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bâtirai mon Église, et par vous que je la gouvernerai ; et saint Pierre, par son amour pour Jésus-Christ, mérita que Jésus-Christ ratifiât dans la suite et accomplit cette promesse. Appliquons-nous encore ceci, mes chers auditeurs; et après en avoir tiré une nouvelle matière d'éloge pour notre glorieux apôtre, tirons-en pour nous-mêmes une nouvelle instruction.

Le Sauveur du monde, comme il s'y étoit engagé, veut établir saint Pierre pasteur de son troupeau et chef de son Église; mais pour cela que fait-il? Il ne demande plus à cet apôtre : Que disent de moi les hommes? mais il lui demande : M'aimez-vous? Simon Joannis, amas me (JOAN., 21)? Et, sans se contenter d'un amour ordinaire, il ajoute: Avez-vous plus d'amour pour moi que tous ceux-ci? c'étoit des autres apôtres qu'il parloit: Simon Joannis, diligis me plus his (Ibid.)? Non pas, dit saint Chrysostome, que cet Homme-Dieu eût besoin d'interroger de la sorte saint Pierre pour être instruit de ses sentiments, puisqu'il n'ignoroit rien de tout ce qui se passoit dans son cœur ; mais il l'interroge, pour donner lieu à saint Pierre d'effacer, par une protestation d'amour jusqu'à trois fois réitérée, le crime qu'il avoit commis en renonçant trois fois ce divin maître ; il l'interroge pour faire voir quel doit être celui à qui cet adorable pasteur veut confier ses ouailles, puisque ce n'est qu'à celui qui aime Jésus-Christ, et qu'on ne mérite de conduire ce troupeau fidèle qu'autant qu'on aime Jésus-Christ; il l'interroge pour montrer par-là combien Jésus-Christ aime lui-même son troupeau, puisqu'il n'en veut donner le soin qu'à celui qui lui témoigne plus d'amour ; mais que répond saint Pierre? Vous savez, Seigneur, que je vous aime: Etiam Domine, tu scis quia amo te (Ibid.). Eh bien! répond le Fils de Dieu, paissez donc mes agneaux, c'est-àdire mes fidèles: Pasce agnos meos (Ibid.). Car ce sont les miens, et non pas les vótres, et je veux que vous les gouverniez comme étant à moi et non point à vous; et qu'en les conduisant, vous n'y cherchiez point votre intérêt, mais leur utilité et ma gloire. Ce n'est pas assez : le Fils de Dieu lui demande une seconde fois, M'aimez-vous? pourquoi? afin qu'il paroisse davantage que l'amour de saint Pierre est un amour éprouvé et solide; et pour une troisième fois il lui demande, M'aimez-vous plus que tous les autres? afin de tirer de lui cette parole si vive et si animée, Vous savez toutes choses, Seigneur, et par-là même vous savez que je vous aime, et que je suis prêt à donner ma vie pour la vôtre; sur quoi Jésus-Christ ne lui dit plus seulement, Paissez mes agneaux, Pasce agnos meos (Ibid.), mais, Paissez mes brebis, Pasce oves meas, voulant ainsi lui faire entendre qu'il ne lui donnoit pas seulement le soin de son troupeau, mais des pasteurs le son troupeau, marqués sous la figure des brebis qui nourrissent les a gneaux..

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C'est donc sur l'amour de saint Pierre pour Jésus-Christ qu'est fo ndée la prééminence de sa dignité et de la juridiction qu'il a eue sur

toute l'Église. Mais quelles furent les qualités de cet amour? c'est ce que nous devons considérer, et ce qui doit servir à votre édification. En deux mots, ce fut un amour humble, et ce fut un amour généreux. Amour humble, et par-là opposé au zèle présomptueux de cet apôtre pour Jésus-Christ, dans le temps de sa passion. Amour généreux, et par-là opposé à la foiblesse et à la lâcheté de cet apôtre lorsqu'il renonça Jésus-Christ. Or, dans l'une et dans l'autre de ces deux qualités, l'amour de saint Pierre doit être le modèle du nôtre. Appliquez-vous.

