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VI

DISCUSSION DES ARTICLES

TITRE PREMIER

Principes

ARTICLE PREMIER

La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

Au moment où il pénètre dans le domaine sacré de la conscience, où il pose et résout un problème aussi complexe que celui de l'organisation des cultes. et se prépare à régler les manifestations collectives de sentiments aussi intimes que les croyances religieuses, le législateur a pour premier devoir d'indiquer les principes qui l'ont inspiré et qu'il a voulu appliquer.

Le régime nouveau des cultes, qui vous est proposé, touche à des intérêts si délicats et si divers, il opère de si grands changements dans des coutumes séculaires, qu'il est sage, avant tout, de rassurer la susceptibilité éveillée des « fidèles », en proclamant solennellement que, non seulement la République ne saurait opprimer les consciences ou gêner dans ses formes multiples l'expression extérieure des sentiments religieux, mais encore qu'elle entend respec

ter et faire respecter la liberté de conscience et la liberté des cultes.

Ainsi la Révolution et la première République procédaient noblement, sur sur le seuil de chaque grave réforme, par l'affirmation de principes géné

raux.

Mais il n'y a pas seulement ici un retour à une tradition républicaine. Si minutieusement rédigée que soit une loi aussi considérable, dont tous les effets doivent être prévus par des dispositions de droit civil, de droit pénal et de droit administratif, elle contient inévitablement des lacunes et soulève des difficultés nombreuses d'interprétation. Le juge saura, grâce à l'article placé en vedette de la réforme, dans quel esprit tous les autres ont été conçus et adoptés. Toutes les fois que l'intérêt de l'ordre public ne pourra être légitimement invoqué, dans le silence des textes ou de doute sur leur exacte application, c'est la solution libérale qui sera la plus conforme à la pensée du législateur.

Le libre exercice des cultes tel qu'il est prévu et garanti par le projet réalise un progrès notable dans la voie du libéralisme.

L'article 1er du Concordat porte que « la religion catholique apostolique et romaine sera librement exercée en France » et que « son culte sera public en se conformant aux règlements de police que le Gouvernement jugera nécessaire pour la tranquilité publique ».

La liberté ainsi octroyée au culte catholique, étendue à certains cultes protestants et au culte israélite, comportait des restrictions considérables que le projet de loi supprime en proclamant la liberté d'association religieuse (titre IV, art. 16 et suiv.), la liberté de réunion (titre V, art. 23 et suiv.) et la liberté des lieux de culte (titre VI, art. 37, portant abrogation

.

des décrets des 22 décembre 1812, 19 mars 1859 et de l'art. 294 du Code pénal).

Il n'y aura plus d'autres limites au libre exercice des cultes que celles qui sont expressément édictées dans l'intérêt de l'ordre public par le projet de loi lui-même.

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La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.

Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l'article 3.

Cet article, dont tout le projet de loi dépend et découle, réalise la séparation absolue des Eglises et de l'Etat. Et encore cette formule est-elle insuffisante, car l'Etat, au sens strict du mot, n'est pas seul en cause. Il s'agit bien de la séparation des Eglises et de la République elle-même ainsi que le dit le texte rédigé par votre Commission. Le principe établi est poussé jusqu'à ses extrêmes conséquences; il s'applique à tous les services publics de l'Etat, des départements ou des communes.

Ce n'est pas le lieu ici de discuter la théorie de l'acte de séparation lui-même et de le légitimer. L'article 2 l'accomplit radicalement et pose un double principe :

Désormais aucun culte ne sera plus reconnu, c'est la neutralité et la laïcité absolue de l'Etat, et, conséquence immédiate et nécessaire, aucun culte ne sera plus officiellement salarié.

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Il faut examiner successivement chacun de ces principes.

La République ne reconnaissant plus aucun culte, l'organisation officielle de l'Eglise catholique, de l'Eglise réformée de France, de l'Eglise de la confession d'Augsbourg et des Communautés israélites, telle qu'elle est établie par les lois, décrets et ordonnances en vigueur, est abolie.

Cela résulte d'ailleurs également de l'article 37, aux termes duquel sont et demeurent abrogées toutes les dispositions relatives à l'organisation publique des cultes antérieurement reconnus par l'Etat, ainsi que toutes les dispositions contraires à la présente loi ».

Les immeubles officiellement affectés aux cultes ou au logement des ministres du culte sont désaffectés et ne restent à leur disposition aux termes des articles 10 et suivants que dans un intérêt privé.

La loi ne connaîtra les cultes et les cérémonies cultuelles qu'en tant qu'elles n'intéresseront pas l'ordre public. Mais, par a contrario, toutes les dispositions civiles ou pénales ayant un caractère d'ordre public, restent en vigueur. Ainsi, pour ne citer que cet exemple, celles qui ont pour objet d'assurer la célébration du mariage civil avant le sacrement religieux.

Par une conséquence nécessaire, les ministres des cultes seront, pour tout ce qui concerne leur ministère ou en dérive, légalement ignorés. Toute la législation d'exception qui leur est actuellement applicable est abrogée implicitement, sous la réserve, toujours, de l'intérêt de l'ordre public. Les incompatibilités et privilèges dont ils sont l'objet disparaissent. Ils pourront être jurés, deviendront éligibles aux Conseils municipaux et généraux, au Sénat. Ils ne seront plus dispensés des fonctions de tuteur; l'article 259

du Code pénal ne sera plus applicable au port du costume ecclésiastique.

Il est presque inutile d'ajouter que tous les règlements sur les honneurs de préséance et visites de corps cesseront de viser les ministres des cultes; ceuxci n'auront plus de rang officiel.

Toutes les exceptions de procédure (attribution aux Cours d'appel de la connaissance des délits commis par les archevêques, évêques et présidents de consistoire), comme en matière d'impôt, de réquisition militaire, etc., deviendront lettre morte.

Le principe posé par cet article est si extensif qu'il est impossible d'en prévoir à l'avance toutes les applications pratiques.

Cependant l'article 906 du Code civil, qui édicte pour les ministres du culte l'incapacité de recevoir des dons et legs des malades auxquels ils ont apporté, dans la dernière maladie, les secours de leur ministère reste indubitablement en vigueur. Cette disposition s'inspire de raisons pratiques qui subsistent et s'applique d'ailleurs aujourd'hui même aux ministres des cultes non reconnus, ainsi qu'aux médecins et aux pharmaciens dont la profession n'a pas un caractère officiel.

Tous les établissements ecclésiastiques chargés de la gestion des intérêts des cultes actuellement reconnus sont supprimés. Cette disposition se combine cependant avec celle de l'article 3, qui prévoit pour eux un prolongement d'existence légale pour assurer la liquidation de leurs biens. Nonobstant cette survivance temporaire, ces établissements doivent disparaître purement et simplement. Ils ne sauraient être maintenus même à titre officieux; seules les associations prévues par le titre IV peuvent à l'avenir gérer les intérêts des cultes, quelle qu'en soit la nature.

La République ne salariant, ne subventionnant

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