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Journal des Demoiselles.

Paris, Boulevari des Italiens, 1.

N°IV

HISTOIRE D'ESPAGNE.

SERTORIUS.

Vingt ans s'étaient écoulés depuis la mort de Viriathe. Les aigles romaines planaient des bouches de l'Ebre aux bouches du Duero, et dans le sommeil léthargique où s'était | endormie l'Espagne, ses souffrances intimes et ses aspirations vers l'avenir témoignaient seules que la vie ne l'avait pas abandonnée. Cependant le génie de la liberté veillait encore sur elle mais cette fois, par une étrange vicissitude, il allait lui venir de Rome elle-même, pour combattre contre Rome.

A Nursia, au pays des Sabins, un pauvre enfant nommé Sertorius grandissait alors auprès de sa mère, devenue veuve quand il était encore au berceau. Il l'aimait d'une tendresse profonde: tout jeune qu'il était, il comprenait déjà ce qu'il lui devait de reconnaissance; il pleurait avec elle au souvenir de son père, et pour adoucir les regrets que ce souvenir lui causait, il lui parlait de gloire et d'avenir!...

Rhéa, c'était le nom de sa mère, se plaisait aux brillantes perspectives que Sertorius étalait chaque jour sous ses yeux, et encourageait toutes les ardentes aspirations de son fils. Dominé par un besoin de célébrité et de gloire dont sa mère était le premier mobile, il se passionna pour les succès de la tribune, et quand il vint se faire entendre à Rome, la grande ville s'émut à sa mâle et éloquente voix.

Deux puissants rivaux y étaient aux prises, Marius et Sylla. Sertorius se jeta dans le parti du premier: il débuta dans la guerre par une blessure et un triomphe. Atteint dans les Gaules par un trait ennemi, il perdit un œil, et quand après sa victoire, il reparut pour la première fois à Rome au milieu de l'arène, le peuple exhala en longs cris d'enthousiasme son admiration et ses regrets. Portant alors la main à sa blessure:

VINGT-UNIÈME ANNÉE, Be SÉRIE. — N° V.

« Romains, s'écria Sertorius, ne déplorez pas un malheur qui fait ma gloire !... »

Cet accident ne dépara pas sa belle et noble figure, et ajouta encore à l'affection et au respect que tout jeune déjà il inspirait à ses soldats.

Il s'était avancé à pas de géant à travers tous les grades de l'armée jusqu'à celui de préteur. Mais quelle que fût sa valeur et celle de son lieutenant, Marius fut vaincu et proscrit, et Sertorius, dont Sylla redoutait déjà l'influence, fut condamné à l'exil. Il se ressouvint alors de l'Espagne, dont il avait admiré les sites pittoresques, au début de ses campagnes, et où l'appelaient de nombreux amis.

Le malheur qui resserre si vite les âmes lui eut bientôt attaché tous les peuples de la Celtibérie, où il avait cherché un refuge; ils ne virent pas en lui un Romain, mais un homme sans patrie; et, dans un généreux élan, ils lui offrirent la leur! Un intérêt commun les réunissait contre Sylla: Sertorius avait comme eux à reconquérir son indépendance et à se venger de ses exactions; aussi se trouva-t-il bientôt en mesure de pouvoir tenir tête dans la péninsule à son redoutable ennemi; celui-ci, prévenu à temps, envoya en Espagne des troupes nombreuses: pour ne pas sacrifier celles qui se dévouaient à sa cause, et dont le nombre était bien inférieur à celles de Rome, Sertorius ajourna à un avenir meilleur la réalisation de ses espérances; il partit pour l'Afrique, où il comptait se faire des alliés!

Mais l'étincelle qui venait de jaillir dans la Celtibérie eut bientôt embrasé l'Espagne entière elle ranima tous ses rêves de liberté, et croyant entrevoir dans Sertorius un nouveau Viriathe, elle lui envoya une députation de Lusitans pour le rappeler à la tête de ses rangs. Il aborda bientôt sur les côtes de la Bétique, où venaient de débar

quer aussi quelques mariniers au retour d'un voyage aux iles Fortunées. Dans une de ses promenades solitaires aux bords de l'Océan, Sertorius rencontra ces marins; il leur adressa la parole avec bienveillance, et leur fit raconter leurs impressions sur le pays qu'ils venaient de quitter.

