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curer la paix de la vie et sa conservation; de sorte que s'il eût voulu entretenir avec autrui la paix qu'il tâchait de se procurer à lui-même dans sa caverne, on ne l'eût considéré ni comme un méchant, ni comme un monstre. Ou si l'étrange figure de son corps, et les flammes qu'il vomissait l'empêchaient d'avoir commerce avec les hommes, peut-être n'exerçait-il pas ses cruautés par le désir de nuire, mais par la nécessité de vivre. Mais disons plutôt qu'un tel homme n'a jamais existé que dans l'imagination des poëtes, qui ne l'ont dépeint de la sorte qu'afin de relever davantage Hercule. Car les bêtes même les plus sauvages, telles que les lions, les vautours, les hiboux, et non pas seulement les brebis, les cerfs, les colombes, les moineaux, les abeilles, s'accouplent et ont une progéniture qu'elles nourrissent et qu'elles élèvent. Un tigre devient doux pour ses petits et les caresse. Un milan, quelque solitaire et carnassier qu'il soit, s'apparie, construit son nid, couve ses œufs, nourrit ses poussins et se maintient en paix dans son nid avec sa femelle comme avec une mère de famille. Combien plus donc l'homme, par les lois de sa nature, est-il porté à faire société avec les autres hommes, et à vivre en paix avec tout le monde; puisque même les méchants combattent pour maintenir la paix des leurs, et voudraient, si cela était possible, que tous les hommes leur fussent soumis, afin que toutes choses obéissent à un seul, c'est-à-dire conservassent la paix avec lui, óu par crainte, ou par amour! Car c'est ainsi que l'orgueil imite malheureusement Dieu. Il déteste l'égalité qui associe les hommes dans leur soumission à Dieu et veut être maître au lieu de Dieu. Il hait donc la juste paix de Dieu, et aime la sienne qui est injuste. Car il faut qu'il en aime une, quelle qu'elle soit; puisqu'il n'y a point de vice, si contraire à la nature, qu'il efface jusqu'aux dernières traces de la nature. Celui donc qui sait préférer ce qui est droit à ce qui est dépravé, et ce qui est suivant l'ordre à ce qui est contre l'ordre, celui-là voit que

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la paix des méchants ne mérite pas d'être appelée paix, en comparaison de la paix des gens de bien. Or, il faut, de toute nécessité, que ce qui est contre l'ordre entretienne la paix avec quelqu'une des parties dont il est composé; autrement il ne serait rien du tout. Par exemple, si l'on se figure quelqu'un pendu par les pieds la tête en bas, l'ordre et la situation de ses membres seront renversés, ce qui doit être naturellement au-dessus se trouvant au-dessous. Ce désordre trouble donc la paix du corps, et c'est en cela qu'il est fâcheux. Cependant, l'âme est en paix avec son corps et travaille pour sa conservation, d'où vient la douleur qu'elle ressent. Que si, succombant sous les maux que le corps endure, elle vient à s'en séparer, tant que l'union des membres subsiste, il y a toujours quelque sorte de paix entre eux; et c'est pourquoi on peut dire toujours que quelqu'un est pendu. D'autre part, si le corps terrestre tend vers la terre et fait effort contre l'attache qui le retient ainsi suspendu, c'est qu'il veut jouir de la paix qui lui est propre en cet état : son poids est comme la voix par laquelle il demande qu'on le mette dans le lieu de son repos; et quoique privé d'âme et de sentiment, il ne s'éloigne point néanmoins de la paix qui lui est propre, qu'il possède cette paix ou qu'il y tende. Car si on l'embaume afin de l'empêcher de se dissoudre, il y a encore une sorte de paix entre ses parties, qui les maintient unies les unes aux autres, et par où le corps tout entier demeure dans le lieu qui lui est convenable, et, partant, dans un lieu paisible. Mais si on ne l'embaume point, et qu'on laisse la nature suivre son cours, il s'élève un combat des vapeurs qui sont en lui, ce qui cause la puanteur, jusqu'à ce qu'il se réduise par un certain accord aux éléments divers qui le composent, et qu'il retourne pièce à pièce en chacun d'eux. Toutefois, cela n'altère en rien les lois du souverain Créateur, qui maintient l'ordre et la paix de l'univers. Car, quoique une foule de petits animaux soient engendrés du cadavre d'un plus grand, par la loi du même Créateur, chacun d'eux a

soin d'entretenir avec soi-même la paix qui est nécessaire pour sa conservation. Et quand le cadavre d'un animal serait dévoré par d'autres animaux, il rencontrerait toujours ces mêmes lois répandues partout, qui savent unir chaque chose à celle qui lui est propre, quelque désaccord et quelque changement que chaque chose ait soufferts.

