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grande estime de la perfection divine, faict qu'on n'ose pas en parler, crainte d'en parler peu convenablement. C'est ceste crainte chaste qui estant demeure es siecles des siecles; car si bien les saints ne craignent pas d'offencer Dieu, car ils sont asseures de vivre à jamais en sa bienveuillance, si est ce que l'inestimable estime qu'ils font de l'excellence divine faict qu'ils reverent sa divine majesté et ont une aggreable et amoureuse apprehension de sa grandeur qui les tient en une continuelle attention soigneuse et leur donne un soin perpetuellement attentif à bien exalter la divine bonté : qui est la crainte dont il est dit que les puissances tremblent devant sa majesté, c'est à dire, elles ont un soin de l'honorer et l'estiment avec tant d'admiration et de vive attention comme si elles craignoyent de se mesprendre. Car autant que sa bonté les asseure que jamais ils ne manqueront, sa majesté les provoque à l'attention et soin et reverence.

Or cette reverence interieure nous faict prosterner exterieurement, demeurer sur les genoux, faire des abaissemens de corps, tenir les yeux en terre, les mains jointes, porter les voiles, sur nos yeux, vetir le sac et le cilice; elle nous empesche de toucher les choses sacrées, qu'avec beaucoup de preparation et de protestation de nostre indignité; elle nous faict confesser nos miseres et la grandeur de Dieu.

II. La devotion en matiere de religion n'est autre chose qu'une ardeur et ferveur d'esprit qui nous rend prompts à faire tout ce qui regarde le service de Dieu, vertu toute pareille à la devotion en matiere de charité dont nous avons parlé au commencement de l'Introduction, car comme l'une est une excellente charité, l'autre est une excellente affection de religion, et parce que ceux qui sont animés de ceste tant desirable vertu se desdient et consacrent, donnent et addonnent totalement au service de Dieu et à tout ce qui le regarde, elle nous faict particulierement faire la sainte offrande et abandonnement, donation et desdicace de nous

mesmes à la Divine Majesté que nous avons ci-dessus marquées, par laquelle nous sommes rendus voués, desdiés, consacrés à Dieu, et comme specialement religieux que au commencement de l'Eglise on appeloit moynes, c'est à dire uns, ou unis, à cause de la sainte union avec Dieu à laquelle ils se desdioyent, ou de l'unité de leur institution et profession qui n'estoit que du seul service de Dieu, et comme parle le grand saint Denys à raison de leur vie une et simple, non distraicte ni divisée, et ains toute ramassée et recueillie pour estre toute destinée à la perfection de l'unique amour de Dieu; et parce que ceux-ci par l'excellence de ferveur qu'ils ont en la religion se sont devoués et desdiés à l'unique profession de servir Dieu et vaquer à son amour, on les a nommés specialement religieux par apres, et passant plus avant, parce qu'entre ceux qui se dedient à l'unique service de Dieu, les uns le font par des simples oblations qui se font par maniere de protestation et desclaration d'une volonté absolue et resolue; comme font la pluspart des oblats de saint Ambroise, les dames de la Tour des Miroüers de la congregation de sainte Françoise à Rome, les vierges de sainte Ursule, et comme faisoyent les hommes et les femmes du tres sainct ordre de sainct François, les peres de la congregation de l'Oratoire et plusieurs tres sainctes societés que Dieu a grandement benies et illustrées de plusieurs saincts et sainctes comme de saincte Catherine de Sienne et de Gesnes, de saincte Angele de Foligni, de saincte Elisabeth de Hongrie, sainct Elzéar, sainct Yves, saincte Françoise, et en nostre aage du B. P. Philippe Neri, saincte Genevieve. Les autres le font par des vœux qui sont voirement approuvés de l'Eglise, mays non pas pourtant acceptés, appliqués pour mettre la personne qui les faict en l'estat qu'on appelle regulier : tels sont les vœux qui se font par les personnes seculieres, voire mesme les ecclesiastiques, encore bien que ce seroyent les vœux de pauvreté, chasteté et obeyssance quand ils sont faicts sans

estre acceptés par quelque ordre qui ayt le pouvoir ou l'establissement de rendre ses membres reguliers; les autres le font par des vœux acceptés par l'Eglise pour establir une personne en l'estat que nous appelons regulier, soit que tels vœux soyent solemnels, soit qu'ils soyent simples comme ceux des coadjuteurs formés de la compagnie du nom de Jesus.

Or est-il vray que tous les vœux autant les simples que les solemnels, ceux qui se font en la profession reguliere et ceux qui se font hors d'icelle, obligent egalement devant Dieu sans qu'il y ayt nulle difference, en sorte que qui viole les vœux simples il est autant perfide et sacrilege à raison du vœu comme celui qui viole les vœux solemnels; mays pourtant ceux qui violent les vœux solemnels ou simples, mays de religion, pechent plus grievement que les autres, à rayson du scandale qui s'en en suit est plus grand, outre que par l'establissement du droit ils peuvent estre apprehendes (et) chasties, ne pouvant ni contracter legitimement ni rien acquerir entre les hommes tandis qu'ils sont dans les liens du væn, là où ceux qui ont faict les voeux purement simples ne sont pas rendus inhabiles à contracter et acquerir entre les hommes, quoique devant Dieu et en conscience ils soyent autant perfides en ce faysant que les autres.

