Obrazy na stronie
PDF
ePub

prononcée en faveur de cette réforme il y a cinq ans (1).

On disait récemment que la politique historique de la France tendait à la distinction complète du domaine civil et du domaine religieux. En réalité, c'est là que tend la politique de toutes les nations civili

sées.

(1) Alexandra Myrial. La question religieuse au Japon (Courrier européen du 10 février 1905).

V

ANALYSE DES PROPOSITIONS
ET PROJETS DE LOI

Telle est, dans les principales nations du monde, l'état de la législation appliquée aux diverses religions; telle est en France, la situation des trois cultes reconnus au moment où vous êtes appelés à résoudre l'un des plus gros problèmes politiques qui aient jamais sollicité l'attention du législateur. Ce problème, votre Commission a pu l'étudier et s'efforcer à le résoudre en toute impartialité comme en toute sérénité d'esprit.

Le moment où elle a été constituée, les conditions. dans lesquelles elle a entrepris et poursuivi son œuvre la mettaient à l'abri des coups de passion et lui permettaient d'envisager sa tâche avec le calme et le sang-froid désirables. Le 18 juin 1903, date à laquelle elle a été nommée, les événements n'avaient pas pris encore le caractère aigu et pressant que les conflits avec le Saint-Siège lui ont donné depuis. La question de la séparation n'était pas posée dans le domaine des faits; elle restait sous la seule influence des considérations théoriques et des raisons de principe. C'est dire que l'on pouvait croire encore lointaine la solution qui s'impose aujourd'hui.

La majorité de la Commission, favorable en principe à la réforme, ne travaillait donc pas pour un résultat immédiat; la fièvre du succès prochain ne

risquait pas de troubler ses délibérations. Si elle ne se désintéressa à aucun moment de la tâche que vous lui aviez confiée c'est que, d'abord, elle comprit toute la valeur de propagande que pourraient avoir dans le pays et au sein du Parlement même, ses efforts; c'est qu'ensuite elle ne tarda pas à se laisser prendre tout entière par le vif intérêt de ses travaux. Les membres de la minorité eux-mêmes n'échappèrent pas à cette attraction et c'est leur honneur d'avoir pendant les 39 séances qui ont été consacrées par la Commission à l'accomplissement de son mandat, collaboré loyalement, avec un zèle persistant et une entière sincérité, avec leurs collègues de la majorité dans la recherche des solutions qui vous sont aujourd'hui proposées.

Nous pouvons dire que le projet finalement adopté est l'œuvre de la Commission tout entière. Beaucoup de ses dispositions portent l'empreinte de la minorité, dont le succès a souvent couronné les efforts, attestant que l'esprit systématique et le parti-pris étaient. exclus des délibérations communes. S'il en avait été autrement, les travaux de votre Commission eussent été frappés de stérilité. De par sa composition même, elle semblait, en effet, dès l'origine, vouée à une incurable impuissance, et l'on ne peut pas reprocher à son honorable président de s'être montré exagérément pessimiste quand, après avoir accepté une fonction qui ne devait pas être pour lui une sinécure, il prononça ces paroles peu rassurantes :

« Aucun de nous ne se dissimule les conditions très spéciales, pour ne rien dire de pis, dans lesquelles notre Commission aborde sa tâche.

« Elle est venue au jour sous des auspices peu favorables, les augures sont unanimes à lui prédire la vie difficile. Ils ne s'entendent, d'ailleurs, que sur un point Que peut faire d'utile une Commission parta

gée par moitiés égales à une unité près? La discussion y sera, disent les uns, si passionnée, la lutte à chaque séance si acharnée, que le temps se passera en une longue querelle sans issue, et que la Commission se perdra dans le bruit. Au contraire, disent les autres, le sentiment même de l'inutillité de débats qui ne peuvent pas aboutir, paralysera vite, des deux parts, l'ardeur des combattants: la Commission se perdra dans le silence. »

Si cette sombre prédiction n'est pas réalisée, si votre Commission a pu conduire à bonne fin la tâche lourde et difficile que vous lui aviez confiée, c'est, je le répète, grâce à la bonne volonté réciproque dont n'ont cessé de faire montre les membres de la minorité et de la majorité.

Dans sa première réunion constitutive, la Commission avait élu pour président M. Ferdinand Buisson; pour vice-présidents MM. Bepmale et Baudon; pour secrétaires MM. Gabriel Deville et Sarraut; pour rapporteur provisoire le signataire de ce rapport. Aussitôt après, elle adoptait, à la majorité de 17 voix contre 15, un ordre du jour proposé par MM. Allard et Vaillant, et ainsi conçu :

a La Commission décide qu'il y a lieu de séparer les Eglises et l'Etat, et de commencer l'examen des systèmes divers proposés pour remplacer le régime du Concordat. »

C'était, dès le premier jour, les travaux de la Commission nettement orientés dans le sens de la séparation. Les séances qui suivirent furent consacrées à l'examen des diverses propositions de loi qui avaient été déposées au cours de la législature sur le bureau de la Chambre et renvoyées à la Commission.

Ces propositions. il convient de les rappeler ici,

dans leur ordre chronologique, et de leur consacrer une rapide analyse.

Elles ont ouvert ou jalonné la voie que la Commission a suivie, et par leur influence directe ou indirecte, certainement concouru à ses conclusions finales.

Proposition Dejeante. La première en date est celle de M. Dejeante, déposée à la séance du 27 juin 1902. Elle reproduit la proposition de notre collègue Zévaés sous la précédente législature et se caractérise par une économie des plus simples. Elle a pour objet la dénonciation du Concordat, la suppression. immédiate de toutes les congrégations religieuses, la reprise par l'Etat des biens appartenant aux congrégations et aux établissements ecclésiastiques. Les capitaux et les ressources rendus disponibles par la suppression du budget des cultes seraient affectés à la constitution d'une Caisse des retraites ouvrières.

Proposition Ernest Roche. Très succinctement aussi est libellée la proposition de M. Ernest Roche, du 20 octobre 1902. Elle prononce la dénonciation du Concordat, supprime le budget des cultes et l'ambassade auprès du Vatican. Les associations formées pour l'exercice des cultes sont soumises au droit commun. Les immeubles dont les Eglises ont actuellement la disposition feraient l'objet de baux librement conclus avec l'Etat ou les communes. Les ressources devenues disponibles par ce nouveau régime seraient remises comme premier apport à une Caisse des retraites ouvrières constituée sans délai. Une loi spéciale déterminerait les mesures transitoires rendues nécessaires par l'application de ces dispositions.

Ces deux propositions, assez laconiques, avaient surtout dans la pensée de leurs auteurs le caractère de projets de résolution. Elles devaient permettre à la

« PoprzedniaDalej »