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putant contre les infidèles : Ou vous croyez les miracles sur quoi nous appuyons la vérité de la religion chrétienne, ou vous ne les croyez pas si vous les croyez, c'est en vain que vous nous en demandez de nouveaux, puisque Dieu s'est assez expliqué par ceux qu'il a opérés d'abord dans l'établissement du christianisme si vous ne les croyez pas, du moins faut-il que vous en reconnoissiez un, bien authentique et plus fort que tous les autres, savoir, que, sans miracles, le monde ait été converti à la foi de Jésus-Christ: Si Christi miraculis non creditis, saltem huic miraculo credendum est, mundum sine miraculis fuisse conversum (AUGUST.) En effet, qu'y a-t-il de plus miraculeux qu'une telle conversion? Mais permettez-moi, mes chers auditeurs, d'ajouter ma pensée à celle de ces grands hommes: car je dis que les miracles de l'Église naissante n'ont point cessé; je prétends qu'ils subsistent encore, et que Dieu les a continués jusque dans ces derniers siècles; et je puis toujours m'écrier, avec le prophète, que le bras tout puissant du Seigneur n'est point raccourci : Ecce non est abbreviata manus Domini. Pour vous en faire convenir avec moi, je vous demande quel est, de tous les miracles qui se sont faits dans l'établissement de l'Église, le plus merveilleux et le plus grand? n'est-ce pas, comme dit saint Ambroise, l'établissement de l'Église même? Rappelez dans votre esprit de quelle manière la loi chrétienne s'est répandue dans le monde; la sublimité de ses mystères incompréhensibles, et même opposés, en apparence, à la raison humaine; la sévérité de sa morale, contraire à toutes les inclinations de l'homme et à ses sens; les violents assauts et les combats qu'elle a eu à essuyer; la foiblesse des apôtres dont Dieu s'est servi pour la prêcher, et toutefois les succès étonnants de leur prédication dans les royaumes, dans les empires, dans tous les états. Il n'y a point d'esprit droit et équitable qui, pesant bien tout cela, n'y découvre un miracle visible, et qui n'avoue, avec Pic de la Mirande, que c'est une extrême folie de ne pas croire à l'Évangile : Maxima insaniæ est Evangelio non credere (PIC. MIR.) Or je soutiens que saint François-Xavier a renouvelé ce miracle, et je soutiens qu'il l'a renouvelé par les mêmes moyens que les apôtres de Jésus-Christ y ont employés: en deux mots, Xavier, pour la propagation de la foi, a fait des choses infiniment. au-dessus de toutes les forces humaines; c'est la première partie : Xavier, comme les apôtres, a fait ces prodiges de zèle par des moyens qui ne tiennent rien de la prudence et de la sagesse humaine; c'est la seconde partie. Un monde converti par François-Xavier, voilà le succès de l'Évangile : Xavier travaillant à convertir tout un monde par les abaissements et les souffrances, voilà la conduite de l'Évangile : le succès et la conduite joints ensemble, c'est ce que j'appelle le miracle de l'Évangile, et voilà le partage de ce discours et le sujet de votre attention.

PREMIÈRE PARTIE.

Saint Augustin, expliquant ces paroles du Psaume quarante-quatrième, Pro patribus tuis nati sunt tibi filii (Psalm. 44), en fait une application bien juste, lorsque, s'adressant à l'Église, il lui parle de cette sorte: Sainte épouse du Sauveur, ne vous plaignez pas que le ciel vous ait abandonnée, parceque vous ne voyez plus Pierre et Paul, ces grands apôtres dont vous avez pris naissance, et qui ont été vos pères: Non ergò te putes esse desertam, quia non vides Petrum, quia non vides Paulum, quia non vides eos per quos nata es (AUG.). Car vous avez formé des enfants héritiers de leur esprit, et qui vous rendront aussi glorieuse et aussi féconde que vous le fûtes jamais: Ecce pro patribus tuis nati sunt tibi filii. Or entre ces enfants de l'Église, successeurs des apôtres et comme les dépositaires de leur zèle, il me semble, Chrétiens, que je puis mettre François-Xavier dans le premier rang; et le miracle qu'il a plu à Dieu d'opérer par son ministère en est la preuve évidente: Ecce non est abbreviata manus Domini.