Or d'autant que ceux qui par vou se sont obliges aux religions approuvées, se sont non seulement lies de l'obligation consciencieuse en conscience et devant Dieu, mays aussi d'une obligation civile, ecclesiastique et devant les hommes, non seulement sous des peines éternelles, mays aussi temporelles, non seulement pour estre redevables et obligés en conscience, mais pour estre contraints en effect à l'observation des vœux; partant on leur a donné specialement le nom de Religieux et à leurs congregations le nom de Religions, à cause de ce lien par lequel, outre le commun lien des Chrestiens ils se sont relies au devoir et à la poursuite de la perfection

par les trois vœux propres à l'obtenir, et derechef encore relies par la soumission aux peines et anathesmes ecclesiastiques en cas de contravention et d'infraction des vœux. Et quant aux autres personnes qui ne sont liées que par les simples oblations (qui est un lien de reverence, respect et verité), car c'est une irreverence de ne point observer ce que l'on a protesté (quoique non voué) de faire devant un si grand roy et pour son service, bien que ce ne soit pas contre la fidelité n'ayant eu aucune promesse, elles ne sont pas appelées religieuses si absolument, ains seulement devotes et dediées à Dieu, comme aussi celles qui par des vœux particuliers et purement simples se sont lies devant Dieu à l'obeyssance, pauvreté et chasteté; car si bien elles ne sont pas moins liées devant Dieu que les religieux, neantmoins en la police exterieure de l'Eglise et en ce qui en depend les religieux le sont beaucoup davantage.

L'orayson.

L'orayson certes, ou la priere, n'est autre chose à proprement parler qu'une demande faicte à Dieu de ce que nous pretendons obtenir de luy. Nous pouvons demander une chose diversement. Car nous la pouvons demander par droit et justice, comme une debte, ou par droit d'authorité, comme un devoir ou comme une grace et faveur, par le seul droit de liberalité, de courtoysie et de bienveuillance. Car je vous prie Phil. si je demande en justice l'argent que j'ay presté à mon voysin, est-ce une priere et orayson? non certes, ains une demande rigoureuse. Si un seigneur demande son manteau, son chapeau, son espée ou du vin à son valet, est-ce une priere? nullement, mays une demande par authorité. Mays je demande à un homme qui ne me doit rien, un service, une chose quelconque, qu'il me donne de l'argent, qu'il me preste son cheval, où qu'il me donne à manger ou à boire,

à ceste heure là je ne puys user d'autre sorte de demande que de celle de la priere, et si c'est une personne qui soit relevée au-dessus de moy en quelque eminente qualité, je ne prie pas seulement, mays adjoustant avec l'humilité et la reverence je supplie. Or Dieu ne nous doit rien, Philothée, à tous tant que nous sommes pour nostre regard et pour nostre consideration; car qu'avons-nous pour l'obliger de quoy il ne nous ayt premierement obliges? nous ne lui sçaurions jamais rien donner. Car si nous lui presentons quelque chose, l'ayant premierement reçeue de luy c'est rendre, non pas donner; c'est payer, non pas obliger; nous ne l'obligeons pas, mays nous nous acquittons de la debte. L'isle Haloncius avoit esté aux Atheniens, mays les pirates la leur occuperent, sur lesquels Philippe roy de Macedoine l'ayant prise, les Atheniens la luy demanderent, et il consentit de la leur donner, mays non pas de la leur rendre; au contraire, les Atheniens ne la vouloyent pas prendre, mays reprendre. Certes nous ne pouvons rien donner à N. S. à proprement parler, ains seulement rendre, et il ne peut rien prendre sur nous, oüi bien reprendre, puisque nos mains ne luy peuvent rien presenter que nous n'ayons reçeu des siennes. Ce n'est pas, Philothée, que N. S. ne se soit constitué debteur envers nous des recompenses immortelles, si nous observons ses commandemens, et qu'il ne die souvent que non seulement il nous les donnera, mays qu'il nous les rendra; mon pere, dit-il à celuy qui priera en son nom, te le rendra; et l'apostre parlant de la couronne de gloire, laquelle, dit-il, en ce jour là advenir le juste juge me rendra. Ouy en verité, Philothée, nos bonnes œuvres faictes en la grace de Dieu meritent recompense, et N. S. s'oblige de la rendre comme toutes les escritures tesmoignent, mays ce n'a pas esté par droit de justice que N. S. s'est obligé de nous rendre recompense: ça est par pure misericorde, selon la grandeur de laquelle il nous a voulu sauver. Or depuys neanmoins qu'il s'y est obligé par misericorde, il le

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