelque desastre et infortune qu'ils ont eu au monde, d'autres par le defaut de la santé ou beauté corporelle; et quoy que ceux-cy ayent des motifs qui de soy ne sont pas bons, neantmoins Dieu s'en sert pour appeller telles personnes. Enfin les voyes de Dieu sont incomprehensibles, et ses jugemens inscrutables et admirables en la varieté des vocations et des moyens desquels Dieu se sert pour appeller ses creatures à son service, lesquels doivent estre tous honorez et reverez. Or, de ceste grande varieté de vocations, s'ensuit que c'est une chose bien difficile que de recognoistre les vrayes vocations; et neantmoins c'est la premiere chose qui est requise pour donner sa voix, de sçavoir si la fille proposée est bien appellée, et si sa vocation est bonne. Comment donc parmy une si grande varieté de vocations, et par de differens motifs, pourra-t'on recognoistre la bonne d'avec la mauvaise pour n'estre point trompé ? C'est une chose voirement de grande importance que ceste-cy, et laquelle est bien difficile; neantmoins elle ne l'est point tant que nous soyons entierement destituez de moyens pour recognoistre la bonté d'une vocation. Or, entre plusieurs que je pourrois alleguer, j'en diray un seul comme le meilleur de tous. Doncques la bonne vocation n'est autre chose qu'une volonté ferme et constante qu'a la personne appellée de vouloir servir Dieu en la maniere et au lieu auquel sa divine Majesté l'appelle; et cela est la meilleure marque que l'on puisse avoir pour cognoistre quand une vocation est bonne. Mais remarquez que, quand je dis une volonté ferme et constante de servir Dieu, je ne dis pas qu'elle fasse dés le commencement tout ce qu'il faut faire en sa vocation avec une fermeté et constance si grande qu'elle soit exempte de toute repugnance, difficulté ou degoust en ce qui en depend. Non, je ne dis pas cela, ny moins que ceste fermeté et constance soit telle qu'elle la rende exempte de faire des fautes, ny que

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