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voquerait le rappel immédiat du nonce. Ce document a sa place ici, car il aura exercé sur les événements une influence décisive.

Des Chambres du Vatican.

28 avril 1904.

La venue à Rome en forme officielle de M. Loubet, Président de la République française, pour rendre visite à Victor-Emmanuel III, a été un événement de si exceptionnelle gravité que le Saint-Siège ne peut le laisser passer sans appeler sur lui la plus sérieuse attention du Gouvernement que Votre Excellence représente.

Il est à peine nécessaire de rappeler que les chefs d'Etats catholiques, liés comme tels par des liens spéciaux au Pasteur Suprême de l'Eglise, ont le devoir d'user vis-à-vis de Lui, des plus grands égards, comparativement aux Souverains des Etats non catholiques, en ce qui concerne sa dignité, son indépendance et ses droits imprescriptibles. Ce devoir, reconnu jusqu'ici et observé par tous, nonobstant les plus graves raisons de politique, d'alliance ou de parenté, incombait d'autant plus au premier Magistrat de la République française, qui, sans avoir aucun de ces motifs spéciaux, préside en revanche une nation qui est unie par les rapports traditionnels les plus étroits, avec le Pontificat Romain, jouit, en vertu d'un pacte bilatéral avec le Saint-Siège, de privilèges signalés, a une large représentation dans le Sacré-Collège des Cardinaux, et par suite dans le Gouvernement de l'Eglise universelle, et possède par singulière faveur le protectorat des intérêts catholiques en Orient. Par suite, si quelque Chef de Nation catholique infligeait une grave offense au Souverain Pontife en venant prêter hommage à Rome, c'est-à-dire au lieu même du Siège pontifical et dans le même palais apostolique, à celui

qui contre tout droit détient sa souveraineté civile et en entrave la liberté nécessaire et l'indépendance, cette offense a été d'autant plus grande de la part de Monsieur Loubet; et si, malgré cela, le Nonce Pontifical est resté à Paris, cela est dû uniquement à de très graves motifs d'ordre et de nature en tout point spéciaux. La déclaration faite par M. Delcassé au Parlement français ne peut en changer le caractère ni la portée, - déclaration suivant laquelle le fait de rendre visite n'impliquait aucune intention hostile au Saint-Siège; car l'offense est intrinsèque à l'acte d'autant plus que le Saint-Siège n'avait pas manqué d'en prévenir ce même Gouvernement.

Et l'opinion publique, tant en France qu'en Italie, n'a pas manqué d'apercevoir le caractère offensif de cette visite, recherchée intentionnellement par le Gouvernement italien dans le but d'obtenir par là l'affaiblissement des droits du Saint-Siège et l'offense faite à sa dignité, droits et dignité que celui-ci tient pour son devoir principal de protéger et de défendre dans l'intérêt même des catholiques du monde entier.

Afin qu'un fait aussi douloureux ne puisse constituer un précédent quelconque, le Saint-Siège s'est vu obligé d'émettre contre lui les protestations les plus formelles et les plus explicites, et le soussigné Cardinal secrétaire d'Etat, par ordre de Sa Sainteté, en informe par la présente. Votre Excellence, en vous priant de vouloir porter le contenu de la présente Note à la connaissance du Gouvernement, de.....

Il saisit en même temps cette occasion de confirmer à Votre Excellence les assurances... etc...

Cardinal MERRY DEL VAL.

Le résultat de cette protestation incorrecte fut le rappel de notre ambassadeur au Vatican.

Vers le même moment, des plaintes qui avaient

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autrefois été portées contre deux évêques concordataires, MM. Le Nordez et Geay, le premier du diocèse de Dijon, le second de celui de Laval, rent des suites. Les deux prélats furent sommés de comparaître devant le Saint-Office. Ils opposèrent quelque résistance et finalement, ayant reçu une lettre du secrétaire d'Etat Merry del Val leur enjoignant, sous menaces des plus graves sanctions canoniques, d'être à Rome dans la quinzaine, ils la remirent à leur chef hiérarchique, M. Dumay, directeur des cultes.

