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être munie du visa de la police. En un mot, là où l'égalité régne (et qui peut douter qu'elle règne et s'étende chaque jour parmi nous?), la religion ne peut jouir que de la part de liberté qui est réservée à tous, et doit souffrir la part de servitude qui est le lot commun. Elle n'a que le choix d'être opprimée ou libre avec tout le monde.

J'ose même penser, sans lui faire tort, que, sous l'empire d'un pouvoir absolu, comme celui qui est compatible avec les institutions démocratiques, c'est l'Église qui sera le plus tôt et le plus souvent opprimée; car l'Église forme une société véritable, spirituelle dans son principe, mais qui prend un corps par ses lois, par ses ministres, par ses cérémonies, et qui offre ainsi aux soupçons du pouvoir comme à la main de ses agents une prise à chaque instant saisissable. Or ce que le pouvoir absolu né de la démocratie doit, en vertu de sa nature, combattre par-dessus toutes choses, ce sont les sociétés particulières qui échappent à son autorité, et qui forment, comme on le dit, un État dans l'État. Fondé sur l'omnipotence de la majorité populaire et appuyé sur la centralisation administrative, il ne peut souffrir d'association qui ne relève pas de lui, et ne veut d'autre lien entre les hommes que celui dont il tient le premier anneau. Concentrant en lui-même la justice, l'armée, la politique, toute la vie sociale, en un mot, la tentation doit lui venir de faire rentrer la religion dans le faisceau commun dont sa main dispose. Il ne peut laisser longtemps la conscience en dehors de la prison où il détient, ou, si l'on veut, la caserne où il enrégimente toutes les facultés humaines. Il faut qu'il soit chef de la religion comme du reste, sous peine de laisser incomplets l'harmonieux ensemble et le beau idéal de la centralisation. En un mot, quand la société reconnaissait des classes diverses entre les hommes, elle avait pu faire de l'Église un ordre dans l'État; aujourd'hui qu'il n'y a plus d'ordres, l'État ne peut lui offrir que de former une branche d'administration et un service public.

Elle ne s'y résignera pas pour accepter de prendre ainsi place au second degré d'une hiérarchie humaine, et de ne commander qu'à la condition d'obéir, elle est d'une naissance trop haute et d'un naturel trop fier. Pour éviter cette loi commune d'obéissance, tôt ou tard, par nécessité, si ce n'est par goût, c'est le droit commun de la liberté qu'il lui faudra invoquer. La religion entrera ainsi inévitablement, pour son propre salut et sa dignité personnelle, dans le camp de la liberté; elle y apportera, avec son inébranlable énergie, toutes les forces de conviction et de cohésion dont elle dispose. C'est un résultat certain dont les symptômes, depuis longtemps visibles, mais un instant effacés, redeviennent aujourd'hui même plus apparents. Enfant de l'Église, je m'y résigne sans crainte; ami de la liberté, j'y applaudis sans réserve. L'unique mérite de ces écrits est d'avoir at

tendu constamment et annoncé ce jour inévitable, alors même qu'il paraissait s'éloigner et que d'autres s'efforçaient de le fuir. C'est aussi leur seul titre à l'intérêt du lecteur.

CORRESPONDANCE.

On nous écrit du Piémont :

