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dont le monde est composé et dont nous sommes aussi une portion, n'étaient pas corruptibles par leur nature.

D'autres plus insensés encore veulent que l'univers se soit créé lui-même, comme s'il y avait rien qui pût se donner à soi-même la naissance, de telle sorte qu'un même être fût à la fois créateur et créature, œuvre et artisan, et qu'il n'y eût pas là une contradiction manifeste et dans les mots et dans les choses. Or, qui ne comprend, au contraire, que ce monde corporel est gouverné par une force incorporelle, et que c'est par la force infuse et toujours présente de l'Esprit divin qui l'a créée que cette masse énorme est animée, dirigée dans ses mouvements, maintenue dans son équilibre, perpétuée dans sa durée?

Puis donc qu'il est constant que ce qui se voit ou se sent a besoin, pour avoir consistance et subsistance, d'un secours étranger, on ne peut contester qu'un tel secours ne soit également nécessaire pour qu'une chose soit créée. Et ainsi, nous devons nécessairement avouer que tout provient de Dieu. Il n'y a par conséquent que des profanes qui puissent douter que le monde ait Dieu pour auteur. C'est de même à lui seul qu'il convient de rapporter le gouvernement des vents et de toutes les forces accumulées qui s'agitent dans les profondeurs et comme dans les entrailles de la terre. Car les puissances qui se manifestent dans les ouvrages de Dieu ne sauraient être contenues, c'est-à-dire les substances qui composent l'univers ne pourraient coexister dans l'opposition de leurs natures diverses, si elles n'étaient dominées par une nature et une puissance souveraine, qui est Dieu, seul créateur de tout ce qui est, qui seul a pu les faire et les ordonner, et qui seul, par les lois qu'il leur impose, assure leur état. Mais il est encore beaucoup plus insensé d'incriminer aucune nature quelle qu'elle soit et de la déclarer mauvaise : car si tout vient de Dieu et si Dieu est bon, assurément tout ce que Dieu fait est bon. Que si dans les secrets de ses desseins il y a des profondeurs qui échappent à nos sens et à nos

pensées, quoique nous n'en puissions pénétrer le mystère ni dissiper l'obscurité, il est plus sûr néanmoins de supposer que Dieu a eu des motifs cachés d'agir, que de croire qu'il n'en a eu aucun. On ne peut en effet mettre en doute que toutes les œuvres de Dieu, bien qu'elles ne soient pas toutes intelligibles, ne soient cependant toutes raisonnables.

C'est pourquoi si Dieu qui a créé le monde entier, aussi le gouverne, en quel lieu ou sur quelles créatures le hasard aura-t-il prise, ou le destin, ou la fortune? Si le hasard, le destin, la fortune dépendent, comme le veulent quelques-uns, du mouvement et de la série des astres, c'est donc d'atomes de feu, atomes non-seulement plus petits que Dieu, mais que le monde lui-même, puisqu'ils n'en éclairent guère que la troisième partie, que le hasard, le destin, la fortune, tirent une puissance qu'on fait l'égale de celle de Dieu? Car certainement il n'appartient qu'à une puissance divine d'exciter tour à tour la violence des vents et de l'enchaîner, d'abandonner ou d'arracher les mortels aux fureurs des tempêtes. Et comme c'est en vertu de cette puissance que toute créature obéit à Dieu, seul créateur de toutes choses, comment départir ce pouvoir divin et cette efficace à des choses qui, non-seulement ne pourraient recevoir le nom de créateur, mais qui n'ont pas même l'apparence de créature, et dont les dénominations vagues ne signifient rien distinctement de spirituel ni de corporel? En effet, quand même le hasard serait l'expression du doute, le destin l'expression de la prévision, l'accident l'expression de ce qui tombe ou de ce qui arrive; cependant, n'est-ce point par un étrange abus et une grossière ignorance de Dieu que les hommes, dans leur égarement, ont érigé en divinités des mots vides de sens, leur ont donné un corps, des attributs, et, ce qui est encore plus pitoyable, décerné des hommages divins? De là sont venus et l'Espérance, et Némésis, et l'Amour, et aussi la Fureur dont on adore les images, et l'Occasion

qui est chauve, et la Fortune qui s'appuie sur un globe glissant. Par un mensonge non moins bizarre, on a feint que les Destinées filent les jours des hommes, ou les pèsent dans des balances. Et cet incroyable délire a été partagé par les philosophes aussi bien que par le vulgaire, témoin Platon qui met entre les mains d'une vieille femme le fuseau de la Nécessité, lui adjoignant trois filles, dont l'emploi est de filer, comme si les événements et la vie des hommes résultaient du travail de ces filandières. Ce philosophe sublime a, de la sorte, abusé de sa vaine et harmonieuse éloquence, jusqu'à ne pas rougir d'insérer d'aussi absurdes fables dans des écrits où il ose traiter de la nature divine comme s'il la connaissait. Pour nous donc, ce qu'il nous faut estimer chez Platon, c'est la beauté de son langage, non la frivolité de ses fictions, sans toutefois que la musique des mots qui charme l'oreille nous fasse perdre de vue le fond des choses.

