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LA VIE INTÉRIEURE.

Votre vie est cachée avec Christ en Dieu. Col. III,

3.

NOTRE dernière méditation roula sur la vie domestique ou la famille chrétienne ; je me propose de m'entretenir avec vous aujourd'hui de la vie intérieure ou spirituelle, qui en est le principe, et sans laquelle la première, dont nous avons parlé, ne saurait exister. Cette vie que l'on appelle indifféremment vie intérieure, par opposition à la vie extérieure des actes ou de la conduite, vie spirituelle par opposition à la vie animale, vie chrétienne par opposition à la vie du monde, se trouvait dans la plupart des membres de l'Église de Colosses, puisque l'apôtre saint Paul

s'adresse à eux en ces termes : Votre vie est cachée avec Christ en Dieu. C'est comme s'il avait dit (je reproduis ici sa pensée avec quelques développemens) : « La vie nouvelle, dont le siége est dans la partie la plus intime de votre âme et qui est le fruit de la foi que vous avez à l'Évangile, est cachée aux yeux de la chair; elle est inconnue du monde, qui ne la voit pas, et ne saurait la voir; mais elle n'en est pas pour cela

moins réelle, car elle a sa source en Dieu, par Christ ou avec Christ, qui en vous réconciliant avec lui, vous a ouvert les trésors de son amour, et yous a donné d'y puiser lumière sur lumière, paix sur paix, grâces sur grâces, vie sur vie. » Je n'en dirai pas davantage pour le moment sur le sens de ces paroles, qui se trouveront naturellement expliquées et commentées par les détails dans lesquels je vais entrer. Commençons par constater l'existence de cette vie.

Il n'est guère plus difficile de la prouver que de montrer qu'il y a une vie industrielle, commerciale, intellectuelle, scientifique, philosophique, philanthropiqué, ou telle autre branche de l'activité humaine; avec cette différence toutefois qu'il n'est pas essentiel au salut d'être négociant, savant, philosophe ou philanthrope, dans le sens que l'on donne ordinairement à ce dernier mot, tandis que la vie spirituelle est indispensable pour hériter le royaume des cieux. Car quoiqu'il soit aussi difficile de donner à un homme du monde une idée juste de la vie spirituelle, qu'il le serait de faire comprendre à un aveugle de naissance ce que sont la lumière et les couleurs, et à un mort ce qu'est le mouvement, il n'est pas impossible cependant de démontrer jusqu'à un certain point que la vie chrétienne existe et qu'elle est quelque chose d'aussi réel, de plus réel que tout ce que nous voyons, sentons et palpons ici-bas. Pour cela il ne faut qu'en appeler aux faits, et comme les faits sont

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J.

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d'autant plus saillans qu'ils se trouvent coïncider avec d'autres faits, avec lesquels ils forment contraste, remontons au berceau du christianisme. Ici quel spectacle frappe nos regards! La bonne nouvelle de la rédemption opérée par la mort du Fils de Dieu. est prêchée par les apôtres dans toutes les parties de l'empire romain, et partout où sur leurs pas cette bonne nouvelle est reçue et crue, le désert du monde fleurit et se couvre de fruits de sainteté et de justice. Des hommes qui avant leur conversion à Jésus-Christ consumaient une portion considérable de leur temps à assister au théâtre, aux jeux du cirque, aux combats des gladiateurs, préfèrent maintenant à ces joies desséchantes ou brutales les joies pures et sanctifiantes de la piété et de la vie domestique. Des hommes qui avant que d'être nés du Saint-Esprit s'adonnaient à la magie, à la divination et à d'autres arts diaboliques, servent le Dieu des cieux et de la terre, et adorent Jésus-Christ. Des hommes qui, esclaves de leurs voluptés, s'enfonçaient dans le bourbier du vice, s'industriant à se créer de nouveaux genres de jouissances dégradantes, et mettant leur ambition et leur gloire à se surpasser les uns les autres dans les excès de leurs impures convoitises, conservent dans la chasteté et l'honnêteté un corps devenu le temple du Dieu vivant. Des hommes qui, dans le temps qu'ils ne connaissaient pas Jésus-Christ, vivaient dans les querelles et dans les haines, s'entr'aiment comme des

frères, se pardonnent leurs fautes mutuelles, sympathisent à leurs souffrances, se soulagent dans leurs nécessités, et ne bornant plus la patrie au pays qui les a vus naître, étendent les bienfaits de leur charité à des frères éloignés et inconnus. Des hommes enfin, qui dans l'égoïsme et l'orgueil de la nature se seraient détournés avec hauteur ou avec indifférence d'un malheureux souffrant, parce qu'il appartenait à une classe pauvre ou méprisée, sont devenus sensibles et compatissans à tous les genres de misère. Il n'est aucune sorte de souffrances à laquelle ils ne désirent porter remède; ils se font ouvrir les portes des prisons; ils visitent les vieillards; ils recueillent chez eux les pauvres; ils soignent les esclaves. L'épidémie, la contagion ne sauraient les effrayer; elles n'ont pas la puissance d'arrêter les élans de la charité qui les presse ; ils sont enfans de Dieu : faire la volonté de Dieu est leur premier devoir et leur plus douce jouissance. Quel était donc chez eux le mobile, l'âme de ce renoncement, de cette pureté, de cette bienfaisance, de ce dévouement, auxquels les plus incrédules dans tous les temps n'ont pu refuser un tribut d'admiration? cette vie de la foi, dont l'apôtre nous dit dans mon texte, qu'elle est cachée avec Christ en Dieu?

Voyez-les sous le glaive de la persécution; ils sont inébranlables. Fermes sans opiniâtreté, courageux sans fanatisme, fervens quoique calmes, ennemis décidés de toute concession lâche faite au monde, mais pleins

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d'amour envers leurs persécuteurs, ils livrent avec joie leurs têtes au bourreau, Quelquefois ils sont encouragés et soutenus dans leur dernière agonie par leurs parens fidèles, qui prient pour eux et qui les animent à soutenir vaillamment la lutte du martyre. Mais d'autres fois, à ce combat déjà si pénible contre la chair vient se joindre un combat plus terrible encore contre la nature : des pères, des mères, des enfans chéris se jettent à leurs pieds, les arrosent de leurs larmes, les conjurent de faire un sacrifice à l'amour qui les unit. Dans l'âme du martyr chrétien, les sentimens de la nature, les affections légitimes ne sont point étouffés; annoblis et purifiés au contraire par la foi, ils lui font sentir plus qu'aux autres hommes leur puissance et leurs charmes; mais une affection plus grande domine en lui, et malgré de profonds déchiremens, d'inexprimables douleurs morales, il demeure vainqueur. Au troisième siècle une jeune mère chrétienne est arrachée, pour le témoignage de Christ, à son vieux père et à son enfant en bas âge. Jetée d'abord en prison, où ses parens, ses amis et jusqu'à ses gardiens touchés de compassion pour son triste sort épuisent tous les argumens pour la déterminer à renoncer à sa foi et à sauver sa vie, elle est traduite devant le tribunal du proconsul de Carthage. Mais ni les menaces du gouverneur ni les supplications de sa famille ne pouvant ébranler sa constance, elle est conduite dans l'arène; déjà la gueule des

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