« Malgré la fusion proclamée, il y a peu de jours encore, la position parlementaire du ministère piémontais est très-gravement compromise. L'opposition s'est manifestée dès la nomination du président de la Chambre des députés. M. Lanza, ancien ministre des finances, candidat ministériel, n'est passé qu'au scrutin de ballottage, et M. Rattazzi, le candidat de l'opposition, a réuni soixante-huit voix. Vous savez que les conservateurs ont été complėtement exclus de la Chambre. Quoiqu'on se soit réjoui au premier moment d'un pareil succès, M. de Cavour regrettera sous peu, soyez-en sûrs, leur absence. La droite lui était très-utile à deux points de vue. D'une part, s'il s'agissait de faire passer une loi d'ordre ou de résister à des entraînements irréfléchis, il y trouvait un appui constant et sûr. De l'autre, il s'en servait comme d'un épouvantail vis-à-vis de la gauche. « Vous me trouvez peu libéral, disait-il; eh bien! renversez-moi, et vous aurez la satisfaction d'amener M. de Revel. » Cette ressource évanouie, M. de Cavour se trouve seul en face du parti ultra-libéral, et il en sera débordė. Dėjà la question de Nice a ébranlé profondément la popularité du premier ministre. L'année dernière, au moment où la guerre éclatait avec l'Autriche, M. de Cavour rallia tout ce qu'il y avait de plus exalté dans le parti démocratique. C'était le temps des promesses et du désintéressement; on proclamait pour l'Italie la nécessité d'être libre jusqu'à l'Adriatique; on disait que, le temps des conquêtes étant passé, on faisait la guerre, du moins de la part de la France, pour une idée. Et le parti démocratique d'applaudir. Maintenant ce parti en revient à maudire encore une fois l'Empereur Napoléon et il lui associe, dans ses anathèmes, M. de Cavour. Non seulement la fraction qu'on pour rait appeler des républicains convertis, MM. Cattaneo, Sistori, Bertani, tous Milanais, se sépare du cabinet; mais, en dehors du parlement, le parti mazzinien pur se réorganise et fait reparaître à Gênes son journal : l'Unité italienne. On se croirait aux jours de l'expédition de Rome, en 1849, tant est grand le tapage de ce parti contre la politique de Napoléon III. Garibaldi, le héros de la révolution, a prononcé à la Chambre, à propos de la cession de Nice, des paroles bien dures pour les Tuileries : « Quant à moi, « a-t-il dit, je n'aurais jamais stipulé ce traité et j'aurais tout risqué plutôt «que de me jeter dans le vasselage du maître de la France! » La discussion se passionnait, et M. Boggio, un éclaireur du ministère, formula, pour sauver M. de Cavour, un ordre du jour qui renferme un blâme formel pour le cabinet, puisqu'il l'invite à prendre les mesures nécessaires pour sauve

garder la liberté du vote des Niçois. Au scrutin, quinze voix de majorité, au nombre desquelles il faut compter celles des six ministres députés, ont assuré le triomphe du ministère; mais la victoire n'en est pas moins sanglante et l'orage éclatera plus violent encore lors de la discussion du traité de cession, qui aura lieu après que le roi sera de retour du voyage qu'il fait en ce moment dans l'Italie centrale.

« A l'occasion de ce grand débat parlementaire, M. de Cavour produira les pièces diplomatiques et exposera les raisons qui l'ont déterminé à ce sacrifice, raisons majeures qui tiennent, dit-il, à l'ensemble de son système politique. Je réserve donc toute appréciation à cet égard ; je constate seulement l'impression très-pénible que la publication de ce traité a produite ici dans tous les partis sans exception, et la dissidence qui s'est produite à cettte occasion dans la Chambre et qui deviendra bientôt une rupture. Les conséquences en peuvent être immenses. Le pouvoir passant à la gauche, que vont renforcer immanquablement les élections supplémentaires et le refroidissement de ce parti avec la France: voilà les effets tout naturels de cet état de choses. N'avais-je pas raison de vous prédire que M. de Cavour regretterait amèrement les conservateurs de la précédente législature?

« Quelle leçon et quelle vengeance d'en-haut! M. de Cavour va être renversé par ceux-là même auxquels il avait sacrifié ses anciens principes, les droits de la conscience et ceux du Saint-Siège.

« Il n'est bruit à Turin, ces jours-ci, que des démissions présentées au roi par des officiers de sa maison, gentilshommes de la plus grande naissance, profondément dévoués à la personne royale et soldats intrépides. Ces braves militaires ont déclaré nettement à Sa Majesté que leur conscience de catholiques les empêchait de l'accompagner dans les Romagnes. Cet exemple, venu de telles personnes, a produit une sensation qui ne s'effacera pas de sitôt. « Ajoutons que les catholiques ont tressailli de joie en voyant le général de La Moricière se mettre à la tête des armées pontificales. Évidemment la Providence a de grandes vues sur Pie IX, puisqu'elle amène à son service une aussi noble et aussi pure illustration militaire. »

Pour extrait :

Le Secrétaire de la Rédaction, P. DOUHAIRE.

BIBLIOGRAPHIE

ÉTIENNE MARCEL ET LE GOUVERNEMENT DE LA BOURGEOISIE, AU QUATORZIÈME SIÈCLE, 1356-1358, par G. T. PERRENS.- Paris, Hachette, 1860.

M. Perrens a pensé avec raison que le grand mouvement politique qui signala les dernières années du règne de Jean II et la régence du duc de Normandie, son fils, pendant la captivité de ce prince en Angleterre, méritait une attention toute spéciale. Ne faut-il pas voir dans les états généraux de cette époque les précurseurs de ceux de 1789? Leurs tentatives de réformes si infructueuses ne présentent-elles pas une grande analogie avec celles qui devaient triompher quatre siècles plus tard? C'est ce que s'est demandé l'auteur d'Étienne Marcel. Après avoir lu ce livre, nous ne partageons pas l'admiration de M. Perrens pour le prévôt des marchands de Paris; il nous est impossible de voir dans son héros un citoyen plein de désintéressement et de vertu, dont le tort serait d'être venu à une époque où il ne pouvait être compris ni suivi par le grand nombre.