Ce fut un amour humble; car Jésus-Christ demandant à saint Pierre, M'aimez-vous plus que tous vos frères? Pierre ne lui répondit pas, Oui, Seigneur, je vous aime plus qu'eux; mais il se contenta de lui dire simplement, Je vous aime, n'osant pas se préférer, ni même se comparer à eux. Il ne dit pas, même absolument à Jésus-Christ, Je vous aime; mais, Vous savez, Seigneur, que je vous aime : comme s'il eût voulu lui dire : C'est à vous, Seigneur, d'en juger; car vous êtes le scrutateur des cœurs. Peut-être me tromperois-je dans le jugement que je porterois du mien; peut-être me flatter ois-je d'avoir pour vous plus d'amour que je n'en ai; peut-être présumerois-je de moi-même : mais vous en êtes le juge, et vous connoissez mes véritables sentiments. Aussi quand le Fils de Dieu l'interrogea de la sorte, ce ne fut pas tant pour éprouver son amour, par comparaison avec les autres apôtres, que pour éprouver son humilité; car il n'ignoroit pas que saint Pierre ne pouvoit savoir quelles étoient les dispositions intérieures des apôtres, et par conséquent qu'il ne pouvoit pas dire: Je vous aime plus qu'eux. Mais ce divin maître voulut que Pierre fît voir son humilité, et qu'au lieu de dire comme autrefois, Quand tous les autres ne vous aimeroient pas, je vous aimerois; il dît seulement : Je vous aime. Ah! Chrétiens, sans l'humilité il n'y a point d'amour ni de vraie charité; et si l'amour de Dieu étoit mêlé d'orgueil, il cesseroit d'être amour de Dieu, et dégénéreroit dans un amour criminel de soimême. C'est sur cette humilité que Jésus-Christ a établi la première de toutes les dignités; c'est sur ce fondement que doivent être établies toutes les vertus.

Cependant notre saint apôtre s'attrista, et il s'afligea, voyant que Jésus-Christ lui demandoit jusqu'à trois fois : M'aimez-vous? et pourquoi s'affligea-t-il? c'est, répond saint Chrysostome, qu'il commença à se défier de soi-même; c'est qu'il commença à douter si en effet il aimoit autant Jésus-Christ qu'il prétendoit l'aimer; c'est qu'il commença à craindre que Jésus-Christ ne vît dans le fond de son cœur quelque disposition contraire à l'amour sincère qu'il se flattoit d'avoir pour cet Homme-Dieu. Il se souvint de la prédiction que le Sauveur du monde lui avoit faite dans une autre rencontre, en lui disant : Vous me renoncerez jusqu'à trois fois : ce qui étoit arrivé malgré ses protestations et ses résolutions; et il craignit qu'il n'en arrivât ici de

même, et que la demande du Fils de Dieu ne lui annonçât dans l'avenir une chute nouvelle, et aussi funeste que la première. Voilà ce qui F'attrista et ce qui l'affligea: car, touché qu'il étoit de l'amour le plus solide pour Jésus-Christ, rien ne lui parut plus douloureux et plus affligeant que de n'être pas assuré de cet amour. N'aimer pas JésusChrist, c'est ce qu'il regarda comme le souverain mal, et le comble de tous les maux. Et d'être seulement soupçonné de n'aimer pas cet aimable Sauveur, ce fut pour lui un sujet de tristesse dont il se sentit presque accablé : Contristatus Petrus (JOAN., 21). Ah! Seigneur, lui dit-il, ne m'affligez pas jusqu'à ce point, que de me laisser dans un tel doute. Je crois vous aimer; mais pour rendre mon amour plus certain, mettez-le à telle épreuve qu'il vous plaira. Le plus sensible témoignage de l'amour, c'est d'être prêt à mourir pour celui qu'on aime; je veux bien passer par cette épreuve; et déja, dans la préparation de mon coeur, je donne ma vie pour vous: Et animam meam pro te ponam (JoAN., 13). Tirez-moi seulement, Seigneur, de cette cruelle incertitude où je suis, et du trouble où vous me jetez en me demandant si je vous aime. La mort me seroit mille fois plus douce, et je mourrois tranquille, si je pouvois compter que je vous aime et que vous m'aimez.