Il y a plus comme la raison et la vérité l'enseignent, toutes les œuvres de Dieu, dont nous sommes nous-mêmes l'ouvrage, tous les événements heureux par lesquels nous sommes dirigés et conservés au milieu des incertitudes de cette vie fragile et caduque, tout cela rapportons-le à Dieu même, et ne commettons point l'erreur de retrancher quoi que ce soit de sa puissance, parce que Dieu, que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, est notre créateur et notre Dieu comme il est le créateur et le Dieu de toutes choses. Et parce qu'il est la bonté et la sagesse même, et l'origine de la raison, il n'a rien établi que par raison, et a communiqué à tout sa bonté. Rapportons-lui donc tout ce que nous sommes; appliquons-nous à connaître, efforçons-nous de faire ce qui lui plaît. Alors, l'esprit dégagé des nuages qui l'obscurcissent, nous apercevrons clairement cette vérité, que c'est pour Dieu qu'est tout ce qui est; et aussi cette conséquence, que toutes les œuvres -de Dieu sont excellentes, et que rien ne peut être mauvais

de ce qui a pour auteur un être essentiellement bon, lequel, dans l'univers, a tout préparé pour notre usage, et tout disposé pour notre utilité, ordonnant de telle sorte les créatures, que les unes sont destinées à servir, les autres à agir, d'autres à commander. Ainsi nous dominons par la raison les natures animales et corporelles. Mais, afin que nous n'abusions pas de cette puissance, il est utile que nous soyons éprouvés par les adversités, par les démons, par les difficultés des affaires, ou souvent même par le trouble des éléments. Car de telles traverses nous rendent attentifs, prudents, et réveillent en nous la crainte de la Divinité. Il est certain, en effet, que la sécurité qui nous devrait rendre reconnaissants envers le Dieu éternel est au contraire la cause de notre insensibilité et de notre ingratitude. Aussi l'apôtre des Gentils a-t-il dit que c'est par un dessein secret de la bonté divine, et au grand avantage du salut des hommes, que des obstacles nous sont suscités dans notre course, et qu'à la prospérité succèdent l'adversité, les maladies, les pertes, les périls, parce que la tribulation produit la force de la patience, et que, la patience étant l'épreuve de la foi, par elle la récompense de la gloire peut être obtenue, récompense que la vertu ne serait pas à même de mériter par ses victoires, si elle ne trouvait une occasion de vaincre dans les difficultés contre lesquelles il lui faut lutter.

(Saint Paulin. Lettre à Jovien.)

XXI. DES BIENS ET DES MAUX ET DE LEUR USAGE.

Quelqu'un dira: Pourquoi la divine miséricorde s'étend-elle aux impies et aux ingrats? Pourquoi? c'est sans doute parce que celui qui l'exerce est celui même qui tous les jours fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Car quoique quelques hommes considérant cette bonté se repentent de leur impiété et la détestent, et que les autres méprisant la douceur et la patience infinie de Dieu, comme parle l'Apôtre, s'amassent par leur endurcissement et leur impénitence une infinité de maux pour le jour de la vengeance et du juste jugement de Dieu qui rendra à chacun selon ses œuvres, il est toujours vrai de dire que la patience de Dieu invite les méchants à la pénitence, comme ses châtiments exercent les bons à la patience, et que sa miséricorde conserve et protége les bons, comme sa justice punit et châtie les méchants. Car la divine providence a trouvé à propos de préparer aux bons pour le siècle à venir des biens dont les méchants ne jouiront point, et aux méchants des maux dont les bons ne seront point tourmentés. Mais pour les biens et les maux de cette vie, Dieu a voulu qu'ils fussent communs aux uns et aux autres, afin qu'on ne désirât point avec ardeur des biens qu'on voit que les méchants possèdent de même que les bons, et qu'on n'évitât pas comme honteux des maux dont les bons sont affligés à l'égal des méchants. Il y a pourtant une très-grande différence dans l'usage que les uns et les autres font de ces biens et de ces maux. Car les bons ne s'élèvent point dans la bonne fortune, et ne défaillent pas dans la mauvaise; au lieu que les méchants se laissent abattre dans l'adversité, et y trouvent un grand sujet de peine, parce que la

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