Obrazy na stronie
PDF
ePub

Ne devons-nous pas nous rendre d'autant plus volontiers à l'autorité du Christ, que nous voyons que nulle erreur n'ose plus se produire ni entreprendre d'établir des factions, ou de conquérir des sectateurs, même parmi les simples et les ignorants, qu'en se couvrant du nom de Jésus-Christ; et que les Juifs, qui de tous les sectaires anciens sont les seuls qui subsistent et se réunissent encore sous un autre nom que celui de Jésus-Christ, portent les Écritures qui annoncent ce même Jésus-Christ, quoiqu'ils ne l'y veuillent pas apercevoir?

Que si nous trouvons des hommes qui, se disant chrétiens, quoiqu'ils ne soient pas dans la communion catholique, ont pris à tâche d'insulter à ceux qui croient et de séduire les ignorants en leur promettant de les conduire par la voie de la raison, au lieu que la foi est la voie que Jésus-Christ nous montre, l'obligation de croire étant comme le remède que ce divin médecin a apporté du ciel pour nous guérir; les manichéens n'en sont venus à ce parti que parce qu'ils ont compris qu'ils tomberaient dans le mépris, s'ils voulaient entreprendre de mener les hommes par autorité; et que tout ce qu'ils en peuvent avoir, n'est rien en comparaison de l'autorité de l'Église catholique. C'est pourquoi ils s'efforcent de balancer l'autorité inébranlable de l'Église, par les promesses magnifiques qu'ils font de mener les hommes à la vérité par la raison; témérité qui est ordinaire à tous les hérétiques. Mais Jésus-Christ, ce divin chef qui nous tient enrôlés dans la douce milice de la foi, ne s'est pas contenté de mettre son Église à couvert sous la forteresse de l'autorité, dont les siéges apostoliques, et le consentement de tant de peuples, et de nations très-célèbres, sont comme autant de remparts; il l'a encore munie, par le ministère de quelques personnages, également pieux, savants et pénétrants, de tout ce que la raison peut fournir de plus invincible. C'est pourquoi, la conduite la plus régulière est que les faibles se tiennent à couvert derrière le boulevard de

la foi, et que, pendant qu'ils y sont en sûreté, on combatte pour eux avec toutes les armes de la raison.

Mais pour revenir aux platoniciens, le bruit des sophistes qui déclamaient contre eux, les erreurs qu'on avait répandues de toutes parts, les réduisaient, avant la venue de Jésus-Christ, à tenir leurs sentiments obscurs et enveloppés, plutôt que de les exposer à être méprisés et avilis; et c'était le seul parti qu'ils eussent à prendre, puisqu'ils n'avaient pas l'autorité nécessaire pour obliger les hommes à croire; une telle puissance n'appartenant qu'à un Homme-Dieu. Mais aussitôt que ce nom de JésusChrist, qui n'a pas moins causé de trouble que d'admiration par toute la terre, eut commencé à se répandre, ils commencèrent aussi à se produire, et à développer la doctrine de Platon. Ce fut alors qu'on vit fleurir à Rome l'école de Plotin, et de plusieurs autres disciples de Platon très-ingénieux et très-éclairés. Il y en eut néanmoins qui se laissèrent corrompre par les curiosités damnables de la magie: mais d'autres aussi, reconnaissant que Jésus-Christ était cet Homme-Dieu, en qui la vérité et la sagesse immuable s'était incarnée, et par la bouche de qui elle avait parlé aux hommes, se rangèrent sous ses étendards. Ainsi tout ce qu'il y a et d'autorité, et de raison, se trouve réuni en cet Homme-Dieu, et dans le seul corps de son Église, pour la réparation et le renouvellement du genre humain.

Je me suis beaucoup étendu dans cette lettre, et je ne m'en repens pas, quoique ce soit un sujet bien différent de celui que vous auriez peut-être mieux aimé me voir traiter. Car à mesure que vous avancerez dans la connaissance de la vérité, vous goûterez de plus en plus ce que je viens de vous dire, et le dessein que j'ai suivi, encore que présentement il vous paraisse peut-être moins utile pour vos études.

Et toutefois j'ai répondu aussi à ce que vous demandiez, non-seulement par ce que j'ai dit dans cette lettre

sur quelques-unes des questions que vous m'adressez, mais par les notes que j'ai mises, sur presque toutes, à la marge des mémoires que vous m'aviez envoyés. Que s'il vous semble que je n'ai pas satisfait à ce que vous désiriez, et que je vous donne une chose pour une autre, vous ne songez pas, mon cher Dioscore, à qui vous vous êtes adressé. Quant aux questions que vous me proposiez sur les livres de l'Orateur, je les ai toutes omises car il m'a semblé que ce serait une espèce de badinage et d'amusement puéril que de m'arrêter à les résoudre. Les autres sont d'une nature à pouvoir être discutées, au moins à les considérer en elles-mêmes, et non pas comme tirées des livres de Cicéron. Mais pour celles-là, elles me paraissent indignes d'occuper un homme de ma profession.