(Saint Augustin. Cité de Dieu, liv. XIX, chap. IV-VIII; X-XII.)

XXVI. DE L'ACCORD DE LA RAISON ET DE LA FOI.

AUGUSTIN A CONSENTIUS.

Augustin à son très-cher et très-honoré frère en JésusChrist, Consentius, salut dans le même Jésus-Christ.

L'esprit qui éclate dans vos écrits m'a été un grand sujet de joie, et c'est pourquoi je vous ai prié de venir auprès de nous. Car, quoique vous ne soyez pas éloigné, j'aurais été bien aise que vous eussiez lu ici, plutôt qu'ailleurs, quelques-uns de mes ouvrages que j'ai crus nécessaires à votre instruction, afin que s'il se trouvait quelque chose que vous eussiez de la peine à entendre, vous pussiez m'en demander l'explication, et qu'avec le secours de ce qu'il plairait à Dieu de me rendre capable de vous dire, et qu'il vous ferait la grâce de concevoir dans les entretiens que nous aurions ensemble, vous corrigeassiez vous-même dans vos livres ce qui vous paraitrait en avoir besoin. Vous avez en effet une facilité à vous exprimer qui vous rend très-capable de bien faire entendre vos sentiments, et vous méritez, par ce qu'on découvre en vous de vertu et d'humilité, de n'en avoir que de justes et de conformes à la vérité. Je persiste donc dans le même avis que je vous ai déjà donné, et auquel il me semble que vous ne devez point hésiter à vous rendre, qui est qu'en lisant où vous êtes ce que vous avez de mes ouvrages, vous marquiez les endroits qui vous semblent obscurs, et que vous me les apportiez ici, pour avoir des éclaircissements sur les passages que vous aurez notés. Ainsi je vous exhorte à faire ce que vous n'avez point encore fait, et à quoi vous pourriez avoir quelque répugnance si vous l'aviez entrepris et que vous y eussiez trouvé de ma part quelque dif

ficulté. Je vous avais encore mandé, sur ce que vous vous plaigniez que dans les copies que vous avez de quelquesuns de mes ouvrages, il y a une infinité de fautes qui vous lassent, que vous n'aviez qu'à recourir aux copies que j'ai ici, que vous trouveriez plus correctes.

Quant à ce que vous souhaitez que j'emploie tout ce que je puis avoir de doctrine et de sagacité à discuter la question de la Trinité, c'est-à-dire la question de l'unité de Dieu et de la distinction des personnes, « afin que les nuages de votre esprit étant dissipés par les clartés du mien, pour me servir de vos expressions, vous puissiez contempler, à la faveur de cette lumière, ce que vous n'avez pu comprendre jusqu'ici;» voyez si ce que vous me demandez là s'accorde avec ce que vous établissez dans la même lettre, comme une maxime constante, que c'est par la foi plutôt que par le raisonnement qu'on peut atteindre à la vérité? En effet, dites-vous, si l'on ne parvenait à la foi de l'Église que par les raisonnements, et non point par une humble et pieuse crédulité, le bonheur éternel ne serait que pour les orateurs et les philosophes. Mais, comme celui qui a choisi ce qu'il y a de plus faible dans le monde pour confondre tout ce qu'il y a de plus fort, a jugé à propos de faire de la folie de la prédication l'instrument du salut de ceux qui croiraient, il vaut mieux suivre avec soumission l'autorité des saints que de s'attacher à demander raison des choses de Dieu. Jugez donc par ce principe si, dans une matière comme celle-ci, où se trouve le principal point de notre foi, il ne vaut pas mieux se contenter de suivre l'autorité des saints, que de vouloir que je tâche, à force d'arguments, de vous en donner l'intelligence. Car, quand je me mettrais en devoir de vous élever en quelque sorte jusqu'à l'intelligence de ce mystère (ce dont je serais incapable à moins que Dieu ne vous éclairât intérieurement), que ferais-je autre chose que vous rendre raison de ce que la foi nous enseigne sur ce sujet? Si donc vous pensez pouvoir recourir à moi, ou

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