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» arrhe bien évidente de sa force, n'en donna depuis la preuve ». Cette observation est souvent vraie; mais elle est comme toutes les règles générales sujette à plusieurs exceptions, dont La Fontaine n'est pas, sans doute, une des moins remarquables. A l'âge de vingt-deux ans il était encore ignoré dans la république des lettres, et l'on était même bien éloigné de prévoir qu'il dût un jour en faire un des principaux ornemens, lorsqu'une harmonie (1), dont le charme lui était inconnu, vint frapper son

Certain enfant qui sentait son collége,
Doublement sot et doublement fripon
Par le jeune âge et par le privilége

Qu'ont les pédans de gâter la raison, etc.

«

Liv. IX, fab. 5. Voy. aussi liv. XII, fab. 15.

(1) Un officier qui était à Château-Thierry en quar» tier d'hiver, lut devant lui, par occasion et avec emphase, cette ode de Malherbe :

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Que direz-vous, races futures? etc.

» Il écouta cette ode avec des transports méchaniques » de joie, d'admiration et d'étonnement, etc. » Hist. de l'acad. franç. par l'abbé d'Olivet.

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Observons ici qu'aucune des circonstances de cet événement si imprévu ne fut inutile, pas même l'emphase du lecteur, qui aurait dû détruire l'effet de cette ode sur une oreille plus exercée, et qui en rendit l'impression plus forte sur celle de La Fontaine.

oreille étonnée, et lui apprendre qu'il était né poëte. Ces sortes de hasards ne sont que pour les hommes de génie, ils n'agissent point sur les esprits vulgaires : c'est l'étincelle qui embrâse la poudre, et qui s'éteint sur la pierre ou dans l'eau.

Ses premiers essais dans un art où il devait bientôt surpasser ses modèles, furent autant d'imitations fidèles des beautés, des défauts même, de celui qu'il avait pris pour maître, et sur les traces duquel il fut près de s'égarer ( 1 ).

Il lut ensuite nos vieux poëtes français pour se familiariser avec leur langue et s'en approprier les tours les plus heureux. Marot le charma par la naïveté de son stylę (2); et ce mérite réel, joint à quelques bonnes épigrammes que celles de Rousseau n'ont pas fait négliger, a

(1) C'est lui-même qui nous l'apprend dans son épître à M. Huet, en lui envoyant un Quintilien de Toscanella.

Je pris certain auteur autrefois pour mon maître ;
Il pensa me gâter : à la fin, grace aux dieux,
Horace, par bonheur, me dessilla les yeux, etc.

(2) Boileau dit que, pour trouver l'air naïf en français, on a encore quelquefois recours au style de Marot et de Saint-Gelais; « et c'est, ajoute-t-il, ce qui a si » bien réussi au célèbre M. de La Fontaine ». Réflexion VII sur Longin.

préservé jusqu'à présent ses ouvrages de l'oubli auquel les changemens arrivés depuis dans la langue française et dans les principes du goût, par les progrès des lumières, semblaient devoir le condamner. La Fontaine s'est plu souvent à l'imiter, et l'on voit par ses fables combien il doit à cet auteur dont il ne dédaigne pas même de s'avouer le disciple (1).

Mais de tous ceux qui ont ranimé en France l'amour des lettres, et entretenu par leurs travaux cette espèce de feu sacré, à la conservation duquel la gloire et la prospérité des empires sont nécessairement liées, Rabelais était celui qu'il préférait. Cet écrivain ingénieux, que Boileau appelait la raison habillée en masque, faisait ses délices on dit même qu'il l'admirait follement. Quoi qu'il en soit, il est aisé

(1) Voyez parmi ses œuvres posthumes, une lettre écrite à Saint-Évremont, où il lui dit :

J'ai profité dans Voiture:
Et Marot, par sa lecture,
M'a fort aidé, j'en conviens.
Je ne sais qui fut son maitre ;
Que ce soit qui ce peut être,
Vous êtes tous trois les miens.

J'oubliais maître François dont je me dis encore le disciple, aussi bien que celui de maître Vincent, et

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celui de maître Clément ».

de voir qu'un homme du caractère de La Fontaine devait se plaire beaucoup à la lecture d'un ouvrage où l'on trouve des connaissances très-variées, une érudition vaste, un style original, des principes de politique et de morale très-sensés, quelquefois même très-sévères, une critique fine, vive et enjouée des ridicules et des vices du temps, une infinité de contes d'anecdotes et de plaisanteries de très bon goût et du meilleur ton, qu'on aime toujours à se rappeler, et qu'on n'entend jamais citer sans plaisir.

Ces auteurs, auxquels il faut joindre encore Bocace, l'Arioste, et l'Astrée de M. d'Urfé, l'occupaient alors tout entier mais un de ses parens (1), assez instruit, lui donna le sage conseil de ne pas se borner aux écrivains de sa nation, et de lire, de méditer sans cesse Lucrèce, Virgile, Horace et Térence, qui, au jugement de Montaigne, tiennent de bien loing le premier rang en la poésie, et dont le nom sert encore d'éloge à ceux qui se distinguent dans quelques-uns des genres où ils ont excellé. La Fontaine profita de cette utile leçon, et

(1) Il se nommait Pintrel : on a de lui une traduction des épîtres de Sénèque, imprimée après sa mort par les soins de La Fontaine. Voy. l'hist. de l'acad. franç.

bientôt il sut par cœur les plus beaux endroits de leurs ouvrages.

Ce qu'on apprend de latin dans les écoles publiques, se réduit à-peu-près à l'intelligence méchanique et matérielle d'un nombre plus ou moins considérable de mots, à la connaissance de certains tours ou de certaines chutes de phrases particulières à tel ou tel auteur: mais le sentiment vif et exquis du rhythme et de l'énergie de cette langue; de l'effet du son et de l'arrangement des mots; de leur propriété ; de leurs nuances souvent si fines, si fugitives, qu'il ne faut pas moins de goût que d'attention pour voir que ce sont les expressions d'autant d'idées différentes ; de cette harmonie imitative si variée dans, le grec; et qui, de même que les accens, la prosodie et l'espèce de résonnance de la plupart des mots de ces langues, leur donne tant d'avantages sur celles des modernes ; de cet art qu'ont eu les anciens de dire simplement des choses grandes, d'être sublimes sans enflure, naturels sans être bas, toujours vrais sans être minutieux, et d'exciter dans l'ame les idées et les sensations les plus extrêmes et les plus contrastantes : tous ces résultats si importans de l'étude des langues grecque et latine, sont perdus pour les disciples, et souvent même pour les maîtres. L'é

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