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prochains, mays des vrays sentimens, que nous avons selon nostre volonté superieure ; ainsy si j'ay quelqu'aversion et repugnance à mon prochain, pourveu que selon ma volonté et resolution je soys deliberé de l'aymer, non seulement je dois luy tesmoigner de l'amour, mais je ne dois nullement luy tesmoigner mon aversion, car cette aversion n'est pas volontaire et si elle....... scandaleuse, et en verité je l'ayme, puisque je l'ayme selon la partie maistresse et regente de mon ame. Et parce que ceste vertu m'oblige de conformer mes paroles et mes gestes exterieurs à mes sentimens interieurs et à la verité de ce que j'exprime, elle m'oblige aussi à rechercher la verité, mays d'une recherche raysonnable, et qui prend sa mesure de l'importance de la chose que je veux exprimer. Car si je veux asseurer une chose de grande consequence, je suis obligé d'avoir un grand soin, pour sçavoir la verité. Si c'est une chose indifferente, il n'est pas requis de me mettre en peyne pour m'asseurer de la verité, ains suffit que je die simplement ce que je croy estre veritable d'abord. Si je raconte ce que Virgile dit de Junon, d'Æneas, de Priamus, il suffit que je die selon ce que ma memoire presente me fournit et que je pense estre vray, car qu'importe-il quand je dirois bien une chose pour une autre en chose si frivole? mays si je raconte les miracles de nostre Seigneur ou de Moyse, ou mesmes autres histoires desquelles la verité importe à l'establissement de nostre foy, je suis obligé d'estre grandement sur mes gardes à ne rien dire qu'en verité. Si je raconte comme un seigneur ou une dame estoit vestus en telles occasions, pourveu que je die selon ce qu'il m'en semble, il suffit. Mays si je raconte leurs actions, par lesquelles on peut discerner s'ils ont esté vertueux ou non, je dois estre plus discret, et parler avec plus d'asseurance de la verité, car le mensonge n'a jamais aucun juste usage, c'est tousjours un abus, pour utile qu'en soyt lạ consequence, et n'en est pas de mesme comme de l'hellebore;

car bien que nos cors puissent estre gueris par le tourment des medicamens, les esprits le doivent voirement estre par le tourment de la tristesse et repentance, mays non jamais par la coulpe. Or puisque les signes sont ordonnés pour exprimer les choses, nous nous devons cela les uns aux austres de ne nous point decevoir par iceux, les employant à signifier le mensonge et ce qui n'est point.

S'ensuit la douce affabilité, qui donne une aggreable bienseance à nos conversations serieuses, affin d'un costé que nous ne soyons ni trop blandissans, amadoüans et flatteurs, ni de l'autre trop aspres, austeres, rebarbatifs, durs, desdaigneux et fascheux, mays qu'avec une condescendence bien assaisonnée nous traittions en paroles, actions et contenances, suavement et amyablement avec le prochain.

Apres vient la liberalité qui nous donne la juste estime et affection des richesses, ne permettant pas qu'on les prise plus qu'il ne faut, et par consequent nous porte à les despenser et employer volontiers et librement, quand il est convenable, affin que, d'un costé nous ne soyons pas avares, soyt à ramasser et acquerir trop ardemment les biens de ce monde, soyt à les retenir trop chichement, et que d'autre part nous ne soyons pas prodigues, donnant à gens indignes, comme sont les flatteurs, bouffons, joueurs, joueurs, ni pour les choses friandes et vaines. On ne sçauroit dire lequel de ces deux vices est plus dangereux; certes l'avarice ne proffite à personne, non pas mesme à l'avare auquel le bien qu'il a luy defaut et est autant inutile comme celuy qu'il n'a point, C'est un vray vilain vice que celuy là et qui monstre une grande bassesse de courage; c'est pourquoy la prodigalité et profusion des richesses seroit plus amyable, si elle n'engendroit ordinairement l'avarice: car il arrive souvent que ceux qui se playsent trop à donner aux uns, affin d'asseurer leur inclination en cela, ct.

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La suave amitié est une vertu differente de l'affabilité, car celle-cy se prend à un chascun pour inconneu qu'il soyt; mais l'amitié ne se faict qu'avec privauté et familiarité. Car c'est une reciproque et manifeste affection par laquelle nous nous souhaytons et procurons du bien les uns aux autres selon les regles de la rayson et de l'honnesteté, dont j'ay parlé ailleurs en l'Int. et au livre de l'Amour du prochain'.

