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«que, que m'a donnée la reine Didon.» Il promet à ces deux jeunes gens que l'amitié rendoit si unis, des présens doubles: deux amphores, deux trépieds pour les poser à la manière des anciens, deux talens d'or pour les remplir de vin, mais une seule coupe pour le boire ensemble. Eucore quelle coupe ! il n'en vante ni la matière, ni le travail, comme dans les autres présens; il y attache des qualités morales bien plus précieuses pour des amis. Elle est antique; elle n'a point été le prix de la violence, mais elle est un présent de l'amour. Sans doute Iule l'avoit reçue de Didon, lorsqu'elle crut avoir épousé Enée.

Dans toutes les scènes de passions où l'on veut produire de grandes émotions, plus l'objet principal est circonscrit, plus le sentiment intellectuel qui en résulte est étendu. Il y en a plusieurs raisons, dont la plus importante est que les contrastes accessoires, comme ceux de la petitesse à la grandeur, de la foiblesse à la force, du fini à l'infini, concourent

à

augmenter le contraste du sujet, Quand

le Poussin a voulu faire un tableau du déluge universel, il n'y a représenté qu'une famille. On y voit un vieillard à cheval qui se noie; et dans un bateau, un homme, qui est peut-être son fils, présente à sa femme, grimpée sur un rocher; un petit enfant vêtu d'une cotte rouge, qui, de son côté, cherche à s'aider de ses petits pieds pour parvenir sur la roche. Le fond du paysage est affreux par sa noire mélancolie. Les herbes et les arbres y sont trempés d'eau, la terre même en est pénétrée, comme on le voit par ce long serpent qui s'empresse de quitter son souterrain. Les torrens coulent de tous côtés; le soleil paroît dans le ciel, comme un œil crevé. Mais les plus grands intérêts y portent sur le plus foible objet : un père et une mère près de périr, ne s'occupent que du salut de leur enfant. Tous les sentimens sont éteints sur la terre, et l'amour maternel vit encore. Le genre humain est détruit à cause de ses crimes, et l'innocence va être enveloppée dans sa punition. Ces eaux débordées, ces terres

noyées, cette noire atmosphère, ce soleil éteint, ces solitudes désolées, cette famille fugitive, tous les effets de cette ruine universelle du monde, se réunissent sur un enfant. Cependant il n'y a personne qui, en voyant le petit groupe de personnages qui l'environne, ne s'écrie: «< Voilà le déluge universel. » Telle est la nature de notre ame; loin d'être les convematérielle, elle ne saisit que nances. Moins vous lui montrez d'objets physiques, plus vous lui faites naître de sentimens intellectuels.

De l'Ouïe.

Platon appelle l'ouïe et la vue, les sens de l'ame. Je crois qu'il les qualifie particulièrement de ce nom, parce que la vue est affectée de la lumière, qui n'est point une matière à proprement parler, et l'ouïe, des modulations de l'air, qui ne sont point en elles-mêmes des corps. D'ailleurs, ces deux sens ne nous apportent que le sentiment des convenances et des harmonies, sans nous mêler avec la matière, comme l'odorat

qui n'est affecté que des émanations des corps, le goût de leur fluidité, et le toucher de leur solidité, de leur mollesse, de leur chaleur et de leurs autres qualités physiques. Quoique l'ouïe et la vue soient les sens directs de l'ame, il n'en faut pas conclure cependant qu'un homme né sourd et aveugle seroit imbécille, comme on l'a prétendu. L'ame voit et entend par tous les sens. C'est ce que prouvent les Princes aveugles de Perse, dont les doigts ont tant d'intelligence, au rapport de Chardin, qu'ils tracent et calculent toutes les figures de la géométrie sur des tablettes. Tels sont encore les sourds et muets, auxquels M. l'abbé de l'Epée apprend à con

verser.

Je n'ai pas besoin de m'étendre sur les rapports intellectuels de l'ouïe. Ce sens est l'organe immédiat de l'intelligence; c'est lui qui reçoit la parole qui n'appartient qu'à l'homme, et qui est, par ses modulations infinies, l'expression de toutes les convenances de la nature et de tous les sentimens du cœur

humain. Mais il y a un autre langage qui paroît appartenir encore plus parti culièrement à ce premier principe de nous-mêmes, que nous avons appelé le sentiment: c'est la musique. Je ne m'étendrai pas sur le pouvoir incompréhen, sible qu'elle a de calmer et d'exciter les passions d'une manière indépendante de la raison, et de faire naître des affections sublimes, dégagées de toute perception intellectuelle; ses effets sont assez connus. J'observerai seulement qu'elle est si naturelle à l'homme, que les premières prières adressées à la Divinité, et les premières lois chez tous les peuples ont été mises en chant. L'homme n'en perd le goût que dans les sociétés policées, dont les langues mêmes perdent à la longue leurs accens. C'est qu'une multitude de relations sociales y détruisent les convenances naturelles. On y raisonne beaucoup, et on n'y sent presque plus.

L'Auteur de la nature a jugé l'harmonie des sons si nécessaire à l'homme, qu'il n'y a point de site sur la terre qui n'ait son oiseau chantant. Le serin des

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