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Le Poussin!... A ce nom si grand et si pur, l'âme s'émeut et le souvenir se reporte sur tant de chefs-d'œuvre que le Louvre possède au nombre de ses plus inestimables richesses; et non-seulement on honore le noble génie qui, du sein même de la terre étrangère, illustra sa patrie, mais encore, on vénère cet esprit si délicat qui se maintint constamment dans une sphère élevée et ne chercha ses inspirations qu'aux meilleures sources.

Deux cents ans ont passé sur cette gloire, sans l'altérer; les hommages universels n'ont cessé de lui être rendus. Tous les écrivains qui ont consacré leurs méditations à l'histoire des arts, ont été unanimes à payer un juste tribut d'éloge au Raphaël français, et on aime à retrouver cette même expression de respect chez Félibien, Bellori, Torrigio, Passeri, Dargenville, Maria Graham, Reynolds, et de nos jours, Eugène Delacroix. Dans ses Observations sur quelques peintres, Taillasson a placé ces lignes dont nous aimons à faire l'introduction de notre travail : « Les amateurs

II

Vers l'année 1616, un vieux gentilhomme était assis dans la modeste salle revêtue de boiseries où il recevait ses amis, ses anciens compagnons d'armes. Les fatigues de la guerre l'avaient brisé sans l'enrichir; mais quelque rude qu'eût été sa vie, il n'en avait pas moins conservé une sérénité parfaite. En face de lui, sa femme, Marie de Laisement, filait avec activité, comme les bonnes ménagères du dix-septième siècle. Le silence n'était interrompu que par les exclamations de douleur que la goutte arrachait à Jean Poussin; celui-ci, pour se distraire et oublier un peu son ennemie, se jetait dans les souvenirs de sa carrière agitée.

« Ah! ma chère Marie, disait-il, on ne s'enrichit pas sous le harnais. J'ai pourtant tenu la campagne pour leurs Majestés Charles IX, Henri III et Henri IV... Me voilà bien avancé! sauf notre maisonnette des Andelys, que tu tiens de ton père, simple procureur, que possédons-nous?

-Nous possédons un trésor, répondit simplement la dame.

je regrette qu'il ne se soit pas senti d'attrait pour les lettres latines que je lui aurais enseignées moi-même, et qu'il n'ait de plaisir qu'à tenir un pinceau.

Que voulez-vous? c'est sa passion, et en voulant être peintre il ne fait de mal à personne.

- J'entends: notre fils Nicolas. Ah! c'est >> des arts ne peuvent entendre prononcer un excellent sujet, il faut en convenir: ap» le nom du Poussin sans éprouver un sen-pliqué, intelligent, doux et honnête. Mais >> timent de vénération... Le Poussin est le >> plus sage des peintres, et, sans contredit, » un des plus savants: ses tableaux sont >> remplis de pensées ; et plus on a de dignité » et d'élévation dans l'âme, mieux on sent » ses idées, et plus elles en font naître de »> nouvelles... Ses tableaux excitent à la >> vertú, soit par le choix des sujets, soit » par la manière dont il les a rendus. Cor>> neille et le Poussin ont tant de rapports >> entre eux, par la beauté mâle de leur » génie, qu'ils semblaient devoir naître » dans la même contrée. Honneur à l'heu>> reuse province qui vit s'élever de son sein » et l'un de nos plus célèbres poëtes et le >> plus grand de nos peintres! >>

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A personne... excepté à lui-même.
Expliquez-vous, Jean; vous m'ef-

frayez. »

Le vieux gentilhomme, de son côté, tourna gravement les yeux vers sa rapière et son baudrier qui étaient accrochés à une panoplie.

« Sans doute, reprit-il, le métier des armes n'enrichit pas, mais il a ses hasards, ses chances favorables; avec de la noblesse, du courage et de la force, il

No XI.

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peut conduire aux grades; tandis que l'art de peindre est, à tout prendre, un triste métier. Rarement il est accordé d'y briller; et quand les plus célèbres y ont langui, que doit-il advenir à celui qui est inconnu et qui n'a pas même de talent?...» En ce moment, un troisième interlocuteur vint se mêler à la conversation et en changer le cours. Il portait sur son visage animé un air de gaieté et d'assurance.

<«< Ah! ah! dit-il en entrant familièrement comme un habitué de la maison, voilà messire Jean Poussin qui en est encore aux prédictions sinistres.

- C'est vous, mon cher Quentin Varin! Vous arrivez à propos pour entendre ce que je pense de la peinture et des peintres.

J'ai fort bien entendu; et je ne suis pas fâché de pouvoir combattre un peu ce que je me permettrai d'appeler vos préjugés. Avouez-le, vous croyez qu'un gentilhomme déroge en exerçant l'art sublime

des Titien et des Léonard de Vinci.

Oui, j'ai eu longtemps cette idée; mais, à la voix de Marie, je l'ai abandonnée. Une seule crainte me domine à présent: celle de voir mon fils malheureux.

