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plus sur la terre, il en conclut en effet qu'alors il n'existera pas. S'il étoit conséquent, il en concluroit également qu'il n'existe pas maintenant; car il ne trouve certainement ni en lui, ni autour de lui, de raison actuelle de son existence.

Nons sommes convaincus de notre existence, par une puissance bien supérieure à notre esprit, qui est le sentiment. Nous allons porter cet instinct naturel dans les recherches de l'existence de la Divinité, et de l'immortalité de l'ame, sur lesquels notre raison versatile s'est si souvent exercée pour et contre. Quoique notre insuffisance soit trop grande pour nous porter bien loin dans cette carrière infinie, nous espérons que nos apperçus et nos erreurs même donneront aux hommes de génie le courage d'y entrer. Ces vérités sublimes et éternelles nous semblent tellement empreintes dans le cœur humain, qu'elles nous paroissent être les principes mêmes de notre sentiment, et se manifester dans nos affections les plus communes comme dans nos passions les plus déréglées.

DU SENTIMENT DE L'INNOCENCE.

Le sentiment de l'innocence nous élève vers la Divinité, et nous porte à la vertu. Les Grecs et les Romains faisoient chanter les enfans dans leurs fêtes religieuses, et les chargeoient de présenter les of frandes aux autels, afin de rendre, par le spectacle de leur innocence, les dieux favorables à la patrie. La vue de l'enfance rappelle l'homme aux sentimens de la nature. Lorsque Caton d'Utique eut pris la résolution de se tuer, ses amis et ses serviteurs lui retirèrent son épée; et, comme il la leur redemanda en se mettant dans une violente colère, ils en\ voyèrent un enfant la lui porter; mais la corruption de ses contemporains avoit étouffé dans son cœur le sentiment que devoit y faire naître l'innocence.

Jésus-Christ veut que nous devenions semblables aux enfans: on les appelle innocens, non nocentes, parce qu'ils n'ont jamais nui. Cependant, malgré les droits de leur âge et l'autorité de notre religion, à quelle éducation barbare ne sont-ils pas abandonnés?

De la Pitié.

C'est le sentiment de l'innocence qui est le premier mobile de la pitié ; voilà pourquoi nous sommes plus touchés des malheurs d'un enfant que de ceux d'un vieillard. Ce n'est pas, comme l'ont dit quelques philosophes, parce que l'enfant a moins de ressources et d'espérances; car il en a plus que le vieillard, qui est souvent infirme et qui s'avance vers la mort, tandis que l'enfant entre dans la vie mais l'enfant n'a jamais offensé; il est innocent. Ce sentiment s'étend aux animaux mêmes, qui nous touchent souvent plus de pitié que les hommes, par cela seul qu'ils ne sont pas nuisibles. C'est ce qui a fait dire au bon La Fontaine, en parlant du déluge, dans la fable de Philémon et de Baucis :

Tout disparut sur l'heure. Les vieillards déploroient ces sévères destins : Les animaux périr? car encor les humains, Tous avoient dû tomber sous les célestes armes. Baucis en répandit en secret quelques larmes. Ainsi le sentiment de l'innocence développe dans le cœur de l'homme un

caractère divin qui est celui de la générosité. Il ne porte point sur le malheur en lui même, mais sur une qualité morale qu'il démêle dans l'infortuné qui en est l'objet. Il s'accroît par la vue de l'innocence, et quelquefois encore plus par celle du repentir. L'homme seul, des animaux, en est susceptible : et ce n'est point par un retour secret sur luimême, comme l'ont prétendu quelques ennemis du genre humain : car, si cela étoit, en comparant un enfant et un vieillard qui sont malheureux, nous devrions être plus touchés des maux du vieillard, attendu que nous nous éloignons des maux de l'enfance, et que nous nous approchons de ceux de la vieillesse : cependant, le contraire arrive par l'effet du sentiment moral que j'ai allégué.

Lorsqu'un vieillard est vertueux, le sen timent moral de ses malheurs redouble en nous; ce qui prouve évidemment que la pitié de l'homme n'est pas une affection animale. Ainsi, la vue d'un Bélisaire est très-attendrissante. Si on y réunit celle d'un enfant qui tend sa petite

main afin de recevoir quelques secours pour cet illustre aveugle, l'impression de la pitié est encore plus forte. Mais voici un cas sentimental. Je suppose que vous eussiez rencontré Bélisaire vous demandant l'aumône d'un côté, et de l'autre un enfant orphelin, aveugle et misérable, et que vous n'eussiez eu qu'un écu, sans pouvoir le partager; auquel des deux l'eussiez-vous donné?

Si vous trouvez que les grands services rendus par Bélisaire à sa patrie ingrate, rendent la balance du sentiment trop inégale, supposez à l'enfant les maux de Bélisaire, et même quelques-unes de ses vertus, comme d'avoir eu les yeux crevés par ses parens, et de demander encore l'aumône pour eux (1); il n'y

(1) Un curé de village des environs de Paris, prés de Dravet, a éprouvé, dans son enfance, une cruauté non moins grande, de la part de ses parens. Il fut châtré par son père qui étoit chirurgien ; et il l'a nourri dans sa vieillesse, malgré sa barbarie. Je crois que l'un et l'autre sont encore vivans..

Son père le destinoit à en faire un musicien pour la chapelle du Roi, à l'instar de ceux qui viennent de l'Italie où règne la coutume abominable de châtrer des enfans pour en faire des musiciens.

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