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pelle rendre à l'Eglise l'obéissance la plus parfaite dont nous soyons capables, qui est l'obéissance de l'entendement.

Je sais, mes chers auditeurs (ne perdez pas, s'il vous plaît, cette remarque), je sais qu'à parler proprement et exactement, la parole de l'Eglise n'est point la parole de Dieu; mais je dis que c'est à l'Eglise de nous mettre en main ce précieux dépôt de la parole de Dieu; je dis que c'est à l'Eglise de nous déterminer en quel sens il faut entendre cette parole de Dieu, parce qu'il n'est pas juste qu'un particulier s'en fasse l'arbitre, beaucoup moins que des choses aussi importantes et aussi essentielles que celles-là, dépendent, sans distinction, du discernement d'un chacun et de son jugement. N'entrez-vous pas déjà dans ma pensée ? Et parce que nous n'avons que deux sources de la parole de Dieu, ou de la révélation de Dieu; l'une qui est l'Ecriture, et l'autre la tradition, je dis que c'est à l'Eglise de nous garantir premièrement, et puis de nous expliquer l'Ecriture; je dis que c'est à l'Eglise de nous rendre témoignage et de nous assurer de la tradition; je dis qu'elle a pour cela un pouvoir et une autorité qu'elle a reçue du Fils de Dieu, et que ce pouvoir n'a été donné qu'à elle. Or l'Eglise ne peut user de ce pouvoir qu'autant que nous sommes obligés de lui obéir; et puisque ce pouvoir n'a été donné qu'à elle, c'est à elle, et non point à d'autres, que nous devons nous attacher; à elle singulièrement et uniquement que nous devons nous soumettre en tout ce qui regarde l'exercice de ce pouvoir, c'est-à-dire, dans les contestations qui peuvent naître sur les matières de la foi; dans les doutes particuliers que nous formons quelquefois, et dont notre raison est troublée, sur certains points de religion; dans les difficultés qui se présentent, et qui sont même inévitables, ou sur l'obscurité de la tradition, ou sur

l'intelligence de l'Ecriture; de sorte qu'en tout cela l'Eglise soit notre oracle, et que sa décision nous serve de règle, mais de règle absolue et souveraine, parce que c'est elle, selon l'Apôtre, qui est la colonne et le soutien de la vérité: Columna et firmamentum veritatis (1). Voilà ce que je dis, chrétiens, et ce que je prétends, avec saint Jérôme, être le grand principe de sagesse pour tout homme qui veut vivre dans la possession d'une foi tranquille et paisible; disons mieux, d'une foi solide et prudente, puisque c'est ainsi que les premiers hommes du christianisme l'ont toujours entendu et l'ont toujours pratiqué.

De là vient que saint Augustin, qui sans contredit fut l'esprit du monde le plus éclairé, et qui eût pu, avec plus de droit, juger des choses par ses propres lumières, protestoit hautement qu'il n'auroit pas même cru à l'évangile,sil'autorité de l'Eglise ne l'y eût engagé: Evangelio non crederem, nisi me Ecclesiæ commoveret auctoritas (2). Parole qui mille fois a confondu l'orgueil de l'hérésie, et qui de nos jours a servi de puissant motif à la conversion d'une infinité d'ames élues, que Dieu a tirées du schisme et de l'erreur, pour faire paroître en elles les richesses de sa miséricorde et de sa grâce. Non pas, dit le savant Guillaume de Paris, que saint Augustin n'eût pour l'évangile tout le respect et toute la vénération nécessaire; mais parce que cet incomparable docteur étoit convaincu qu'il n'y avoit point d'autre évangile dans l'Eglise de Dieu, que celui dont l'Eglise de Dieu nous répondoit, et dont nous pouvions être sûrs, comme l'ayant reçu par elle. C'est pour cela qu'il ne déféroit à l'évangile, qu'à proportion de sa déférence pour l'Eglise même : Evangelio non crederem, nisi me Ecclesiæ commoveret auctoritas. Et il avoit raison. Car sans ce témoignage de l'Eglise, qui m'a dit (1) 1. Tim. 3.,— (2) August.

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que ce livre

que je reconnois, et que j'appelle l'Evangile, est en effet l'évangile de Jésus-Christ? Qui m'a dit que la version que je lis, et qui, sous le nom de Vulgate, passe aujourd'hui pour authentique, est une version pure et conforme au texte original? Qui m'a dit qu'en mille endroits où le sens en paroît obscur, il doit être entendu d'une façon, et non pas d'une autre? Combien de libertins et de mondains ont abusé de l'évangile, le prenant, tout divin qu'il est, dans des sens erronés et extravagans? combien d'hérésiarques et de novateurs l'ont corrompu, jusqu'à s'en faire euxmêmes un sujet de ruine, après en avoir fait aux autres un sujet de division et de scandale? combien d'imposteurs et de fourbes, dès la naissance même du christianisme, ont débité de faux évangiles, qu'ils ont supposés pour vrais; et combien de versions du vrai, non-seulement infidèles, mais empoisonnées, le siècle de Luther et de Calvin a-t-il répandues dans le monde? N'est-ce pas l'évangile mal interprété, mal expliqué, mal traduit, qui a engendré toutes les sectes? s'est-il jamais élevé une hérésie qui n'ait prétendu avoir l'évangile pour soi? Moi donc qui n'ai été contemporain, ni de Jésus-Christ, ni des évangélistes, et à qui cet hommeDieu n'a pas immédiatement parlé, en sorte que j'en puisse juger par ce que j'ai ouï, ou par ce que j'ai vu, comment me conduirai-je? M'en rapporterai-je à mes lumières, à mes conjectures? j'aurai donc plus de présomption que saint Augustin, qui n'a pas voulu s'en rapporter aux siennes. En consulterai-je un plus habile et plus intelligent que moi? il faudra donc qu'il le soit plus que saint Augustin même, et c'est ce que je ne trouverai pas. M'en tiendrai-je à l'incertitude? il n'y aura donc plus pour moi d'évangile, puisqu'en fait d'évangile même, je n'aurai plus rien d'assuré sur quoi je puisse faire fonds. Le seul parti qui me reste, mais qui