Il n'étoit pas possible que Jésus-Christ, qui avoit admiré l'humilité du centenier et celle de la femme chananéenne, ne fût touché de l'humilité de son apôtre. Il exauça ses vœux; et pour lui marquer combien il se tenoit sûr de son amour, il le mit à la tête de tous les apôtres, il l'éleva au-dessus d'eux, il le distingua: tant il est vrai, Chrétiens, que comme celui qui s'exalte lui-même sera abaissé, celui, au contraire, qui s'abaisse sera exalté. Quand şaint Pierre présuma de lui-même, et qu'il se crut assez fort pour résister à la tentation, Dieu permit qu'il succombât, afin de lui faire connoître sa foiblesse ; mais quand il s'humilia, et que, dans une sainte défiance de ses propres sentiments, il n'osa faire fond sur son cœur, c'est alors que Dieu le plaça dans le plus haut rang, et que Jésus-Christ, par la plus éclatante distinction et sans nulle réserve, le fit dépositaire de ses droits et de sa puissance. Amour de saint Pierre, amour humble; et, de plus, amour généreux, autre qualité bien remarquable.

Amour généreux, c'est-à-dire amour fervent, amour patient, amour héroïque, opposé à l'amour lâche, à l'amour timide, à l'amour foible et languissant que cet apôtre avoit fait paroître. Amour fervent: de quel feu et de quelle ardeur étoit animé cet apôtre, quand il prêchoit Jésus-Christ, quand il rendoit hautement témoignage à JésusChrist, quand il formoit et qu'il exécutoit tant de saintes entreprises pour Jésus-Christ? Amour patient: que ne dut point souffrir cet apôtre au milieu de tant d'ennemis qu'il eut à combattre, et de tant d'obstacles qu'il eut à surmonter pour la propagation de l'Évangile de Jésus-Christ, et pour l'affermissement de son Eglise ? ni les courses

fréquentes, ni les longs voyages, ni les veilles continuelles, ni les misères, ni les persécutions, ni les prisons, jamais rien put-il lasser son zèle et le rebuter? Amour héroïque, en vertu duquel cet apôtre eut le courage et la force de s'exposer à la plus cruelle et la plus honteuse mort; vous me direz qu'il fut crucifie, et que la croix n'étoit plus un supplice ignominieux, puisque dans la personne de Jésus-Christ elle étoit plutôt devenue un sujet de gloire; vous me direz que Jésus-Christ ayant subi lui-même ce genre de mort, les vrais disciples ne devoient plus le regarder comme un opprobre, mais comme un triomphe. J'en conviens; mais c'est de là même que je tire une preuve incontestable de ma proposition; car saint Pierre ne put envisager la croix comme le sujet de sa gloire, que parcequ'il aimoit Jésus-Christ de l'amour le plus héroïque. Saint Pierre ne put desirer la croix, ne put soupirer après la croix, ne put aller chercher la croix, que parcequ'il fut transporté pour Jésus-Christ d'un amour sans bornes, et qu'il voulut lui en donner une marque, en lui rendant amour pour amour, sacrifice pour sacrifice. Saint Pierre ne put s'estimer heureux de mourir sur la croix comme Jésus-Christ, que parceque l'excès de son amour lui fit souhaiter d'être en tout semblable à cet Homme-Dieu, et même jusqu'à la mort, et à la mort de la croix.

Quoi qu'il en soit, Chrétiens, c'est sur le modèle du prince des apôtres que nous devons tous nous former car nous avons tous la même obligation d'aimer Dieu, et Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, et Dieu lui-même. Or notre amour pour Dieu, et pour le Fils de Dieu, estce un amour généreux comme celui de saint Pierre, c'est-à-dire est-ce un amour fervent? est-ce un amour patient? est-ce un amour héroïque? Prenez garde: est-ce un amour fervent? mais qu'avonsnous fait jusqu'à présent pour Dieu, et que faisons-nous? Peut-être appelons-nous amour de Dieu certains discours vagues et sans fruit: car telle est l'illusion ordinaire de s'en tenir à de spécieuses paroles qui ne coûtent rien, et qui dans la pratique ne vont à rien. Peut-être prenons-nous pour amour de Dieu certains sentiments dont le cœur est quelquefois touché, mais sans effet. Autre erreur encore plus subtile et plus dangereuse: on compte pour beaucoup quelques mouvements affectueux dont l'ame se sent remuée et attendrie; mais si les œuvres manquent, si l'on mène une vie tranquille et oisive, si, dès qu'il faut agir, qu'il faut prier, qu'il faut soulager les pauvres, qu'il faut visiter les hôpitaux, les prisors, qu'il faut vaquer aux exercices de la religion, on devient lâche et paresseux, que servent alors les plus beaux sentiments, et de quel prix peuvent-ils être devant Dieu? Est-ce un amour patient? mais qu'avons-nous souffert jusqu'à présent pour Dieu, et que voulons-nous souffrir? une foible violence qu'il y a à se faire, une légère contradiction qu'il y a à soutenir, n'est-ce pas assez pour déconcerter toute notre piété, et pour éteindre tout le feu de ce prétendu amour de Dieu, qui paroissoit à certaines heures

