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nos parents ne peuvent nous donner. C'est pour cela que des parents fort sages mettent quelquefois au monde des enfants qui n'ont point d'esprit, et que des parents qui n'ont point d'esprit mettent quelquefois au monde des enfants qui sont fort sages; ce que quelques-uns attribuent vainement à la destinée et aux astres. Mais ce n'est pas ici le lieu de parler de la destinée. Pour ce qui est des astres, je me contenterai de dire que, quelque force qu'ils aient sur les corps inférieurs, leurs effets doivent être attribués à Dieu, puisque c'est lui qui leur a donné la puissance de produire ces effets et qui a produit les astres eux-mêmes et les a attachés au firmament. C'est sans doute témérité et folie de vouloir ôter ce pouvoir à Dieu pour le donner à son ouvrage. Mais si nous avons reçu des mains de Dieu ce riche présent de la raison et de la sagesse, il dépend de notre liberté d'en faire un bon usage. En nous le donnant il nous a rendus capables de la vertu, par le moyen de laquelle nous pouvons obtenir une vie qui n'ait point de fin. Mais, en nous départant ces rares faveurs, il nous a obligés à soutenir un combat perpétuel contre un ennemi également rempli de malignité et de ruse, et qui ne nous laisse jamais en repos. Les raisons pour lesquelles Dieu a voulu nous engager à cette guerre sont des raisons très-solides et très-importantes, que j'expliquerai en peu de paroles.

Dieu n'a voulu révéler la vérité qu'à un petit nombre de personnes, afin d'établir par ce moyen une différence, en quoi consiste un des plus rares secrets de la conduite qu'il tient dans le gouvernement de l'univers. Sans cette différence, la vertu ne pourrait ni subsister ni paraître. Il faut qu'elle ait un adversaire contre lequel elle puisse faire épreuve et montre de ses forces. Il n'y a point de vertu sans ennemi, non plus qu'il n'y a point de victoire sans combat. Dieu, en donnant la vertu à l'homme, lui a aussi donné un ennemi, de peur qu'elle ne se perdît dans l'oisiveté et faute d'exercice. Elle ne peut se conserver que

dans l'agitation, ni s'affermir qu'au milieu des secousses auxquelles elle résiste. C'est un ordre de Dieu, que l'homme ne puisse arriver à la béatitude éternelle par un chemin aisé et semé de fleurs. C'est pour cela qu'il lui a suscité un ennemi qui le tient dans un continuel exercice en lui inspirant des désirs pernicieux, des inclinations corrompues, en l'engageant dans l'erreur et lui persuadant le vice, et en tâchant de le jeter dans la mort, au lieu que Dieu l'appelle à la vie. Cet ennemi use de toute sorte d'adresse pour surprendre ceux qui cherchent la vérité, et quand l'artifice lui est inutile, il emploie la force pour ébranler les plus fermes, et, ne s'abstenant d'aucune violence, il répand le sang et ôte la vie. Mais, s'il en abat plusieurs, il est vrai aussi qu'il est surmonté par quelques-uns. L'homme a une grande force. La raison et la foi, qu'il a reçues de ' Dieu, lui sont de puissants secours. S'il ne perd jamais cette foi, et s'il ne s'éloigne point de celui qui la lui a donnée, il sera heureux, et, pour tout dire en un mot, il sera semblable à Dieu. C'est se tromper que de juger de l'homme par l'extérieur. Le corps que nous voyons n'est point l'homme, ce n'est que le vase où il est enfermé. L'homme ne peut être vu ni touché; il est caché sous ce que l'on voit et sous ce que l'on touche. Que si cet homme veut vivre d'une manière plus sensuelle et plus délicate que son devoir ne le permet, et que, méprisant la vertu, il recherche les plaisirs, il deviendra l'esclave de son propre corps et de ses passions. Mais s'il conserve la grâce qu'il a reçue, et que, foulant la terre aux pieds, il s'élève vers le ciel, il méritera la vie éternelle.

