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délicat dans les lettres humaines. Les auteurs profanes ont-ils quelque trait remarquable que Minutius Félix, ce célèbre avocat de Rome, n'ait fait entrer dans son livre qui a pour titre Octavius, et dans un autre qu'il a composé contre les astrologues? (si toutefois il en est l'auteur, comme le titre le porte). Arnobe a écrit sept livres contre les Gentils. Lactance son disciple en a écrit autant, sans compter deux autres volumes intitulés, l'un de la colère, et l'autre de l'ouvrage de Dieu. Si vous voulez vous donner la peine de les lire, vous trouverez que ce n'est presque qu'un abrégé des dialogues de Cicéron. Pour ce qui est du martyr Victorin, s'il n'y a pas beaucoup d'érudition dans ses ouvrages, il paraît cependant qu'il n'a rien épargné pour être érudit. Quelle brièveté, quelle profonde connaissance de l'histoire, quelle beauté, quelle éloquence ne trouve-t-on pas dans les ouvrages que saint Cyprien a composés pour prouver que les idoles ne sont point des dieux? Hilaire, ce grand évêque, qui de nos jours a confessé avec tant de zèle la divinité de Jésus-Christ, a imité dans son Traité de la Trinité les douze livres de Quintilien, et pour le nombre et pour le style. Dans le petit écrit qu'il a rédigé contre le médecin Dioscore, il montre assez jusqu'où allait la connaissance qu'il avait des belleslettres. Le prêtre Juvencus, sous le règne de Constantin, a raconté en vers l'histoire de notre Sauveur, sans craindre que la poésie diminuât quelque chose de la majesté de l'Évangile. Je passe sous silence une infinité d'autres auteurs, tant morts que vivants, qui témoignent assez par leurs ouvrages qu'ils ne manquaient ni de savoir, ni de la volonté de s'en servir.

Mais de crainte que vous ne tombiez dans une autre erreur, en vous imaginant qu'il n'est permis d'invoquer l'autorité des auteurs profanes que contre les Gentils, il faut que vous sachiez qu'il n'y a presque aucun écrivain, si vous en exceptez ceux qui n'ont jamais plus cultivé les belles-lettres qu'Epicure, dont les livres ne soient

pleins d'une science et d'une érudition profonde. Au reste je ne saurais vous dissimuler ici ce qui me vient présentement en pensée, c'est que je suis convaincu que vous n'ignorez pas la manière dont tous les habiles écrivains en ont usé : mais je m'imagine que quelqu'un vous a inspiré de me faire cette question, et que ce pourrait bien être Calpurnius surnommé Lanarius, à cause qu'il aime à lire l'histoire de Salluste. Je vous prie donc de lui dire de ma part, que s'il n'a point de dents pour manger, il ne porte point envie à ceux qui en ont encore de bonnes; et qu'étant aussi aveugle qu'une taupe, il ne doit point se moquer de ceux qui ont des yeux de chèvre. J'aurais ici, comme vous voyez, libre carrière pour discuter, si je ne craignais de dépasser les bornes d'une lettre.

(Saint Jérôme, Lettre LXXIX).

II. DES DIFFÉRENTES ESPÈCES D'ÈTRES.

AUGUSTIN A CÉLESTIN.

Oh! qu'il y a un conseil que je voudrais vous pouvoir donner sans cesse! C'est qu'il faut vous décharger de tous les soins inutiles, et leur faire succéder ceux qui sont véritablement utiles et salutaires; car de vivre ici-bas exempts de toutes sortes de soucis, c'est ce que nous ne devons pas prétendre.

Je vous ai écrit sans avoir eu de réponse, et vous ai envoyé ce que j'avais de prêt et de mis au net des livres que j'ai rédigés contre les manichéens, sans que vous m'ayez rien mandé de ce que vous en pensez. Présentement je crois qu'il est temps que je vous les réclame, et que vous me les renvoyiez. Je vous prie de le faire incessamment, et de m'apprendre en même temps comment vous vous en servez, et de quelles armes vous croyez encore avoir besoin pour ruiner cette erreur.

Voici quelque chose de court, mais de grand, et qui, comme je vous connais, vous convient parfaitement.

Il y a une nature muable par rapport au lieu, aussi bien qu'au temps, et c'est le corps.

Il y a une nature muable par rapport au temps, mais non pas au lieu, et c'est l'âme.

Et enfin, il y a une nature qui n'est pas plus muable par rapport au lieu que par rapport au temps, et c'est Dieu.

Ce qui est donc muable, de quelque manière que ce puisse être, est créature, et ce qui est immuable, c'est le Créateur.

Or, comme les choses ne sont qu'autant qu'elles subsistent et qu'elles sont unes, et que l'unité est le principe

de toute beauté, il est aisé de voir, dans cette division des différentes natures, ce qui possède l'être souverainement; ce qui est dans le plus bas degré de l'être, mais qui ne laisse pas d'avoir une véritable existence, et ce qui est entre deux, au-dessus du plus bas genre des êtres, et au-dessous de l'être souverain.

Cet être souverain est la félicité par essence. Cet être du plus bas genre est incapable de bonheur et de malheur. L'être intermédiaire est malheureux quand il penche vers les êtres du dernier genre, et heureux quand il se porte vers l'être souverain.

Or, qui croit en Jésus-Christ ne se laisse point aller à l'amour de ce qui est dans ce bas étage des êtres, et ne s'enorgueillit point en s'arrêtant avec complaisance dans la région du milieu, et c'est par là qu'il devient capable de s'unir au souverain être. Voilà tout ce que la religion demande de nous; voilà à quoi tendent tous ses préceptes; voilà de quoi elle tâche de nous inspirer l'amour.

(Saint Augustin, Lettre XVIII•).

:

III. DE LA CONNAISSANCE DE DIEU.

Lorsque je considérais quel est le propre de la vie humaine, de quelle manière il en faut consacrer l'emploi, quel but lui assigne la nature, ou le consentement des sages, qui soit digne de la divine intelligence que nous avons reçue en partage, beaucoup d'objets se présentaient à moi, lesquels, d'après l'opinion commune, semblaient rendre la vie utile et désirable, et, par-dessus tout, ces deux choses qu'aujourd'hui comme autrefois les mortels ont toujours préférées, le loisir à la fois et l'opulence, parce que l'un sans l'autre est plutôt une occasion de souffrances qu'une source de biens; car le loisir sans l'opulence est regardé comme une sorte d'exil de la vie, et l'opulence sans le loisir est d'autant plus attristante qu'on s'indigne davantage de se voir privé de tous les agréments qu'on avait désirés et recherchés. Or, quoique ces biens renferment en eux-mêmes les suprêmes délices de la vie, néanmoins il ne paraît pas que la délectation qu'ils procurent diffère beaucoup de celle des bêtes, qui, errant à leur gré à travers des bois ombreux et de gras pâturages, trouvent une sécurité sans fatigue, et se rassasient de nourriture. En effet, s'il est vrai que le souverain et définitif usage de la vie consiste à se reposer et à jouir, il est nécessaire que cette même fin, diversifiée mais non changée suivant les organisations, nous soit commune avec les bêtes, lesquelles sont privées de raison; puisque la nature ellemême leur assure abondance et sécurité, et qu'elles connaissent la jouissance sans avoir les soucis de la possession.

Aussi voit-on que la plupart des hommes rejettent pour eux-mêmes avec mépris et blâment chez les autres ce genre de vie grossier et bestial. Car la nature leur crie

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