Obrazy na stronie
PDF
ePub

souvent fermés, où le peuple s'assemble continuellement et où le même air croupit toujours, et néanmoins nous n'y sentons point les infections des corps morts, n'y n'en voyons arriver aucun mal, par la grâce de Dieu; pour moi, j'attribue cet effet particulièrement à la vertu de l'eaubénite, qui nous sert de préservatif contre toute sorte de corruption. Aussi on ne voit pas qu'elle se corrompe, quelque temps qu'on la garde, non plus que le pain-bénit.

Terminons enfin ce discours. J'ai dit que l'eau-bénite se renouvelait chaque dimanche; qu'on en aspergeait l'église, le cimetière et le peuple. Or, afin qu'elle serve pendant la semaine, et que chacun en puisse prendre, entrant dans l'église et en sortant, et aussi en porter dans les maisons, suivant qu'on le juge nécessaire pour la piété, de toute ancienneté, proche les portes des églises, on tient quelques vases qui en sont remplis; ce qui se pratiquait dès le temps de Synesius, qui vivait environ l'an 404, comme on voit en ses Epîtres (1): « Il y a, dit-il, des vases d'eau dans l'entrée des temples. » Je ne sais si le Saint-Esprit n'aurait point voulu nous en donner la figure dans le temple de Salomon, duquel il est rapporté que proche de l'autel où les sacrifices se devaient faire il y avait un grand bassin toujours plein d'eau, lequel, à cause de sa grandeur et qu'il était d'airain, était nommé mare æneum, une mer d'airain. Les sacrificateurs et les lévites qui les assistaient étaient obligés de s'y laver les mains et les pieds. Nos bénitiers, bien que posés presque en même endroit, sont destinés à un usage bien différent, autant relevé par-dessus celui de Salomon que l'ame surpasse le corps et que l'intérieur est considérable par-dessus l'extérieur, puisque notre eau-bénite porte sa vertu contre les princes des ténèbres, contre les infirmités de l'ame et du corps, et généralement contre tout ce qui peut nuire à l'un et à l'autre.

Je dirai encore que l'esprit malin, qui a toujours tâché de se faire rendre le même culte, en la même sorte et avec les mêmes cérémonies que Dieu commandait pour soi, avait suggéré aux païens de tenir de l'eau à l'entrée de leurs temples, pour s'en laver avant que commencer leurs sacrifices, ce que saint Justin dit clairement (2).

C'est pour cette raison qu'ordinairement les temples. des idolâtres étaient bâtis auprès des fontaines, afin qu'ils eussent l'eau à commandement, dans laquelle ils trempaient des rameaux et quelquefois des herbes dont ils arrosaient le peuple à l'entrée, croyant que ces eaux

(1) [Sunt in templorum vestibulis aquaria ] (epistola 121).

(2) [Qui adeunt templa seipsos aspergunt, postea offerunt libamina] (Aposlog., 22).

avaient la vertu de les purifier. Nous avons à ce propos une action héroïque de Valentinien, pour récompense de laquelle il semble que Dieu l'éleva depuis à la dignité impériale. Comme il était encore premier capitaine des gardes de l'empereur Julien, et que, suivant sa charge, il marchait devant lui dans le temple de la Fortune, un des sacrificateurs, selon la coutume, tenant un rameau qu'il avait trempé dans ces eaux profanes pour en donner à ceux qui entraient, il arriva que de cette eau il en tomba quelques gouttes sur la robe de Valentinien, lequel à l'instant se jette sur ce sacrificateur et le charge de coups à la vue de l'empereur et de toute sa suite; puis, tirant son poignard, il coupa l'endroit de son habit qu avait été mouillé. Julien, pour punition, le bannit du pays; mais bientôt après Dieu lui donna l'empire. C'est ainsi que les païens abusaient des eaux.

Que si quelqu'un nous reprochait qu'en cela nous imitons les Juifs ou les Gentils, nous avons répondu ailleurs que l'Eglise n'a pas toujours rejeté une cérémonie parce que les Juifs ou les Gentils l'avaient pratiquée et même profanée; ces anciens et sages prélats n'ont pas voulu donner cet avantage au prince des ténèbres, de rejeter et de condamner, sans exception, tout ce qu'il s'était fait attribuer ou dédier et dont les idolâtres s'étaient servis pour l'adorer. Ils ont reçu à peu près la substance et l'extérieur des mêmes choses; ils n'en ont changé que la fin, retranchant tout ce qui ressentait l'idolâtrie ou l'erreur, et ordonnant que désormais elles fussent employées au service de Dieu et pour sa gloire. Voici le sens de l'Eglise, expliqué par saint Augustin (1) : <«< Ceux qui sont instruits dans la connaissance des livres chrétiens ne blâment pas, parmi les cérémonies des païens, qu'ils bâtissent des temples ni qu'ils fassent des sacrifices, mais qu'ils les emploient pour les idoles et les démons. » Ce grand docteur ne parle pas seulement des temples et des sacrifices, mais encore de l'encens et généralement de toutes les autres cérémonies pratiquées par les idolâtres; sur quoi il ajoute fort à propos que si les démons n'eussent connu qu'elles eussent agréé ou dû agréer à Dieu, ils ne les eussent pas demandées à leurs adorateurs. Cette même raison nous sert pour l'eau-bénite.

