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servir pour obtenir par là et faire obtenir à ses coreligionnaires une sorte de brevet de catholicité, en surprenant, sinon la bonne foi, au moins les lumières des théologiens consultés. Et maintenant qu'en conclurons nous? que le Systema theologicum, composé dans un but de conciliation pour servir aux négociations entamées, trop vanté par les uns, trop blâmé par les autres, ne méritait

Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

C'est un document peu sûr pour nous faire connaître l'âme de Leibniz, précieux à consulter au contraire pour bien connaître l'histoire de ces délicates négociations. Son authenticité n'est pas douteuse. Mais sa diplomatie ne l'est pas non plus, et il a enfin précisément le même degré d'autorité que son frère puîné, le Judicium doctoris catholici, composé dix ans plus tard. Tous deux appartiennent à la même famille d'écrits iréniques que nous avons retrouvés à Hanovre. Leibniz, dans les deux cas, n'a fait que continuer ce rôle de rapporteur impartial et d'expositeur presque indifférent qu'il indiquait à Jean-Frédéric, dès l'année 1678, comme le procédé par excellence et l'accomplissement de la méthode.

Il semble que notre galerie de portraits se soit enrichie de quelques types précieux dans ce second volume, et que plusieurs de nos personnages, à peine esquissés dans le premier, y paraissent sous un jour meilleur et avec des traits plus achevés. Les Princesses y sont au premier rang, car rien ne se faisait

Les

Princesses.

sans elles, et l'aride théologie n'avait plus d'obscurités à la cour de Hanovre, depuis que Leibniz était devenu leur maître; et, pour commencer par celle que l'âge et la noblesse mettait au premier rang, on y verra cette respectable duchesse douairière de Hanovre, la veuve de Jean-Frédéric, la belle-sœur d'ErHenriette nest-Auguste, Henriette-Bénédicte enfin. La du

Bénédicte. chesse ressentait pour Leibniz l'estime que le feu

duc Jean-Frédéric avait toujours eue pour lui. Le mariage de sa fille Amalia de Brunswick avec le roi des Romains, alliance heureuse dont l'éclat rejaillissait sur toute la maison de Brunswick et qui fut un texte inépuisable pour madame de Brinon, fut l'occasion d'un douzain en vers qui finissait ainsi :

Unaque (1) divulsam jungit si filia gentem,
Altera (2) Romano culmine digna venit.

La duchesse douairière de Hanovre, qu'il ne faut pas confondre avec la duchesse Sophie, sa belle-sœur, pouvait beaucoup pour la réunion par le respect qu'elle inspirait à Hanovre et à Maubuisson, à Leibniz et à Bossuet. Madame de Brinon tournait les yeux vers elle dans les conjonctures difficiles. Or on se trouvait vers 1694, à la veille d'un nouveau refroidissement, presque d'une rupture. Le 30 mai, Leibniz lui avait écrit pour lui exposer sommairement l'état assez triste de la négociation; le 2 juillet, il répond

(1) Charlotte-Félicité, duchesse de Modène, fille de Bénédicte.

(2) Wilhelmine-Amalia, autre fille de Bénédicte, mariée à Joseph, roi des Romains.

aux doutes qu'elle lui avait exprimés au sujet du concile de Trente, qui ne serait pas reçu en France. Il paraît que cette lettre avait beaucoup voyagé, et qu'elle se trouvait alors entre les mains de la duchesse d'Orléans, mère du régent et belle-sœur de Louis XIV, dont la vie se passait à correspondre avec l'Allemagne, et que Bénédicte avait mise en rapport avec le philosophe de Hanovre.

landine.