Il y avait là, de la part du Saint-Siège, une nouvelle violation du Concordat, une atteinte des plus graves au droit de l'Etat. Le Ministre des Cultes refusa aux deux évêques l'autorisation de comparaître devant un pouvoir étranger. Ceux-ci tentèrent d'abord de résister à Rome, puis sentant finalement leur position intenable dans leurs diocèses, ils les quittèrent un jour et allèrent se soumettre à l'autorité du Saint-Siège, en implorant sa pitié. Le Gouvernement ne put que supprimer leurs traitements. Mais il continua à les considérer comme évêques, bien qu'ils eussent été destitués canoniquement par le pape.

La situation ne s'aggrava point en ce qui concerne M. Geay; il n'en fut pas de même dans la circonscription de M. Le Nordez. Le pouvoir y était, en, réalité, exercé par deux vicaires généraux, considérés comme les représentants de l'évêque. Le Ministre des Cultes adressait sa correspondance à M. l'évêque de Dijon et les vicaires généraux répondaient, en empruntant la signature épiscopale. La fiction subsistait.

Mais les deux vicaires s'avisèrent de prendre des mesures contraires à l'esprit qui avait dicté auparavant les actes de M. Le Nordez. Celui-ci, se souve

nant alors qu'il était encore évêque, et faisant acte du pouvoir administratif, les révoqua.

M. Combes ne pouvait qu'approuver cette résolution. Quelques jours après, M. Bienvenu Martin devenait Ministre des Cultes. C'est lui que M. Morlot interpella sur cette situation bizarre.

Le nouveau Ministre des Cultes fit des déclarations très nettes en faveur de la séparation et la majorité républicaine de la Chambre s'y associa (1). Depuis, l'évêque de Dijon a désigné au Gouvernement deux vicaires généraux de son choix. Ils eurent l'agrément du Ministre des Cultes, et Rome, soudain conciliante, voulut bien les agréer aussi, accordant pour un instant à M. Le Nordez des pouvoirs qu'elle lui avait contestés.

Les rapports de la République avec Rome en sont là, au moment même où va s'ouvrir devant vous la discussion sur la séparation des Eglises et de l'Etat,

(1) Texte de l'ordre du jour voté par la Chambre, le 10 février 1905, à la majorité de 386 voix contre 111 :

« La Chambre, constatant que l'attitude du Vatican a rendu nécessaire la séparation des Eglises et de l'Etat, et comptant sur le Gouvernement pour en faire aboutir le vote immédiatement après le budget et la loi militaire... passe à lordre du jour. »

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LE BUDGET DU CULTE CATHOLIQUE

Chaque fois qu'au cours des chapitres d'histoire qui précèdent nous avons rencontré un chiffre représentant les charges qui résultent pour l'Etat de son union concordataire avec l'Eglise romaine, nous nous sommes fait une obligation de le noter.

Il nous paraît cependant utile, au risque de faire quelques répétitions, de donner ici, dans une brève notice, un état des divers budgets des cultes, depuis le Concordat de 1801; ne serait-ce que pour répondre par une statistique victorieuse à ceux qui prétendent que la France républicaine est demeurée dans la limite stricte des obligations budgétaires qu'elle a souscrites envers l'Eglise.

M. Clemenceau, s'appuyant sur les chiffres fournis dans son ouvrage par M. Charles Jourdain (1) et sur la statistique dressée par M. Nicolas (2) avait déjà fait cet utile travail qui fut publié en articles dans le journal l'Aurore.

Nous nous sommes reportés à ces articles, aux sources qu'ils signalent, ainsi qu'à l'article inséré par M. Léon Say, dans son Dictionnaire des Finances.

Il résulte de nos recherches que le budget des cultes consenti par la troisième République, est trois fois supérieur au premier budget concordataire, qui est celui de 1810. Les années précédentes, le Concordat n'avait pas été appliqué dans sa rigueur et l'on con

(1) Budget des cultes depuis le Concordat.

(2) Budgets de la France depuis le commencement du XIXe siècle.

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