Quelqu'un pourrait demander pourquoi Dieu a donné tant de vertu à l'eau-bénite, pourquoi elle est renouvelée tous les dimanches, pourquoi l'Eglise veut que l'usage en soit si ordinaire et si fréquent. Une seule réponse suffit pour toutes ces demandes : c'est la fin pour laquelle

(1) [Qui christianas litteras sciunt, non hoc culpant in sacrilegiis ritibus paganorum, quod construant templa et faciant sacrificia, sed quod hæc idolis et dæmoniis exhibeant.]

cette eau a été instituée, qui n'est autre que pour nous faire ressouvenir de la grâce que nous avons reçue par les eaux vivifiantes du saint baptême, par lequel nous acquérons droit à la résurrection. Pour marque de ce que je dis, c'est que nous avons deux jours dans l'année, qui sont le Samedi saint et celui de la Pentecôte, auxquels l'eau-bénite se fait avec beaucoup plus grande solennité. Ces mêmes jours étaient destinés pour baptiser avec cérémonie les catéchumènes, comme déjà nous l'avons dit. L'Eglise, pour nous obliger à conserver toujours la mémoire du baptême, par lequel nous avons reçu tant de grâces et de faveurs célestes, a institué l'eau-bénite; et Dieu, par sa bonté, pour accroître envers elle notre dévotion, l'a comblée d'une infinité de vertus pour l'ame et pour le corps, pour le spirituel et pour le temporel : de quoi tous les jours nous faisons mille expériences. Ainsi elle a cela, comme nous disons de notre sacrifice, qu'elle est ensemble commémorative et effective, de même que le pain-bénit.

NOTE 3.

LA DANSE AU POINT DE VUE LITURGIQUE.

Quand l'ancien monde grec et romain s'abîma dans la barbarie, l'Eglise chrétienne, en réunissant les fidèles, en leur inspirant un dégoût légitime des vains plaisirs du monde, en les attachant à l'amour seul des biens éternels, cherchait à les remplir en même temps d'une joie pure dans la célébration des fêtes qu'elle avait établies pour leur rappeler les bienfaits d'un Dieu sauveur.

La danse avait été de tous les temps un signe d'adoration, une démonstration extérieure de la dépendance des créatures, une expression primitive de reconnaissance. Elle se présenta naturellement à l'esprit des premiers chrétiens comme un moyen d'animer leurs fêtes, d'embellir leurs cérémonies, de rendre leur culte plus imposant.

Pendant les persécutions qui troublèrent leur paix, il se forma des congrégations d'hommes et de femmes qui, à l'exemple des Thérapeutes (1), se retirèrent dans les déserts. Ils se rassemblaient dans les hameaux les dimanches et les fêtes, et ils y dansaient pieusement en chantant les prières, les psaumes et les hymnes qui retraçaient la solennité du jour (2).

(1) C'est un mot grec qui signifie serviteur. On avait nommé ainsi ceux qui s'appliquaient à la vie contemplative. (V. le Père Hélyot, Hist. des Ordres monastiques.)

(2) Tertullien, Apologet.

Lorsqu'après les orages le calme qui leur succédait laissa la liberté d'élever des temples, on disposa ces édifices relativement à cette partie extérieure du culte. Ainsi, dans toutes les premières églises on pratiqua un terrain élevé auquel on donna le nom de chœur. Il était, comme dans les temples de l'ancienne loi, séparé de l'autel et formé en espèce de théâtre. Tels sont ceux qu'on voit encore aujourd'hui à Rome, dans les églises de Saint-Clément et de Saint-Pancrace.