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C'est à dix mille stades de la côte d'Afrique, lui dirent-ils, que s'élèvent ces deux îles, qui ne sont séparées que par un petit bras de mer. Rien n'y ressemble au reste de la terre; le ciel y est plus bleu, l'air plus pur et la mer plus limpide : les vents et les tempêtes n'en approchent jamais, et la vague se brise doucement sur les côtes en sillons argentés. Les fleurs et les branches touffues des arbres séculaires s'y balancent mollement sous un léger zéphir: les dieux doivent avoir habité ce pays enchanté ; une douce rosée y rafraîchit chaque matin la terre dont l'homme n'a pas besoin de déchirer le sein pour lui faire produire des plantes et des fruits : ils y croissent d'eux-mêmes; des oiseaux au plumage doré y font entendre un concert éternel, et l'homme contemple dans la douce paix du corps et de l'âme tous ces biens faits pour lui.

Sertorius se sentit profondément ému à ces tableaux. Un penchant invincible le poussait vers la solitude, tandis que sa destinée le retenait au milieu des camps. Il y avait en lui comme deux hommes se livrant une lutte constante: l'un poursuivant la puissance et la gloire; l'autre entraîné

par

l'amour de la justice et les vertus du foyer; mais comme si le premier n'eût agi que sous une influence éphémère et factice, la victoire demeurait toujours au second. Sa nature mélancolique et aimante était exilée dans ces temps dévoués à la force brutale et au culte matériel; toutes les aspirations idéales que la civilisation devait faire éclore parmi nous germaient déjà dans

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puisée dans le sang au bonheur du recueillement et du calme, il résolut de fuir le spectacle de l'injustice et de la tyrannie jusque dans les îles lointaines, où on lui disait que la paix résidait toujours. La mission qu'il avait à remplir parmi les Lusitans, et leurs efforts pour le retenir, ne lui permirent pas d'exécuter ce dessein. Alors, pour briser jusqu'à l'espérance de cette vie paisible qui ne lui était plus permise, il appela lui-même aux armes tous les peuples de l'Espagne, et, se dressant à leur tête avec une énergie superbe, il les mena droit à l'ennemi.

La promptitude de ses résolutions sur les champs de bataille répondait à la puissance de son regard; il découvrait d'un coup d'œil la force ou la faiblesse de l'ennemi, et planait comme un aigle au-dessus des dangers. Mais son premier mérite fut de comprendre l'Espagne : ce fut là le secret de ses triomphes et de son étrange destinée.

Le peuple espagnol, toujours préparé aux héroïques sacrifices, ne l'était jamais aux mesures d'initiative. Endormi aux rayons de son soleil brûlant, il ne se réveillait qu'au sourd murmure des peuples qui arrivaient le conquérir, quand il ne pouvait plus que protester et mourir. Passionné pour la grandeur et le courage, les plus généreux instincts fermentaient en lui; mais il n'avait montré encore qu'un seul homme dont le nom dût passer à la postérité. Cependant il lui fallait un guide. Tourmenté d'ailleurs par son besoin d'enthousiasme, il était prêt à se rallier à toute heure à celui qui saurait lui inspirer de l'admiration. Peu lui importait la patrie de l'homme, il ne voyait que son génie : Scipion en avait été la première preuve, Sertorius allait être la seconde.

Pour que le lien qui devait lui attacher les Espagnols fût indissoluble, il le fixa dans leurs cœurs! Il les traita en ami et en père de toutes les charges publiques que Rome faisait peser sur eux, beaucoup furent réduites, les autres abolies; enfin, comme Viriathe, il consacra au pays et au soutien de l'armée toutes les richesses que la victoire lui amena. L'un de ses premiers soins fut d'apprendre aux Espagnols à com

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