Obrazy na stronie
PDF
ePub

consiste dans le bonheur de bien vivre, et non dans la licence de mal faire et l'impunité; nous demandons à Dieu le pardon des fautes d'autrui, aussi bien que des nôtres; mais nous ne saurions l'obtenir que pour ceux qui sont convertis et qui ont changé de vie.

Vous ajoutez que « s'il faut que l'action soit punie, vous demandez au moins, avec toute la soumission possible, que ce ne soit pas avec la dernière rigueur, et que l'innocent ne se trouve pas confondu avec le coupable.

[ocr errors]

Apprenez donc en peu de mots comment les faits se sont passés; discernez ensuite vous-même les innocents d'avec les coupables. Le jour des calendes de juin, les païens, au mépris d'une loi tout nouvellement publiée, célébrèrent à Calame leur solennité sacrilége, sans que personne se mît en devoir de l'empêcher, et portèrent leur insolence jusqu'à faire passer les troupes fanatiques de leurs danseurs dans la rue et devant la porte même de l'église, ce qu'ils n'avaient jamais osé, non pas même du temps de Julien l'Apostat. Et comme les clercs voulurent empêcher une action si indigne et si criminelle, on fondit sur eux à coups de pierres, et sur tout ce qui se trouva dans l'église. Puis, au bout de huit jours, l'évêque ayant cru devoir signifier de nouveau les lois des empereurs, quelque connues qu'elles fussent, quand on voulut les faire exécuter, l'église fut encore insultée et attaquée à coups de pierres. Deux jours après, nos clercs, pour arrêter au moins ces furieux par la crainte, s'étant présentés devant les magistrats, et demandant que ce qu'ils avaient à dire fût inséré dans les actes publics, l'audience leur fut refusée.

Ce même jour, par un effet de la Providence, qui semblait, au défaut des hommes, vouloir réprimer ces furieux par une terreur salutaire, une grêle abondante répondit aux projectiles que lançaient les païens; mais elle n'eut pas plutôt cessé qu'ils se jetèrent sur les chrétiens à coups de pierres pour la troisième fois. Des pierres ils

en vinrent au feu, qu'ils mirent à l'église et aux maisons de ceux qui la servent, et tuèrent un serviteur de Dieu qui se trouva en leur chemin, les autres fuyant ou se cachant çà et là comme ils pouvaient. L'évêque même se sauva à grand'peine dans une étroite cachette, d'où il entendait les cris de ceux qui le cherchaient pour le tuer, et qui se reprochaient de ne l'avoir pu trouver afin d'assouvir leur fureur par un meurtre si horrible. Ces désordres eurent lieu depuis dix heures jusque bien avant dans la nuit, sans qu'aucun de ceux qui pouvaient avoir quelque autorité sur le peuple s'y opposât et cherchât à l'empêcher, hormis un étranger, qui tira de leurs mains plusieurs serviteurs de Dieu qu'ils s'apprêtaient à massacrer, et leur arracha beaucoup d'objets qu'ils avaient pillés; par où on voit combien il était aisé de prévenir ou d'arrêter tout ce tumulte, si les citoyens, et surtout les magistrats, en avaient pris souci.

Ainsi il n'y a pas à chercher d'innocent, et tout ce qui se peut faire, c'est de démêler ceux qui sont le moins coupables d'avec ceux qui le sont le plus. Les moins coupables sont ceux qui, étant retenus par la peur et redoutant surtout d'offenser les plus puissants de la ville, qu'ils savent être ennemis des chrétiens, n'ont osé les secourir. Mais pour ceux qui se sont réjouis du désordre, quoiqu'ils n'en aient été ni les fauteurs ni les auteurs, il leur doit être imputé, et plus encore à ceux qui l'ont commis; par-dessus tous, à ceux qui l'ont provoqué. Ne nous occupons pas néanmoins de la provocation; laissons de côté tous ces indices, et n'approfondissons point une chose dont nous ne pourrions découvrir la vérité qu'en l'arrachant, à force de tourments, de la bouche de ceux qui la connaissent pardonnons à la crainte de ceux qui, pour ne pas encourir la disgrâce des principaux citoyens, qu'ils savent être ennemis de l'Église, se sont contentés de prier Dieu pour l'évêque et pour ses autres serviteurs. Mais quant aux autres, croyez-vous qu'on doive les épargner

et qu'il convienne de laisser impunie une si horrible violence? Ce n'est pas l'esprit de vengeance qui nous pousse, et nous ne cherchons à satisfaire aucun ressentiment du passé; mais la charité nous oblige de pourvoir à l'avenir.