si vif et si animé? On suit Jésus-Christ jusqu'à la cène, mais on l'abandonne au Calvaire; on aime Dieu, ou l'on croit l'aimer, et cependant on ne voudroit pas se gêner pour lui dans la moindre rencontre, se refuser pour lui le moindre plaisir, sacrifier pour lui le moindre intérêt. Est-ce un amour héroïque? car il doit être tel, pour être un véritable amour de Dieu; et s'il n'est pas assez fort, assez efficace pour me disposer à verser mon sang en certaines occasions, et à donner ma vie pour Dieu, ce n'est plus amour de Dieu. Or, de bonne foi, mes chers auditeurs, peut-on penser que nous soyons dans une pareille disposition, quand on nous voit céder si aisément aux premiers obstacles qui se présentent, et nous rendre, lorsqu'il est question du service de notre Dieu, à des difficultés que nous surmontons tous les jours pour le monde? Si donc Jésus-Christ nous faisoit aujourd'hui la même demande qu'il fit à saint Pierre, Amas me? M'aimez-vous? pourrions-nous lui répondre? Oui, Seigneur, je vous aime, et vous le savez: Domine, tu scis, quia amo te (JOAN., 24). Si nous osions le dire, nos œuvres ne nous démentiroient-elles pas? Cependant, sans l'amour de Dieu et de Jésus-Christ, Homme-Dieu et notre espérance, que pouvons-nous être autre chose devant Dieu que des anathèmes et des sujets de malédiction? Ah! Chrétiens, ranimons dans nos cœurs ce saint amour; et si nous ne l'avons pas, ne cessons point de le demander à Dieu. Servons-nous de notre foi pour l'exciter davantage et pour le rendre plus ardent; et, par un heureux retour, cette charité divine servira à vivifier notre foi et à la rendre plus agissante. Pour l'un et pour l'autre, employons auprès de Dieu l'intercession du glorieux apôtre dont nous solennisons la fête : c'est le patron de tous les fidèles, puisqu'il est le chef de toute l'Église; et c'est en particulier le vôtre dans cette église, où il est spécialement honoré. En lui adressant nos prières, travaillons à imiter ses vertus, pour avoir part à sa gloire dans l'éternité bienheureuse que je vous souhaite, etc.

AUTRE SERMON POUR LA FÊTE DE SAINT PIERRE.

SUR L'OBÉISSANCE A L'ÉGLIse.

Et ego dico tibi, quia tu es Petrus, et super hanc petram ædificabo Ecclesiam meam, et portæ inferi non prævalebunl adversus eam.

Et moi je vous dis que vous êtes Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et que Le portes de l'enfer ne prévaudront point contre elle. SAINT MATTHIEU, chap. XVI.

Ce sont, en peu de paroles, deux grands éloges tout à la fois prononcés par la bouche de Jésus-Christ, l'un en faveur de saint Pierre, le prince des apôtres, dont nous célébrons aujourd'hui la fête ; et l'autre en faveur de l'Église. Saint Pierre est le fondement sur qui l'Église a été bâtie, et sur qui elle subsiste: voilà l'abrégé de toutes ses grandeurs. L'Église est un édifice spirituel, dont la solidité et la fermeté est à l'épreuve de tous les efforts de l'enfer : voilà tout ce qui se peut

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