seul me met à couvert de tous ces inconvéniens, c'est que je m'adresse à l'Eglise, à qui ce trésor de l'évangile fut confié par Jésus-Christ, et pour laquelle le Fils unique de Dieu a demandé que la foi ne manquât jamais; que j'aie, dis-je, recours à elle, et qu'à l'exemple de saint Augustin, je l'écoute, parce qu'elle est spécialement inspirée du Saint-Esprit, et qu'elle a un don d'infaillibilité que Dieu lui a promis, et qu'il n'a promis à nul autre: or cette nécessité où je suis réduit de recourir à l'Eglise et de l'écouter, est la preuve invincible de l'obéissance et de la soumission d'esprit que je lui dois; et c'est ce que saint Augustin m'a fait comprendre par cette maxime Evangelio non crederem,

nisi me Ecclesiæ commoveret auctoritas.

Maxime de saint Augustin, sans laquelle on ne peut conserver dans l'Eglise de Dieu, ni la paix, ni l'ordre, ni l'unité de la doctrine, ni l'humilité de l'esprit. La paix, puisque sans cela les contestations y seroient éternelles je dis les contestations sur l'Ecriture et sur le sens de l'Ecriture; l'Ecriture toute seule ne les finissant pas, au contraire, en étant elle-même le sujet ; et n'y ayant plus d'ailleurs d'autorité à laquelle on fût obligé de se soumettre, plus de tribunal dont on n'appelât, plus de jugement qu'on ne fût en droit de rejeter, plus de résolution à laquelle on dût s'arrêter. L'unité de la doctrine, puisque l'Ecriture, expliquée non plus par l'Eglise, mais selon l'esprit intérieur et particulier d'un chacun, pourroit produire autant de sectes et autant de religions qu'il y auroit d'hommes dans le monde : car vous savez, mes frères, si ce que je dis n'est pas ce que l'expérience nous apprend; et vous n'avez qu'à voir l'état où en est aujourd'huile christianisme, par la multiplicité des sociétés qui le partagent, ou, pour mieux dire, qui le déchirent et qui le défigurent, pour juger si l'Ecriture, expliquée selon cet esprit particulier,

pour

est un moyen propre à conserver l'unité de la foi ; et si, maintenir cette unité, ou pour la rétablir, il n'en faut pas enfin revenir à l'Ecriture expliquée par l'Eglise. L'humilité de l'esprit, puisqu'il n'y auroit point de chrétien, quelque simple et quelque ignorant qu'il fût, qui n'eût droit de croire que l'Ecriture, expliquée par lui, seroit une règle plus infaillible que l'Ecriture expliquée par l'Eglise, et qu'il pourroit seul mieux entendre l'Ecriture que ne l'entend toute l'Eglise : proposition qui vous surprend et qui vous fait peut-être horreur; mais que les protestans les plus habiles ont soutenue et soutiennent encore conséquemment à leurs principes. L'ordre, puisqu'il n'y auroit plus dans le monde chrétien ni subordination, ni dépendance; que le dépôt de la science de l'Ecriture n'appartiendroit plus aux pasteurs; que ce ne seroit plus de leur bouche, comme disoit le Seigneur, qu'il faudroit recevoir la connoissance de la loi; et que chacun, sans caractère, sans titre, sans distinction, s'en faisant le juge, l'Eglise de Dieu ne seroit plus qu'une Babylone.

Maxime de saint Augustin si nécessaire, que l'Eglise protestante elle-même en a enfin reconnu la nécessité; et par une Providence singulière, oubliant ou abandonnant ses propres principes, elle s'est vue obligée et comme forcée de pratiquer ce qu'elle avoit condamné. Car qu'ont fait les ministres et les pasteurs de l'Eglise protestante, quand il s'est élevé parmi eux des contestations dangereuses et des divisions sur le sujet de la parole de Dieu? Ont-ils permis à toute personne de s'en tenir à la parole de Dieu, expliquée indépendamment de leur Eglise ; et n'ont-ils pas exigé de leurs disciples, que renonçant à tout esprit particulier, ils reçussent cette parole de Dieu expliquée dans le sens et de la manière que leur Eglise leur proposoit? Persuadés que, pour maintenir leur Eglise, il falloit un jugement définitif, ne se

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