C'est là qu'à l'exemple des prêtres et des lévites, le sacerdoce de la loi nouvelle formait des danses sacrées à l'honneur du Dieu des chrétiens. Chaque mystère, chaque fête avait ses hymnes, son office et ses danses. Les prêtres, les laïques, tous les fidèles dansaient pour honorer Dieu. Si l'on en croit même Scaliger, les premiers évêques ne furent appelés præsules (a præsiliendo), dans la langue latine, que parce qu'ils commençaient et menaient la danse dans les fêtes solennelles.

Les chrétiens d'ailleurs les plus zélés s'assemblaient la nuit devant la porte des églises, la veille des grands jours, et là, pleins d'une sainte joie, ils formaient des danses en chantant des cantiques qui rappelaient le mystère qu'on devait solenniser le lendemain.

Ces faits historiques une fois connus, on ne doit plus être étonné des éloges que les saints Pères font de la danse dans mille endroits de leurs écrits. Saint Grégoire de Nazianze prétend que celle que le roi David exécuta devant l'Arche était un mystère qui nous enseigne quelles sont la joie et l'agilité avec lesquelles on doit aller à Dieu; et lorsque ce Père reproche à l'empereur Julien l'abus qu'il faisait de cet exercice, il lui dit avec la véhémence d'un orateur et le zèle d'un chrétien: « Si vous vous livrez à la danse, si votre penchant vous entraîne dans ces fêtes que vous paraissez aimer avec fureur, dansez, j'y consens; mais pourquoi renouveler les danses licencieuses de la barbare Hérodias, qui firent verser le sang d'un saint? Que n'imitez-vous plutôt ces danses respectables que le roi David exécuta avec tant de zèle devant l'Arche d'Alliance? Ces exercices de piété et de paix sont dignes d'un empereur et font la gloire d'un chrétien. »

C'est dans cet esprit que les interprètes sacrés nous disent que les apôtres, les martyrs, les docteurs et tous les chrétiens qui ont défendu la foi contre les ennemis de l'Eglise, sont, dans la célébration de ses solennités, ces troupes de soldats vainqueurs qui, dans le Cantique des cantiques, dansent après le combat (1).

(1) Quid videbitis in Sulamite, nisi choros castrorum (Cantic., cap. 7, vers.1). Chori castrorum sunt chorea, tripudia et saltationes militum triumphantium (Cor.).

Le Pomeranche et Le Guide n'ont peint les anges dansants que d'après saint Basile, qui nous les représente toujours occupés à cet exercice dans le ciel, en nous exhortant à les imiter sur la terre (1).

Telle était en effet la pieuse simplicité des premiers chrétiens, qu'ils ne voyaient dans la danse qu'une imitation sainte des transports d'allégresse des bienheureux. Les hymnes, la tradition, les cantiques ne leur présentaient cet exercice que comme une expression touchante de la félicité pure à laquelle ils aspiraient.

Tantôt c'étaient les tendres victimes de la cruauté d'Hérode, ces premiers martyrs de la loi nouvelle, qui, couronnés de fleurs et la palme à la main, formaient des danses légères autour de l'autel qu'ils avaient arrosé de leur sang (2).

Quelquefois on leur retraçait des chœurs de jeunes filles qui se rassemblaient autour de l'Époux céleste et exécutaient des danses vives et modestes (3).

On ne représentait à leur foi toute cette foule de saints qui les avaient précédés dans la carrière où ils couraient que comme des chœurs différents (4), dont la danse triomphante célébrait dans le ciel la miséricorde, les bienfaits et la gloire de Dieu.

Cependant la danse sacrée de l'Eglise, susceptible, comme les meilleures institutions, des abus qui naîtront toujours de la faiblesse et de la bizarrerie des hommes, dégénéra, après les premiers temps de ferveur, en des pratiques dangereuses qui alarmèrent la piété des papes et des évêques. Cette institution éprouva le sort des festins de charité ou agapes. Comme la dissolution et la débauche se glissèrent dans cette fête établie pour réunir par des liens de paix et les païens et les juifs qui avaient embrassé le christianisme, la dissipation et la licence corrompirent de même les danses des chrétiens, qui n'avaient été instituées que pour les maintenir dans un esprit de recueillement, de joie

(1) Quid itaque beatius esse poterit quam in terra tripudium angelorum imitari (S. Basile, ep. 1 ad Greg.).

(2)

(3)

(4)

Vos prima Christi victima,
Grex immolatorum tener,

Palmis et coronis luditis.

(Prudence, hymne de la fête des SS. Innocents.)

Septus choreis virginum

Sponsus decorus gloria
Sponsisque reddens præmia.

Te gloriosus apostolorum chorus
Chorus sacratus martyrum,
Chori sanctarum virginum, etc.

« PoprzedniaDalej »