Les chrétiens, sans rien perdre de leur douceur, trouvent par où châtier les méchants d'une manière qui leur

est utile et salutaire à eux-mêmes. Car les méchants ont non-seulement la santé et la vie, et de quoi la soutenir; ils ont encore de quoi commettre le mal. Par conséquent, ne touchons ni à leur santé ni à leur vie, et laissons les méchants en état de s'amender: c'est là d'ailleurs tout ce que nous demandons, et nous tâchons d'y contribuer autant qu'il est en nous. Mais quant aux moyens de nuire, si Dieu permet qu'on leur enlève cette puissance malsaine et pernicieuse, il les punira miséricordieusement. Que s'il veut quelque chose de plus, ou s'il ne veut pas cela même, il est le maître; et il y a dans les trésors de sa sagesse et de sa justice des conseils dont nous ne saurions pénétrer la profondeur, mais qui n'en sont pas moins justes. C'est à nous d'agir selon l'étendue de ce que nous avons de vues et de lumières, en le priant qu'il agrée nos intentions, et l'envie que nous aurions de procurer le salut de tout le monde; de telle sorte qu'il ne nous laisse rien faire de ce qui n'irait pas à notre bien et à celui de son Église; car il en juge beaucoup mieux que nous.

Dernièrement, lorsque nous nous trouvions à Calame, où nous étions allés pour consoler et même apaiser nos chrétiens, nous avons fait auprès d'eux tout ce que nous avons crụ que réclamaient les circonstances; et comme ceux d'entre les païens mêmes qui ont été la cause de tout le mal demandèrent à nous voir, nous les reçûmes, et nous crûmes devoir profiter de cette occasion pour les avertir de ce qu'ils ont à faire, s'ils sont sages, non-seulement afin de se tirer de la peine où ils sont, mais d'arriver au salut éternel. Ils reçurent de nous

:

beaucoup de conseils et nous adressèrent beaucoup de demandes mais comment pourrions-nous agréer les prières de ceux qui ne prient point le maître que nous servons? Ainsi vous avez trop bon esprit pour ne pas comprendre que nous ne saurions nous dispenser d'agir de telle sorte, autant que le permettra d'ailleurs la modération chrétienne, que la punition des coupables serve à contenir les autres païens, ou que leur correction nous fournisse un exemple à proposer à tous ceux qui sont engagés dans le malheur de la même superstition.

Quant aux pertes que les chrétiens ont souffertes, ou ils les prennent en patience, ou elles seront réparées par d'autres chrétiens. Nous ne voulons que gagner des âmes; c'est là ce que nous cherchons au prix de notre sang; c'est la moisson que nous voudrions faire abondante à Calame, ou qu'au moins l'exemple de Calame ne nous empêchât pas de faire ailleurs. Plaise à la miséricorde de Dieu de nous accorder la joie de vous voir dans le chemin du salut.

(Saint Augustin. Lettres XC et XCI.)

IV. DES PASSIONS.

Il se trouve dans les vices mêmes une image obscure, ou plutôt une ombre des biens solides, qui trompe les hommes par une fausse apparence de beauté.

Ainsi l'orgueil n'a pour but que la grandeur et l'élévation et vous seul, mon Dieu, êtes souverainement grand et infiniment élevé au-dessus de toutes choses. L'ambition aspire aux honneurs et à la gloire, et vous seul méritez un honneur suprême, et êtes environné de gloire dans l'éternité. La cruauté des tyrans ne tend qu'à se faire craindre; mais qui mérite d'être craint que vous seul, mon Dieu, dont le pouvoir absolu comprend si généralement tous les temps, tous les lieux, et toutes les créatures, que quoi que l'on fasse pour tirer quelque chose de vos mains, il est impossible ni de l'enlever par surprise, ni de le ravir par violence. L'amour infâme se veut rendre agréable par ses caresses; mais il n'y a point de douceur ni de tendresse égale à celle de votre amour; et rien ne mérite d'être aimé avec autant d'ardeur ni ne rend si heureux ceux qui l'aiment, que votre vérité, qui est plus belle, sans comparaison, et plus éclatante que les plus belles choses.

La curiosité veut passer pour la science, parce qu'elle désire tout savoir; mais vous seul, mon Dieu, savez tout, et rien n'est caché à votre lumière. L'ignorance même et l'indiscrétion se couvrent du nom de simplicité et d'innocence, parce que vous êtes le plus simple. de tous les êtres, et que rien n'est pur ni innocent comme vous, toutes vos œuvres rendant un témoignage public que vous êtes ennemi de toute corruption et de tout mal. La paresse semble ne désirer que le repos; et où se rouve le repos assuré et véritable si ce n'est dans le Sei

« PoprzedniaDalej »