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demande : Qu'est-ce que vous avez, et vous voyant prou de choses en l'esprit qui vous faschent, vous ne pouvez pourtant dire ce que c'est, comment il faut que vous fassiez, Il faut dire cela ainsi tout simplement : J'ay plusieurs choses en l'esprit, mais je ne sçay que c'est. Vous craignez, ditesvous, que la Superieure ne pense que vous n'ayez pas la confiance de luy dire: or que vous doit-il soucier qu'elle le pense ou qu'elle ne le pense pas ? pourveu que vous fassiez vostre devoir, dequoy vous mettez-vous en peine? Ce Que dira-t'on si je fais cecy ou cela? ou Qu'est-ce que la Superieure pensera? est grandement contraire à la perfection quand on s'y arreste : car il faut tousjours se souvenir en tout ce que je dis, que je n'entends point parler de ce que fait la partie inferieure; car je n'en fais nul estat : c'est donc à la partie superieure que je dis qu'il faut mespriser ces Que dira-t'on ou que pensera-t'on? Cela vous vient quand vous avez rendu compte, parce que vous n'avez pas assez dit de fautes particulieres. Vous pensez, dites-vous, que la Superieure dira ou pensera que vous ne luy voulez pas tout dire. C'en est de mesme des redditions de compte comme de la Confession: il faut avoir une égale simplicité en l'un comme en l'autre. Or, dites-moy, faudroit-il dire : Si je me confesse de telle chose, que dira mon Confesseur ou que pensera-t'il de moy? Nullement : il pensera et dira ce qu'il voudra; pourveu qu'il m'ait donné l'absolution, et que j'aye rendu mon devoir, il me suffit. Et comme apres la confession, il n'est pas temps de s'examiner pour voir si on a bien dit tout ce que l'on a fait, ains c'est le temps de se tenir attentif aupres de nostre Seigneur en tranquillité, avec lequel nous sommes reconciliez, et luy rendre graces de ses bienfaits, n'estant nullement necessaire de faire la recherche de ce que nous pourrions avoir oublié; de mesme en est-il apres avoir rendu compte il faut dire tout simplement ce qui nous vient, et apres il n'y faut plus penser; mais aussi, comme ce

ne seroit pas aller à la Confession bien preparée, de ne vouloir pas s'examiner, de crainte de trouver quelque chose digne de se confesser, de mesme il ne faudroit pas negliger de rentrer en soy-mesme avant la reddition de compte, de peur de trouver quelque chose qui feroit de la peine à dire. Il ne faut pas aussi estre si tendre à vouloir tout dire, ny recourir aux Superieurs pour crier hola à la moindre petite peine que vous avez, laquelle peut estre sera passée dans un quart d'heure. Il faut bien apprendre à souffrir un peu genereusement ces petites choses ausquelles nous ne pouvons pas mettre du remede, estant des productions pour l'ordinaire de nostre nature imparfaite, comme sont ces inconstances d'humeurs, de volontez, de desirs, qui produisent tantost un peu de chagrin, tantost une envie de parler, et puis tout à coup une aversion grande de le faire, et choses semblables ausquelles nous sommes sujets et le serons tant que vivrons en ceste vie perissable et passagere. Mais quant à ceste peine que vous dites que vous avez, et laquelle vous oste le moyen de vous tenir attentives à Dieu, si vous ne l'allez incontinent dire à la Superieure, je vous dis qu'il faut remarquer qu'elle ne vous oste peut estre pas l'attention à la presence de Dieu, ains plustost la suavité de ceste attention: or si ce n'est que cela, si vous avez bien le courage et la volonté, ainsi que vous dites, de la souffrir sans rechercher du soulagement, je vous dis que vous ferez tres-bien de le faire, quoy qu'elle vous apportast un peu d'inquietude, pourveu qu'elle ne vous fust pas trop grande : mais s'il vous ostoit le moyen de vous tenir proche de Dieu à ceste heure-là, il la faudroit aller dire à la Superieure, non pas pour vous soulager, mais pour gagner chemin en la presence de Dieu, bien qu'il n'y auroit pas grand mal de le faire pour vous soulager. Au reste il ne faut pas que nos Sœurs soient tellement attachées aux caresses de la Superieure, que dés qu'elle ne leur parle pas à leur gré, elles tirent viste consequence