Examinons-le, ce miracle. Après l'avoir étudié avec soin, pour ne rien dire qui ne soit autorisé et par la voix publique, et par le témoiguage même de l'Église qui l'a reconnu ; sans rien exagérer dans une chaire consacrée à la vérité, mais à ne prendre que la substance de la chose, et à considérer le fait précisément en lui-même, dénué de toutes les circonstances qui le relèvent, le voici tel que je le conçois et que vous le devez concevoir. Xavier, par la seule vertu de la divine parole, a soumis un monde entier à l'empire du vrai Dieu, a répandu en plus de trois mille lieues de pays la lumière de l'Évangile, a fondé un nombre presque innombrable d'églises dans l'Orient; est entré en possession de cinquante-deux royaumes, pour y faire régner JésusChrist; a dompté partout l'infidélité du paganisme, l'obstination de l'hérésie, le libertinage de l'impiété; a conféré de sa main le baptême à plus d'un million d'idolâtres, et les a présentés à Dieu comme de fidèles adorateurs de son nom : voilà le miracle de notre foi. Miracle au-dessus de tout ce que nous lisons de ces héros, ou vrais, ou prétendus, que l'histoire profane a tant vantés; miracle où je puis dire, en me servant de la belle expression de saint Ambroise, que François-Xavier a fait réellement ce que la philosophie humaine, dans ses plus hautes et ses plus vaines idées, n'a pu même imaginer: Minus est quod illa finxit, quàm quod iste gessit (AMBR.); et miracle enfin qui seul suffiroit pour m'attacher inviolablement à la religion que je professe, et pour me faire connoître que c'est l'œuvre du Seigneur : Ecce non est abbreviata manus Domini.

Vous savez, mes chers auditeurs, par quelle occasion et quel dessein fut appelé l'homme apostolique dont je parle, pour passer aux Indes car je laisse ce qu'il fit en Europe, et je viens d'abord à ce qu'il y a dans mon sujet d'essentiel et de capital. Certes, ce furent deux

entreprises bien différentes que celle de Jean III, roi de Portugal, et celle de Xavier; et il est bien à croire que, selon la politique mondaine, l'une ne fut que l'accessoire de l'autre. En effet, si la piété du prince lui fit souhaiter d'avoir un homme de Dieu pour aller combattre la superstition, le soin de sa propre grandeur lui fit équiper une flotte entière pour étendre ses conquêtes, et pour établir en de nouvelles et de vastes contrées sa domination. Telles étoient les vues de ce monarque; telle étoit la fin que se proposoient les ministres de son état : mais le ciel en avoit tout autrement disposé. Le dessein du roi de Portugal ne fut qu'une occasion ménagée par la Providence pour ouvrir le chemin à Xavier, et pour le faire entrer dans la moisson qu'il devoit recueillir. Il ne faut que lui pour cet important ouvrage; lui seul, il fera plus que ce pompeux et terrible appareil d'armes et de vaisseaux, et il portera plus loin les bornes du christianisme que Jean les limites de son empire.

Déja je l'entends, ce saint apôtre, qui rallumant toute l'ardeur de sa charité, et rappelant toutes les forces de son ame à la vue de l'immense carrière qu'on lui donne à fournir, s'encourage lui-même, et s'excite à tout entreprendre pour la gloire du souverain maître qui l'envoie. Allons, Xavier, dit-il en de fervents et de secrets colloques, puisque ton Dieu est partout, il faut qu'il soit partout connu et adoré; ce seroit un reproche pour toi, que l'auteur de ton être fût loué dans tous les lieux du monde par les créatures insensibles, et qu'il y eût un endroit de l'univers où il ne le fût pas des créatures intelligentes et raisonnables, Et pourquoi mettrois-tu entre les hommes quelque différence, et voudrois-tu en faire le choix, puisque le créateur qui les a formés les embrasse tous dans le sein de sa iniséricorde? Non, non : souviens-toi qu'en te confiant son Évangile, il t'en a rendu redevable à tous, et que c'est pour tous qu'il t'a communiqué sans restriction tout son pouvoir. Ce ne sont point là, Chrétiens, mes pro pres pensées, ni mes expressions, mais celles de Xavier, qu'il nous a laissées dans ses épîtres, fidèles interprètes de son cœur, et lettres sacrées que nous conservons comme les précieuses reliques et les monuments de son zèle.