Mays sur tout ce qui regarde la justice, il y a une vertu que nous appellons æquité, qui empesche que la justice ne soyt pas injuste et que le droit ne se change pas en injure; c'est cette prudence qui modere les loys inferieures par les superieures, en sorte que une loy cede à l'autre selon que la rayson requiert, et que le legislateur mesme le diroit, s'il voyoit l'estat present des affaires. Il faut rendre à chascun ce qui luy appartient; rendes donc à ce furieux son espée, et il tuera quelqu'un sur le champ. Non, Philothée, ce ne se doit pas faire; car bien qu'il faille rendre à chascun ce qui est à luy, cela s'entend, quand il n'en abuse pas au plus grand dommage du prochain et l'æquité nous enseigne cela. La loy dit: ne tue point; mays si le voleur attaque vostre personne et vous le tues pour vostre juste defense, qui vous en peut blasmer? car la loy de la conservation de vostre propre vie precede celle de la conservation de la vie du prochain. La loy dit : Chomme les jours de festes, ouyes la sainte messe; le feu cependant se prend à la mayson, ne l'esteindray-je donq pas? si faict; car la loy n'a pas entendu de vous obliger en ce cas là: vous feres bien un autre jour la feste, et ouyres bien un autre jour la messe ; mays vous ne sçauries esviter ce grand dommage, si vous n'y travailles pas maintenant. Ainsy donc les loys veulent que par droit on les modere,

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1 Voyez l'Introduction à la vie devote, IIIe Partie, les premiers chapitres. -Le Traité de l'Amour de Dieu, Liv. I, chap. XIII et XIV.

De la force.

A la force appartient la magnanimité, qui n'est autre chose qu'une vertu qui nous porte et nous incline aux convenances et retenues en chasque nature et espece de vertu, non pour le regard du bien qu'il y a en l'action grande de la vertu, mays pour le respect de la seule grandeur de l'action. Car, par exemple, un homme qui ayme grandement la chasteté et un homme magnanime et de grand courage, l'un et l'autre au choix de la chasteté entreprendront la chasteté virginale comme le plus haut et relevé degré qui puisse estre en la vertu de chasteté. Mais l'un faict ceste entreprise pour le grand amour qu'il porte à la chasteté, laquelle plus elle est grande plus il l'ayme; l'autre faict la mesme entreprise, non pour l'amour de la chasteté qui est en ceste grandeur et hauteur de vertu, mays pour l'amour de la grandeur qui est en ceste chasteté, si que l'un cherche la chasteté en la grandeur de ceste action, et l'autre cherche la grandeur de l'action en la perfection de la chasteté. Or comme cette vertu recherche la vraye grandeur, qui est es actions heroïques des vertus, aussi n'estime-elle rien de grand que cela. C'est pourquoy ell'a ses proprietés selon Aristote1, qui neantmoins au subjet de ceste vertu tesmoigne assés la foiblesse de la vue naturelle en comparayson de l'evangelique: 1o De ne se plaire que fort sobrement entre les honneurs tant grands et releves qu'ils soyent. 2o Estre egalement dans l'adversité et les perités. 3° Fuir les menus et inutiles .

venables. 4° Secourir

La rayson.

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pros

et con

On recherche de la gloire par des moyens vains ou pour des choses vaynes, ou des personnes vaynes. Et enfin nous esvitons la pusillanimité ou descouragement par lequel 1 Cap. III, lib. IV, Eth,

nous fuyons les grandes actions, les grands honneurs, et les grands offices, pour la trop grande apprehension que nous avons de la grandeur, n'estimant pas nos forces asses dignement et selon leur mesure. Car comme les presomptueux entreprennent indiscretement outre leurs pouvoirs, les pusillanimes n'entreprennent pas selon leur pouvoir, ains laissent une partie de leurs forces inutiles faute de cœur pour les employer.

De la magnanimité despend la magnificence, qui nous porte non aux actions grandes des vertus, mays aux grands et sumptueux ouvrages, qui requierent force despense; car ceste vertu nous les faict entreprendre genereusement, destournant d'un costé une certaine sotte affection de despense, par laquelle on faict des frais inutiles et outre la bienseance, et d'autre costé une certaine vileté d'esprit par laquelle on n'esgale pas la despense à la dignité et bienseance de l'ouvrage qu'on entreprend.

parens

Apres, vient la tres saincte patience, par laquelle nous moderons les tristesses et fasderies qui nous arrivent des maux ordinaires en ceste miserable vie mortelle ; la mort des et amis, les bannissemens, les pertes, les maladies, les injures et opprobres et autres sortes d'afflictions de la vie mortelle .... de la vie, parce que les maux de la mort et les choses horribles pour la mort doivent estre surmontes par la force, comme il a esté dit. Or la patience nous faict supporter tranquillement ces afflictions pour l'honnesteté et le bien qu'elle reconnoit estre en l'esgalité de l'esprit et la bonn'assiette de l'ame entre ces occasions.

Or quand, outre le mal que nous endurons avec moderation, il nous faut supporter une longue durée du mal, et que nous n'avons pas seulement du mal, mays que nous devons l'avoir longuement, c'est à dire qu'outre le mal nous devons supporter une longue durée du mal, qui est une grandeur en durée et estendue de continuation, nous n'avons pas seu

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