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beauté, de telle sorte qu'encore que l'intelligence soit trop faible pour s'élever au principe de l'éternelle beauté, nous atteignions du moins par le sentiment cette beauté! Ainsi donc il faut avouer que Dieu est très-beau; c'est ce que l'intelligence ne saurait comprendre, mais c'est ce que proclame le sentiment.

(Saint Hilaire. De la Trinité, Liv. Ia.)

IV. PAR QUELS DEGRÉS ON S'ÉLÈVE A DIEU.

Je voyais avec admiration, ô mon Dieu, que je commençais à vous aimer, et non plus un fantôme au lieu de vous: mais je ne pouvais néanmoins jouir continuellement de vous. Car, comme d'une part l'amour de votre beauté m'enlevait pour m'unir à vous, je sentais aussitôt d'un autre côté que le poids de ma misère m'arrachait et me séparait de vous avec violence, pour me faire retomber avec gémissement dans la bassesse d'où je tâchais de sortir. Et ce poids n'était autre chose que les habitudes de mes passions charnelles.

Mais au moins je me souvenais toujours de vous et je ne pouvais douter qu'il n'y eût une chose souverainement bonne à laquelle je devais m'attacher, quoique je visse bien pourtant que je n'étais pas encore tel que je devais être pour m'y attacher, parce que le corps qui est corruptible appesantit l'âme, et que cette maison de terre, qui est si grossière et si pesante, accable l'esprit lorsqu'il veut s'élever dans ses pensées.

J'étais aussi très-assuré que, depuis la création du monde, vos grandeurs invisibles, votre puissance éternelle, et votre divinité souveraine ont été rendues intelligibles et comme visibles par l'ordre, la sagesse et la conduite qui reluisent dans l'établissement et la conservation de tous les êtres que vous avez créés. Et recherchant ce qui me fait discerner la beauté des corps tant célestes que terrestres, et quelle est la règle qui est présente à mon esprit lorsque je juge selon la vérité des choses qui sont sujettes au changement, et que je dis : cela doit être ainsi, et ceci doit être d'une autre sorte, je trouvai qu'audessus de mon esprit, qui est sujet au changement, il y avait une vérité immuable qui est l'éternité même.

Ainsi allant par degrés, j'étais monté de la connaissance des corps à celle de l'âme sensitive, qui exerce ses fonctions par le moyen des organes corporels. De là je passai jusqu'à la puissance intérieure, à laquelle les sens rapportent les objets extérieurs; ce qui est la borne de la connaissance des bêtes. Puis je m'élevai jusqu'à cette partie supérieure de l'âme de l'homme, qui, par le raisonnement et le discours, juge de tout ce que les sens lui rapportent.

Cette partie, la plus excellente de mon âme, se considérant elle-même, et trouvant qu'elle n'était pas immuable, fit un effort pour s'élever jusqu'à la plus haute manière de concevoir et de connaître. Car, omettant le procédé qui lui était ordinaire, elle ferma les yeux à cette multitude d'images et de fantômes qui la troublaient auparavant, afin qu'elle pût découvrir quelle est la lumière qui l'éclaire dans la connaissance du bien immuable, lorsqu'elle déclare avec assurance qu'il doit être préféré à celui qui est sujet au changement. Ce qu'elle n'eût jamais fait si elle n'en avait eu quelque connaissance, et si elle n'eût espéré de parvenir par ce moyen jusqu'à cette vue de votre être, que l'esprit humain ne saurait envisager que par des regards tremblants, et qui passent comme un éclair.

Ayant agi de cette sorte, mon Dieu, je vis par la lumière de l'intelligence vos invisibles beautés comme peintes dans celles des choses visibles que vous avez tirées du néant; mais je ne pus y arrêter la pointe de mon esprit l'éclat de votre splendeur m'éblouit les yeux; et ainsi étant retombé dans mes faiblesses accoutumées, il ne me resta de ce que j'avais aperçu qu'un souvenir agréable qui me laissa dans un très-grand désir de goûter ces mets si délicieux, dont je n'avais senti que l'odeur, qui était excellente et m'avait ravi, mais dont je n'avais pu encore me rassasier et me nourrir.