C'est donc en de telles dispositions et avec desinobles sentiments qu'il s'embarque à Lisbonne, qu'il traverse deux fois la zone torride, qu'il échappe heureusement le fameux cap de Bonne-Espérance, qu'il aborde dans l'Inde, qu'il passe dans l'ile de la Pêcherie. Je serois infini, si j'entreprenois de faire le dénombrement de ces longues et fréquentes courses qui n'ont pu lasser son courage, et qui peut-être lasseroient votre patience. Mais un peu de réflexion, s'il vous plaît: le voilà rendu au cap de Comorin, et d'abord vingt mille idolâtres viennent le reconnoître pour l'ambassadeur du vrai Dieu. D'où l'ont-ils appris, et qui le leur a dit? Ah! voici le miracle: Xavier ne sait ni la langue, ni les coutumes du pays; et cependant il persuade tous les esprits et gagne tous les cœurs.

Chaque jour toute une bourgade est initiée au saint baptême. Les prêtres des faux dieux en conçoivent le plus violent dépit, et s'y opposent; les chefs du peuple, les magistrats, en sont transportés jusqu'à la fureur ; mais, pour user des termes de saint Prosper sur un sujet à peu près semblable, c'est de ces ennemis mêmes, de ces emportés et de ces furieux, qu'il compose une nouvelle Église : Sed de his resistentibus, sævientibus, populum christianum augebat (PROSP.) A peine ces sages Indiens l'ont-ils eux-mêmes entendu, qu'ils veulent devenir enfants, pour se faire instruire des mystères qu'il leur enseigne. A la seule présence de ce prédicateur inspiré d'en haut, toute leur sagesse s'évanouit; et par-là ils semblent vérifier la parole de l'Écriture, selon le sens que lui donne saint Augustin: Absorpti sunt juncti petræ judices eorum (Psalm. 140): Leurs juges, c'est-à-dire les savants de leur loi et les maîtres du paganisme, mis auprès de Jésus-Christ, qui est la pierre angulaire, ou des ministres de son Évangile, ont été entraînés, ont été comme engloutis et absorbés: Absorpti sunt.

N'étoit-ce pas un spectacle digne de l'admiration des anges et des hommes, de voir ce conquérant des ames former dans les plaines de Travancor des milliers de catéchumènes, faire autant de chrétiens qu'il assembloit autour de lui d'auditeurs, s'épuiser de forces dans cet exercice tout divin; et, comme autrefois Moïse, ne pouvoir plus lever les bras par la défaillance où il tombe; et avoir besoin qu'on les lui soutienne, non point pour exterminer les Amalécites, mais pour ressusciter des troupes d'infidèles à la vie de la grace? Quel triomphe pour la foi qu'il venoit de leur annoncer, quand il marchoit à la tête de ces néophytes, qu'il les conduisoit dans les temples des idoles, qu'il les animoit à les briser, à les fouler aux pieds, et, comme parle saint Cyprien, à faire de la matière du sacrilege un sacrifice au Dieu du ciel?