Louise-Hollandine, dont les lettres sont plus rares Louise-Holet d'un grand prix, ne figure dans notre recueil que pour trois lettres écrites à Leibniz et à la duchesse Sophie, sa sœur. Mais Herren-Hausen a gardé trois portraits d'elle. Dans l'un, ses cheveux abondants se dérobent sous un chapeau mousquetaire. Dans un autre, peint par Hannemann, elle cueille des roses. Son costume est noble et simple: elle porte la robe carmélite, quelques rangs de perles autour du cou et pour retenir ses manches bouffantes. Elle a les yeux noirs, les sourcils marqués; des touffes de boucles s'échappent de toutes parts. On voit qu'il y avait en elle de l'héroïne. Telle elle dut apparaître aux yeux charmés des amis de la reine de Bohême dans ce cercle choisi de la Haye qu'elle quittera bientôt. Ses lettres sont datées de Maubuisson. Elle ne cueille plus de roses, elle ne porte plus de chapeaux mousquetaires, mais le voile blanc, la robe de laine et « la croix de bois pendue à un long ruban bleu ». Mais, si l'on n'y retrouve pas la brillante jeune fille dont la fuite un peu romanesque avait été l'objet de tant de commentaires, elles sentent la vieillesse sans rides et sans

aigreur d'une femme amie des arts, qui avait fait de Maubuisson, sa riche abbaye, un lieu de délices presque mondaines, où la piété n'avait rien de trop austère, et dont l'ascétisme, vanté par madame de Brinon et rappelé par Bossuet dans l'oraison funèbre de la Palatine (1), ne dépassait pas les murs du cloître. Affligée par la maladie, ne marchant plus sans l'aide du prochain, Louise-Hollandine s'y représente à sa fenêtre, d'où elle voit arriver de loin ceux qui venaient lui faire des compliments « avec sa chatte et les chiens du clos qui ont beaucoup d'esprit », pas assez toutefois pour lui faire croire avec Leibniz à leur âme immortelle (2). Elle ne peignait plus, mais elle était encore artiste : j'en juge ainsi par un charmant portrait où elle critiquait les femmes de son temps avec moins d'aigreur que Boileau, mais avec plus d'art peut-être. « Vous me faites, écrit-elle à lat duchesse Sophie, à propos de sa petite-fille, une description de son beau teint et de toute sa figure, qui fait plaisir à imaginer, et vous avez bien raison de dire que, si je peignois encore, je tascherois de me la représenter assez vivement pour la peindre. En ce pays-cy, depuis que les femmes prennent du tabac et boivent des liqueurs fortes et le vin assez pur, elles sont fort laides. Madame de Nemours, qui avoit gardé les anciennes mœurs, disoit : « Autres fois on estoit heureuse quand son cocher n'estoit point ivrogne à l'heure qu'il est, on est trop heureuse quand

(1) Voir les lettres d'Anne de Gonzague, à l'Appendice, t. I, p. 484. (2) Voir les lettres de Louise-Hollandine, à l'Appendice, p. 561.

on a une belle-fille qui ne l'est pas (1). » Curieuse et piquante révélation sur les mœurs d'un siècle à son déclin, et sur la Régence qui approche.

Sophie.

Mais le principal rôle est à la duchesse Sophie, la La duchesse femme du duc Ernest-Auguste, et la plus spirituelle comme la plus belle des trois filles de cet infortuné roi de Bohême à qui ses malheurs et sa couronne perdue ont fait donner le surnom de Winterkonig (roi d'un seul hiver). La duchesse était une femme de tête et de cœur, d'une fermeté d'esprit admirable et d'une sensibilité vraie. Exclue des affaires par la supériorité de son mari et la jalousie ombrageuse de son fils, elle exerçait une sorte d'ascendant dans le cercle intime dont elle était la reine. Leibniz était l'âme de ses entretiens d'Herren-Hausen. La duchesse était mise au courant de la négociation par Leibniz et madame de Brinon; elle recevait communication de toutes les lettres de Bossuet par l'abbesse de Maubuisson, sa sœur, de toutes les réponses de Leibniz par ce philosophe même. Madame de Brinon n'avait jamais complétement perdu l'espoir de la convertir; la duchesse avait laissé de si bons souvenirs à Maubuisson qu'elle les lui rappelle sans cesse. En 1697, elle lui écrit lettre sur lettre. La duchesse, dont l'humeur railleuse se contenait difficilement, répondit à ses avances en plaisantant avec une liberté d'esprit et de langage qui tranchait singulièrement avec la prose ascétique de madame de Brinon. « Elle est modeste,

(1) Lettre de Louise-Hollandine, à l'Appendice, p. 560.

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