Seigneur, je vous aime et ce n'est point avec doute, mais avec certitude que je sais que je vous aime. Vous avez frappé mon cœur par votre parole, et aussitôt je vous ai aimé. Le ciel et la terre, et tout ce qu'ils contiennent, me disent aussi, de toutes parts, que je suis obligé de vous aimer; et ils ne cessent point de le dire à tous les hommes, afin qu'ils soient inexcusables s'ils y manquent. Mais il faut encore davantage pour que vous ayez pitié de celui dont il vous plaît d'avoir pitié, et pour faire miséricorde à celui auquel il vous plaît de faire miséricorde. Car autrement le ciel et la terre parlent en vain et publient inutilement vos louanges, puisqu'ils ne parlent qu'à des sourds.

Or, qu'est-ce que j'aime lorsque je vous aime? Ce n'est ni tout ce que les lieux enferment de beau, ni tout ce que les temps nous présentent d'agréable. Ce n'est ni cet éclat de la lumière qui procure tant de plaisir à nos yeux, ni la douce harmonie de la musique, ni l'odeur des fleurs et des parfums, ni la manne, ni le miel, ni tout ce qui peut plaire dans les voluptés de la chair.

Ce n'est rien de tout cela que j'aime, quand j'aime mon Dieu, et j'aime néanmoins une lumière, une harmonie, une odeur, un mets délicieux, et une volupté, quand j'aime mon Dieu. Mais cette lumière, cette harmonie, cette odeur, ce mets, et cette volupté ne se trouvent que dans le fond de mon cœur, dans cette partie de moimême qui est tout intérieure et tout invisible, où mon âme voit briller au-dessus d'elle une lumière que l'espace ne renferme point, où elle entend une harmonie que le temps ne mesure point, où elle sent une odeur que le vent ne dissipe point, où elle goûte un mets qui, en nourrissant, ne diminue point; et enfin où elle s'unit à un objet infiniment aimable dont la jouissance n'apporte point de satiété.

Voilà ce que j'aime quand j'aime mon Dieu. Et qu'estce que cela? Je l'ai demandé à la terre, et elle m'a ré

pondu Ce n'est pas moi; et tout ce qu'elle contient m'a fait aussi la même réponse. Je l'ai demandé à la mer, aux abîmes, aux poissons et à tous les animaux qui habitent les eaux, et ils m'ont répondu : Nous ne sommes pas votre Dieu cherchez-le au-dessus de nous. Je l'ai demandé à l'air que nous respirons, et il m'a répondu aussi bien que tous ces oiseaux: Anaximène s'est trompé ; car je ne suis pas Dieu. Je l'ai demandé au ciel, au soleil, à la lune et aux étoiles; et ils m'ont répondu : Nous ne sommes pas non plus cette divinité que vous cherchez. Je me suis adressé ensuite à tous les objets qui environnent mes sens, et leur ai dit : Puisque vous n'êtes pas mon Dieu, apprenez-moi au moins quelque chose de lui; et ils se sont écriés tous d'une voix : C'est lui qui nous a créés.

Le mouvement de mon cœur, dans cette recherche, a été la voix par laquelle je leur ai adressé cette demande; et leur beauté a été comme la langue muette par laquelle ils m'ont fait cette réponse. Je suis revenu enfin en moimême, et me suis dit : Qui es-tu? Et j'ai répondu à moimême Je suis homme, car je suis composé de corps et d'âme, dont l'un est extérieur et visible, et l'autre intérieur et invisible. Lequel des deux devais-je plutôt interroger, pour chercher mon Dieu que j'avais déjà cherché par tous les êtres corporels depuis la terre jusqu'au ciel, et aussi loin que j'avais pu envoyer les rayons de mes yeux, ainsi que des messagers, afin d'en apprendre des nouvelles.

Mais l'âme, cette partie intérieure, était sans doute la plus propre pour m'en informer. Car tous ces messagers extérieurs s'adressaient à elle, qui était comme dans son tribunal et dans son siége, pour juger de toutes ces réponses que le ciel, la terre et tout ce qu'ils contiennent m'avaient faites, en me disant : Nous ne sommes pas votre Dieu, et c'est lui qui nous a faits. L'homme intérieur connaît ces choses par l'homme extérieur et c'est

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