Je n'aurais même pas eu le loisir de faire ce que j'ai fait, si je n'avais été obligé, par l'indisposition où me trouva votre messager, de quitter Hippone pour quelque temps. Depuis lors, ma santé s'est encore altérée, et la fièvre m'a repris; c'est pourquoi je n'ai pu vous envoyer cette lettre aussitôt que j'aurais voulu. Mandez-moi comment vous l'aurez reçue.

(Saint Augustin. Lettre CXVIII®.)

:

XXVIII. DE L'ACCORD DE LA RELIGION ET DE LA PHILOSOPHIE.

Oui, si Platon vivait encore et qu'il voulût bien me répondre lorsque je l'interrogerais, ou plutôt si quelqu'un de ses disciples l'eût interrogé de son temps, lorsqu'il s'efforçait de lui persuader, par ses discours, que la vérité ne se voyait point par les yeux corporels, mais par un esprit purifié ; que toutes les âmes qui s'y tenaient unies devenaient parfaites et bienheureuses; que rien n'empêchait plus de la connaître que la corruption des mœurs, et les fausses images des choses sensibles, qui, passant de ce monde sensible dans notre corps et faisant par lui impression dans notre esprit, y forment un nombre infini d'opinions et d'erreurs; qu'il fallait donc premièrement guérir notre âme afin de pouvoir contempler la forme immuable de toutes les choses, et cette beauté qui demeure toujours en même état et qui en tout est semblable à ellemême, qui ne reçoit ni d'étendue par les lieux, ni de changement par les temps, mais qui se conserve toujours une et la même en tout ce qu'elle est, cette beauté enfin que les hommes s'imaginent n'être point, et qui cependant possède elle seule l'être souverain et véritable; que toutes les autres choses naissent et meurent, s'écoulent et se perdent; et que néanmoins tant qu'elles sont, elles ne subsistent que par ce Dieu éternel qui les a toutes créées par sa vérité; que parmi ces choses, il n'y a que la seule âme raisonnable et intellectuelle qui puisse jouir et être touchée de la contemplation de son éternité, qui en puisse tirer son lustre et son éclat, et qui soit capable de mériter la vie éternelle; mais qu'étant blessée par l'affection qu'elle met aux choses qui naissent et qui périssent, et "par la douleur qu'elles lui causent, et s'attachant à la

longue accoutumance de cette vie et aux sens du corps elle se perd dans le vague de ses imaginations vaines et chimériques, jusqu'à se moquer de ceux qui disent qu'il y a quelque être qui ne s'aperçoit point par les yeux du corps, qui ne se représente point par les fantômes de l'imagination; mais qui ne s'aperçoit que par les seules lumières de la raison; si donc un disciple de Platon, voyant que son maître tâchait de lui persuader ces choses, lui eût fait cette question : s'il se trouvait un homme excellent et tout divin qui persuadât aux peuples qu'ils devraient croire ces vérités, s'ils n'étaient pas capables de les comprendre, ou qui fît que ceux qui les comprendraient ne se laissassent point emporter aux opinions du vulgaire, et aux erreurs communes des peuples; s'il se trouvait, dis-je, un homme de cette sorte, le jugerait-il digne des honneurs divins? Platon sans doute lui répondrait : qu'il était impossible que cet homme fit ce qu'il disait, à moins que la vertu même et la sagesse de Dieu ne l'eût choisi pour l'unir à soi en même temps qu'elle le formerait, et qu'après l'avoir éclairé dès son berceau, non par des instructions humaines, mais par l'infusion d'une lumière secrète et intérieure, elle n'embellît son âme de tant de grâces, ne le fortifiât d'une constance si ferme, et enfin ne l'élevât à un tel point de grandeur et de majesté, que, méprisant tout ce que les hommes vicieux désirent, souffrant tout ce qu'ils craignent, et faisant tout ce qu'ils admirent, il pût changer le monde entier, et le porter à une créance si salutaire, par son amour et une autorité souveraine; que pour ce qui était de la manière dont on devrait honorer un homme si excellent, il était inutile de lui en demander son avis, puisqu'il était aisé de reconnaître quels honneurs étaient dus à la sagesse de Dieu, par le soutien de laquelle il travaillerait à donner un véritable salut à la nature humaine, méritant ainsi d'être honoré d'une manière particulière, et élevé au-dessus de tous les honneurs qu'on rend aux hommes.

« PoprzedniaDalej »