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pour vivre heureux et vertueux sur la

terre.

Je le répète, la cause de nos maux vient de notre éducation pleine de vanité, et du malheur du peuple, qui donne une grande influence à toutes les opinions nouvelles, parce qu'il attend toujours de la nouveauté, quelque soulagement à l'ancienneté de ses maux. Mais lorsqu'il s'aperçoit que ces opinions deviennent tyranniques à leur tour, il les abandonne aussitôt; et voilà l'origine de son inconstance. Lorsqu'il trouvera facilement et abondamment à vivre, il ne sera point sujet à ces vicissitudes, comme nous l'avons vu par l'exemple des Hollandois, qui vendent et impriment les disputes théologiques, politiques et littéraires de toute l'Europe, sans qu'elles influent en rien sur leurs opinions civiles et religieuses; et lorsque l'éducation publique sera réformée, il jouira de l'heureuse et constante tranquillité des peuples de l'Asie.

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En attendant que nous hasardions quelque idée à ce sujet, nous allons proposer

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encore quelques moyens de réunion. Je serai suffisamment payé de mes recherches, s'il s'en trouve une seule qui soit adoptée.

DE PARIS.

Nous avons déja observé que peu de François aiment le lieu de leur naissance. La plupart de ceux qui font fortune dans les pays étrangers, viennent demeurer à Paris. Au fond, ce n'est pas un mal pour l'état. Moins ils sont attachés à leur pays, plus il est aisé de les fixer à Paris. Il faut dans un grand peuple un seul point de réunion. Tous les peuples fameux par leur patriotisme, en ont fixé le centre à leur capitale, et sou vent à quelque monument de cette même capitale; les Juifs, à Jérusalem et à son Temple; les Romains, à Rome et au Capitole; les Lacédémoniens, à Sparte et à ses concitoyens.

J'aime Paris; après la campagne, et une campagne à ma guise, je préfère Paris à tout ce que j'ai vu dans le monde. J'aime cette ville, non-seulement par son

heureuse situation, parce que toutes les commodités de la vie y sont rassemblées, parce qu'elle est le centre de toutes les puissances du royaume, et par les autres raisons qui la faisoient chérir de Michel Montaigne; mais parce qu'elle est l'asyle et le refuge des malheureux. C'est là que les ambitions, les préjugés, les haines et les tyrannies des provinces, viennent se perdre et s'anéantir. Là, il est permis de vivre obscur et libre. Là, il est permis d'être pauvre, sans être méprisé. L'homme affligé y est distrait par la gaieté publique, et le foible s'y sent fortifié des forces de la multitude. Il a été un temps où, sur la foi de nos écrivains politiques, je trouvois cette ville trop grande. Mais il s'en faut beaucoup que je la trouve assez étendue et assez majestueuse pour être la capitale d'un aussi florissant royaume. Je voudrois que, nos ports de mer exceptés, il n'y eût pas d'autre ville en France; que nos provinces né fussent couvertes que de hameaux et de villages à petite culture; et que comme il n'y a qu'un centre dans le royaume, il n'y eût aussi qu'une ca

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pitale. Plût à Dieu qu'elle le fût de l'Euentière et de toute la terre; et que, comme des hommes de toutes les nations y apportent leur industrie, leurs passions, leurs besoins et leurs malheurs, elle leur rendît en fortune, en jouissances, en vertus et en consolations sublimes, la récompense de l'asyle qu'ils y viennent chercher!

Certes notre esprit, éclairé aujourd'hui de tant de lumières, n'a point autant de grandeur que celui de nos ancêtres. Au milieu de leurs mœurs simples et gothiques, ils pensoient, je crois, à en faire la capitale de l'Europe. Voyez les traces de ce projet, aux noms que portent la plupart de leurs établissemens : collége des Ecossois, des Irlandois, des quatre Nations; et aux noms étrangers des compagnies de la Gendarmerie. Voyez ce grand monument de Notre-Dame, bâti il y a plus de six, cents ans, dans un temps où Paris n'avoit pas la quatrième partie des habitans qui y sont aujourd'hui; il est plus vaste et plus majestueux que tous ceux de ce genre, qu'on y a

élevés

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élevés dépuis. Je voudrois que cet esprit de Philippe Auguste, prince trop peu connu dans notre siècle frivole, présidât encore à ses établissemens, et en étendît l'usage à toutes les nations. Ce n'est pas que les hommes de tous les pays n'y soient bienvenus, pour leur argent; nos ennemis mêmes peuvent y vivre tranquillement au milieu de la guerre, pouvu qu'ils soient riches; mais avant tout, je la voudrois rendre bonne et heureuse à ses propres enfans. Je ne sache pas qu'il serve en rien à un François d'être né dans ses murs, si ce n'est, quand il est pauvre, de pouvoir mourir dans quelqu'un de ses hôpitaux. Rome donnoit bien d'autres priviléges à ses citoyens; le plus malheureux d'entre eux y jouissoit de plus de droits et d'honneurs, que les rois mêmes alliés de la république.

Ce sont les plaisirs qui attirent la plupart des étrangers à Paris; et ces vains 'plaisirs, si nous en examinons la source, viennent de la misère du peuple, et du bon marché auquel s'y donnent les filles Tome III.

N

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