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Il n'en demeure pas là. Bientôt il paroît chez les Maures, fameux insulaires, d'autant plus chers à Xavier qu'ils sont plus connus par leur barbarie, et qu'il en attend de plus rigoureux et de plus cruels traitements; car voilà ce qui l'attire, voilà ce qu'il cherche. Mais, providence de mon Dieu, que vos vues sont au-dessus des nôtres, et que vous savez conduire efficacement, quoique secrètement, vos impénétrables et adorables desseins! Qui l'eût cru? cette brebis au milieu des loups, sans rien craindre de leur férocité, leur communique toute sa douceur. Ces tremblements de terre si communs parmi eux, lui donnent occasion de les entretenir des grandeurs du Dieu qu'il leur prêche, et de la sévérité de ses jugements. Ces montagnes de feu qui sortent du sein des abîmes lui servent d'images, mais d'images affreuses, pour leur représenter les flammes éternelles, et pour leur en inspirer une horreur salutaire. Il les cultive, il les rend traitables, il les transforme en d'autres hommes. Toute l'Inde est dans l'étonnement, et ne peut comprendre qu'en peu de jours il ait réduit sous le joug de la loi

chrétienne jusqu'à trente villes. Vous diriez que, comme les cœurs des rois sont dans la main de Dieu, tous les cœurs de ces peuples sont dans celle de Xavier. Il entre dans Malaque, et d'une Babylone il en fait une Jérusalem, c'est-à-dire d'une ville abandonnée à tous les vices il en fait une ville sainte. Le grand obstacle aux progrès de l'Évangile, c'est l'amour du plaisir et la pluralité des femmes: honteux déréglement que la coutume avoit introduit, et que la coutume autorisoit. Il l'attaque et il l'abolit; mais comment? avec un ascendant sur les esprits et un empire si absolu, que nul homme engagé dans ce libertinage n'oseroit paroître devant lui. Et parcequ'ils l'aiment tous comme leur père, parcequ'ils veulent tous traiter avec le saint apôtre, de là vient qu'ils renoncent tous à ce désordre. Plus de quatre cents mariages prétendus, cassés par son ordre, les liens les plus forts et les plus étroits engagements rompus, toutes les familles dans la règle : qu'y eut-il jamais de plus merveilleux? et si ce ne sont pas autant de miracles, qu'est-ce donc, et à quel autre qu'à Dieu même attribuerons-nous un changement si difficile, si prompt, si universel ?

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Cependant, Chrétiens, un nouveau champ se présente à cet ouvrier infatigable; et, sans nous arrêter, suivons-le partout où l'ardeur de son zèle porte ses pas. Le Japon l'attend, et c'est là, pour m'exprimer de la sorte, que Dieu a placé le siége de son apostolat; dans l'Inde il a travaillé sur un fonds où d'autres avant lui s'étoient exercés; il a marché sur les traces des apôtres; mais ici il peut dire comme saint Paul Sic autem prædicavi Evangelium hoc, non ubi nominatus est Christus, ne super alienum fundamentum ædificarem; sed, sicut scriptum est, quibus non est annuntiatum de eo (Rom., 15) : Oui, mes Frères, j'ai prêché Jésus-Christ, mais dans des lieux où jamais ce nom vénérable n'avoit été prononcé; et Dieu m'a fait cet honneur, de vouloir que j'édifiasse là où personne avant moi n'avoit bâti. Xavier en effet est le premier qui ait porté à cette nation le flambeau de l'Évangile ; je dis, à cette nation si fière et si jalouse de ses anciennes pratiques et de la religion de ses pères; à cette nation où le prince des ténèbres dominoit en paix depuis tant de siècles, et qu'une licence effrénée plongeoit dans tous les désordres. Il s'agissoit de leur annoncer les vérités les plus dures, et d'ailleurs les moins compréhensibles; une doctrine la plus humiliante pour l'esprit, et la plus mortifiante pour les sens; une foi aveugle, sans raisonnements, sans discours; une espérance des biens futurs et invisibles, fondée sur le renoncement actuel à tous les biens présents; en un mot, une loi formellement opposée à tous les préjugés et à toutes les inclinations de l'homme. Voilà ce qu'il falloit leur faire embrasser, à quoi il étoit question de les amener, sur quoi Xavier entreprend de les éclairer : quel projet! et quelle en sera l'issue? Ne craignons point, mes chers auditeurs : c'est au nom de Dieu qu'il agit; c'est Dieu qui le députe comme le Prophète, et qui lui ordonne d'arracher et de planter, de dissiper et d'amas

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