Voilà, mon cher Démétrianus, ce que j'avais à vous dire en peu de paroles, selon que l'état du temps présent et de nos affaires me l'a pu permettre. Si vous trouvez quelque obscurité dans mon discours, je vous supplie de l'excuser, et de croire que, Dieu aidant, je vous présenterai en un autre temps quelque ouvrage plus étendu et plus supportable. Je vous exhorterai alors, et plus au

long et plus fortement, à embrasser la véritable philosophie. Car j'ai résolu d'écrire le plus qu'il me sera possible touchant la vie bienheureuse, contre les philosophes, qui sont les plus dangereux et les plus redoutables ennemis de la vérité. En effet, on ne saurait croire combien est grande la force de leur parole, et combien il leur est aisé de surprendre les simples par la subtilité de leurs raisonnements. C'est pourquoi je les combattrai et par les armes que présente notre religion, et par celles qu'ils fournissent eux-mêmes, et je ferai voir que, bien loin d'avoir banni les erreurs, ils les ont autorisées. Vous vous étonnerez peut-être que je me jette dans une entreprise si hardie que celle-là. Mais voudriez-vous que je laissasse opprimer et étouffer la vérité? Je me chargerai de ce travail, quand je devrais être accablé sous son poids. Que si des personnes qui n'avaient qu'une légère teinture des sciences et de l'art de parler n'ont pas laissé de gagner leurs causes contre Cicéron, cet incomparable orateur, et si elles ne l'ont emporté sur lui que par la seule raison qu'elles défendaient la vérité, pourrons-nous douter que cette vérité même n'ait la force de détruire les vaines subtilités d'une captieuse éloquence? Je sais bien que les philosophes font profession de la soutenir; mais comment la soutiendraient-ils sans la connaître? Comment l'enseigneraient-ils sans l'avoir apprise? J'avoue que je m'engage dans un grand travail, mais j'espère que Dieu me donnera et du temps et des forces pour l'achever. Si un homme sage peut souhaiter de vivre longtemps sur la terre, je ne souhaite cette faveur qu'afin d'en faire un usage digne de ce prix, et de travailler à des ouvrages qui puissent être utiles à ceux qui prendront la peine de les lire, parce qu'ils leur donneront des préceptes, non de rhétorique, dont je n'ai qu'une connaissance fort médiocre, mais de bonnes mœurs, ce qui est par-dessus tout important et nécessaire. Que si je suis assez heureux pour retirer quelques personnes

de leur égarement et pour les mettre dans le chemin du ciel, je croirai n'avoir pas été tout à fait inutile dans. ce monde et n'avoir pas entièrement manqué à mon devoir.

(Lactance. De l'ouvrage de Dieu.)

IX. DE L'ORIGINE DE L'AME.

SAINT AUGUSTIN A SAINT JÉRÔME.

J'ai prié et je prie encore notre Seigneur et notre Dieu, qui nous a appelés à son royaume et à sa gloire, que ce que je vous écris pour vous consulter, mon saint frère Jérôme, nous soit utile à tous deux. Quoique vous soyez beaucoup plus âgé que moi, c'est toujours un vieillard qui consulte un autre vieillard : mais il me semble qu'il n'y a point d'âge trop avancé pour apprendre ce qui est bon à savoir; car encore que les vieillards dussent enseigner plutôt qu'apprendre, il vaut mieux néanmoins qu'ils apprennent que d'ignorer ce qu'ils doivent enseigner.

Lorsque je rencontre quelque question difficile à résoudre, rien ne me fait tant de peine que de me voir éloigné de vous, et par une si grande étendue de terres que non-seulement les jours et les mois, mais les années ne suffisent pas pour vous faire tenir de mes lettres ou pour recevoir des vôtres, et vous pouvez juger combien un tel inconvénient pèse à un homme qui ne désirerait rien tant que d'être avec vous et de pouvoir vous communiquer à tout moment tout ce qui lui vient à l'esprit. Mais enfin il faut au moins faire ce que je puis, si je ne puis pas tout ce que je voudrais.

J'ai vu tout d'un coup arriver ici d'Espagne le saint prêtre Orose, qui est notre collègue par la dignité du sacerdoce, comme il est notre fils par son âge, et notre frère par son attachement à l'unité catholique. C'est un homme d'un esprit vif, qui parle aisément, qui brûle du désir d'apprendre, qui voudrait être un vase utile dans la maison du Seigneur, et devenir capable de combattre les

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