que c'est qu'elles ne sont pas aymées. O non! nos Sœurs ayment trop l'humilité et la mortification pour estre d'oresenavant melancholiques sur un leger soupçon (qui est peut estre sans fondement) qu'elles ne sont pas tant aymées comme leur amour propre leur fait desirer d'estre. Mais j'ay fait une faute à l'endroit de la Superieure (dira quelqu'une), et partant j'entre en des apprehensions qu'elle ne m'en scache mauvais gré, et en un mot elle ne m'aura pas en si bonne estime qu'elle m'avoit. Mes cheres Sœurs, tout ce marrissement se fait par le commandement d'un certain Pere spirituel qui s'appelle l'amour propre, qui commence à dire : Comment! avoir ainsi failly! qu'est-ce que dira ou pensera nostre Mere de moy? Oh! il ne faut rien esperer de bon de moy; je suis une pauvre miserable, je ne pourray jamais rien faire qui puisse contenter nostre Mere; et semblables belles doleances. L'on ne dit point: Helas! j'ay offensé Dieu, il faut recourir à sa bonté et esperer qu'il me fortifiera; on dit : O je sçay bien que Dieu est bon; il n'aura pas égard à mon infidelité; il recognoist trop bien nostre infirmité; mais nostre Mere... nous revenons tousjours là pour continuer nos plaintes. Il faut sans doute avoir du soin de complaire à nos Superieurs; car le grand Apostre S. Paul le declare, et en exhorte, parlant aux serviteurs, et il se peut attribuer aussi aux enfans: Servez, dit-il, vos Maistres à l'œil; voulant dire, ayez un grand soin de leur plaire; mais aussi il dit par apres, Ne servez point vos Maistres à l'œil; voulant dire qu'ils se gardent bien de rien faire de plus, estant à la veue des Maistres, qu'ils feroient estant absens, parce que l'œil de Dieu les void tousjours, auquel on doit avoir un grand respect pour ne rien faire qui lui puisse desplaire, et en ce faisant ne nous mettre pas en grande peine ny soucy de vouloir tousjours contenter les hommes; car il n'est pas en nostre pouvoir: faisons du mieux que nous pourrons pour ne fascher personne; mais apres cela, s'il arrive que par

vostre infirmité vous les mescontentiez quelquesfois, recourez soudain à la doctrine que je vous ay si souvent preschée, et que j'ay tant d'envie de graver en vos esprits; humiliezvous soudain devant Dieu en recognoissant vostre fragilité et foiblesse, et puis reparez vostre faute, si elle le merite, par un acte d'humilité à l'endroit de la personne que vous avez pu fascher; et cela fait ne vous troublez jamais : car nostre Pere spirituel, qui est l'amour de Dieu, nous le defend en nous enseignant qu'apres que nous avons fait l'acte d'humilité, ainsi que je dis, nous r'entrions en nous-mesmes pour caresser tendrement et cherement ceste abjection bien heureuse qui nous revient d'avoir failly, et ceste bien-aymée reprehension que la Superieure nous fera. Nous avons deux amours, deux jugemens et deux volontez, et partant il ne faut faire nul estat de tout ce que l'amour propre, le jugement particulier ou la propre volonté nous suggerent, pourveu que nous fassions regner l'amour de Dieu au dessus de l'amour propre, le jugement des Superieurs, voire des inferieurs et des égaux, au dessus du nostre, le reduisant au petit pied, ne se contentant pas de faire assujettir nostre volonté en faisant tout ce que l'on veut de nous, mais assujettissant le jugement à croire que nous n'aurions nulle raison de ne pas estimer que cela soit justement et raisonnablement fait, dementant ainsi absolument les raisons qu'il voudroit apporter pour nous faire accroire que la chose qui nous est commmandée seroit mieux faite autrement qu'ainsi que l'on nous dit. Il faut avec simplicité rapporter une fois nos raisons, si elles nous semblent bonnes; mais au partir de là, acquiescer sans plus de repliques à ce que l'on nous dit, et par ainsi faire mourir nostre jugement que nous estimons si sage et prudent au dessus de tout autre. O Dieu! ma Mere, nos Sœurs sont tellement resoluës d'aymer la mortification, que ce sera une chose agreable de les voir; la consolation ne leur sera plus rien au prix de l'affliction, des seicheresses,

des repugnances, tant elles sont desireuses de se rendre semblables à leur Espoux : aidez-les donc bien en leur entreprise, mortifiez-les bien et hardiment sans les espargner, car c'est ce qu'elles demandent? elles ne seront plus attachées aux caresses, puis que cela est contraire à la generosité de leur devotion, laquelle fera desormais qu'elles s'attacheront si absolument au desir de plaire à Dieu, qu'elles ne regarderont plus autre chose, si elle n'est propre pour les avancer en l'accomplissement de ce desir. C'est la marque d'un cœur tendre et d'une devotion molle, de se laisser aller à tous petits rencontres de contradiction: n'ayez pas peur que ces niaiseries d'humeur melancholique et despiteuse soient jamais parmy nous; nous avons trop bon courage, graces à Dieu : nous nous appliquerons tant à faire desormais, qu'il y aura grand plaisir de nous voir. Cependant, mes cheres filles, purifions bien nostre intention, afin que faisant tout pour Dieu, pour son honneur et gloire, nous attendions nostre recompense de luy seul : son amour sera nostre loyer en ceste vie, et luy-mesme sera nostre recompense en l'eternité. Dieu soit beny.

ENTRETIEN XV.

Auquel on demande en quoy consiste la parfaite determination de regarder et suivre la volonté de Dieu en toutes choses; et si nous la pouvons trouver et suivre és volontez des Superieurs, esgaux ou inferieurs, que nous voyons proceder de leurs inclinations naturelles ou habituelles; et de quelques poincts notablement touchant les Confesseurs et Predicateurs.

Il faut sçavoir que la determination de suivre la volonté de Dieu en toutes choses, sans exception, est contenue dans l'Oraison Dominicale, en ces paroles que nous disons tous les jours: Vostre volonté soit faite en la terre comme au Ciel. Il n'y a aucune resistance à la volonté de Dieu au Ciel; tout lui est est sujet et obeyssant; ainsi disons-nous qu'il nous puisse arriver, et ainsi demandons-nous à nostre Seigneur de faire, n'y apportant jamais aucune resistance, mais

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