Lui! rassurez-vous. Dieu merci, mon élève ne manquera pas ici d'occasions de travail; je lui ai enseigné à peindre à la détrempe; il y excelle. Et comme la cathédrale et les couvents de ce pays me demandent sans cesse des tableaux, Nicolas pourra m'y aider activement.

Allons, vous me rendez quelque confiance, dit le vieux guerrier. Voyons, maître Quentin, prêtez-moi l'appui de votre bras pour que je fasse un tour de jardin; en causant, vous me développerez vos plans d'avenir pour mon fils. »

A peine le peintre et le gentilhomme étaient-ils sortis, que la bonne Marie se rendit à l'extrémité de la maison, jusqu'à une petite chambre où elle était certaine de trouver son fils. Elle croyait le surprendre au milieu de son labeur assidu: mais contre son attente et contre l'habitude, elle le surprit dans l'inaction, rêveur et le visage appuyé sur une de ses mains.

En entendant sa mère, il releva le front et parut honteux d'avoir été aperçu dans cet état de prostration. Mais Marie, avec

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excusez-moi, je vous cause du chagrin... | dégénéré : ni Jean Cousin ni Fréminet

Mais tenez, voici qui justifiera mes paroles. »

Nicolas tira soigneusement d'un carton quelques estampes d'après Raphaël et Jules Romain, et il les étala sur une table.

Marie de Laisement, quoiqu'elle fût étrangère aux arts, ne put maîtriser un mouvement d'admiration: jamais elle n'avait rien vu d'aussi beau.

« Voilà les maîtres! s'écria le jeune homme, dont le visage s'était illuminé d'enthousiasme; voilà les chefs-d'œuvre!... O cachet du génie! ô sublime hauteur où il peut être donné à quelques-uns d'atteindre!... vous comprenez maintenant, ma mère, que je n'arriverai jamais au but si je ne puis un jour observer de près des modèles de ce genre. »

La pauvre femme pencha la tête et tomba dans de pénibles réflexions. Mille terreurs assiégeaient son esprit.

<< En admettant, dit-elle enfin, que ton père, sur nos instances, veuille bien consentir à ton départ, songe combien de périls te menacent dans cette existence d'isolement. Qui te protégera? Nous n'avons pas d'amis si loin. Aux jours d'affliction, qui te consolera?

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Votre souvenir.

Qui te soutiendra dans ton travail?
L'amour de la gloire.»>

Les objections de Marie faiblissaient : le jeune artiste devint pressant, persuasif, éloquent. Il n'invoquait que son besoin de bons maîtres, d'utile direction; il comptait courageusement d'avance les privations, les souffrances, la lutte.

Il acceptait ce qui, en effet, devait remplir sa vie !

La résistance du père fut longue: mais Marie, malgré sa douleur, plaidait la cause du pèlerin de la peinture; et sa voix finit par être entendue.

III

n'avaient formé d'élèves dignes d'eux.

Un peintre de portraits, Ferdinand Elle, de Malines, puis Lallemant, artiste lorrain, reçurent successivement Poussin dans leur atelier, sans que le jeune homme pût trouver dans leurs conseils une révélation de ce grand sentiment de l'art dont il portait l'instinct en lui.

Il arriva qu'un jour certain gentilhomme de Poitou vit travailler notre artiste aussitôt il se lia avec lui, et voulut absolument l'emmener dans sa province, en lui promettant monts et merveilles.

« Je vous amène, dit le gentilhomme à sa mère, un artiste plein de mérite. »

La bonne dame, traduisant le mot d'artiste par celui de domestique, n'eut rien de plus pressé que de confier à Poussin les soins économiques de la maison. Aussi le séjour de Nicolas en ce château ne se prolongea-t-il point. Il revint à pied, s'arrêtant dans les villages pour faire les enseignes de cabaret, par lesquelles il payait son gîte. Enfin, dénué de ressources, malade, presque découragé, il regagna Paris. La première personne qu'il y retrouva fut Philippe de Champaigne, jeune aussi et déjà initié aux traditions de la peinture flamande. Ils s'étaient connus et appréciés mutuellement par la double sympathie du talent et du caractère.

« C'est toi enfin! s'écria Philippe. Je savais bien que tu nous reviendrais.

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Hélas! dit Poussin, Paris n'est pas la terre promise: on n'y rencontre pas de protecteurs; les grands seigneurs, absorbés dans des querelles de cour, ont abandonné les glorieuses traditions de François Ier. C'est à Rome que je veux me rendre, à Rome, cette terre classique de l'inspiration. Mais d'abord, j'ai besoin de me retremper dans la maison paternelle. Il me faut revoir mes chers parents, fût-ce pour la dernière fois. Ainsi, Philippe, adieu encore, ne m'oublie pas. »

Peu de jours après, on eût pu entendre Marie de Laisement s'écrier avec joie : « Te voilà donc, mon pauvre fils; tu n'as pas fait fortune.

Le voilà enfin à Paris, dans cette ville où il espérait rencontrer cet idéal et cette perfection, but et effort de toute sa vie. Mais C'est que la fortune ne m'attendait pas l'art à peine importé d'Italie, y avait déjà à Paris, tandis que Rome me la promet.

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