Le gouvernement de la France était alors loin d'être fixé. La royauté luttait contre des seigneurs féodaux, encore tout-puissants, qui avaient pour chef un prince étranger, le roi d'Angleterre. Les domaines de ce redoutable vassal étaient à la fois plus considérables et plus riches que ceux de son suzerain; les communes avaient pour la plupart conservé leurs chartes et leurs priviléges. Les états généraux s'assemblaient, sinon périodiquement, au moins très-fréquemment; le droit de la nation de consentir les impôts et les subsides nécessaires pour l'entretien d'une armée et de l'administration centrale était reconnu par tous.

Le gouvernement représentatif allait peut-être se fonder. Mais les différents ordres de l'État, au lieu d'associer leurs efforts pour faire respecter leurs droits, voulurent absorber tous les priviléges et toutes les prérogatives de l'autorité publique.

Le tiers état se montra-t-il plus intelligent et moins absolu que les deux autres ordres? M. Perrens paraît le croire, c'est l'idée qui domine son

AVRIL 1860.

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I

ouvrage. Il montre pour la noblesse une très-grande rigueur, il signale ses fautes; il nous paraît même lui en attribuer de la meilleure foi du monde un certain nombre qu'elle n'a pas commises. La description fort intéressante qu'il donne des scènes de la Jacquerie s'inspire des mêmes sentiments; les excès des Jacques sont singulièrement atténués: l'auteur montre une grande préférence pour les documents qui racontent avec le moins d'horreur ces tristes scènes de notre histoire; il attache aussi une importance exagérée à ceux qui rendent compte des exactions des seigneurs, avant et après cette guerre civile. Les adversaires du prévôt de Paris, le roi Jean, le duc de Normandie qui fut plus tard Charles le Sage, sont jugés avec une extrême sévérité. M. Perrens a bien raison de leur reprocher ces constantes altérations des monnaies qui impriment une si grande tache à la mémoire des premiers Valois; mais quel était le pouvoir qui n'usait pas alors de semblables moyens? Le règne d'Étienne Marcel ne dura pas fort longtemps, et cependant (c'est M. Perrens qui nous le dit) il y eut aussi par ses ordres des altérations de monnaies à Paris. Si le roi et le régent sont fort durement traités, Charles le Mauvais, roi de Navarre, nous est présenté, au contraire, sous un jour plus favorable qu'il ne l'a été jusqu'à présent. Là encore nous doutons que l'auteur redresse les jugements de l'histoire, il nous semble qu'il ne réussit pas mieux à réhabiliter Charles le Mauvais qu'à faire d'Étienne Marcel le type du bon citoyen.

Si nous nous rendons à l'avis de M. Perrens, il faut faire fort peu de cas de tout ce que les contemporains ont pu nous transmettre sur ces événements. La bourgeoisie fut alors vaincue par ses ennemis, et ce sont ces derniers qui ont écrit l'histoire ou qui l'ont fait écrire.

Or nous croyons peu, quant à nous, à ces conspirations contre la vérité, qui feraient de l'histoire l'humble servante de la fortune. Les annales du monde entier protestent contre de semblables assertions. Les empereurs ont pu tuer Helvidius et Thraséas, l'histoire a vengé ces nobles victimes et a flétri leurs bourreaux. Étienne Marcel a été jugé trop sévèrement à d'autres époques, mais il ne nous parait pas mériter le piedestal sur lequel on voudrait le placer aujourd'hui. Il a échoué parce qu'il voulait une révolution, et parce qu'il ne tenait aucun compte des intérêts si complexes que tout réformateur sage doit s'appliquer à satisfaire. Il alla toujours en s'isolant de plus en plus. Il compta d'abord parmi ses partisans quelques membres des deux ordres privilégiés et les représentants des communes; la noblesse et le clergé l'abandonnèrent les premiers; puis presque toutes les communes du royaume se séparèrent de lui; enfin, il se forma dans cette bourgeoisie parisienne, à laquelle il avait voulu soumettre toute la France, des divisions qui amenèrent à elles seules le triomphe de l'autorité royale.

Ces tentatives alors infructueuses de centralisation administrative au profit de Paris eurent de déplorables effets.

« Depuis ce temps-là, dit Mézeray, l'extrême confusion que les guerres des << Anglais causèrent dans ce royaume y ayant renversé tous les anciens << ordres, et chacun se trouvant plus occupé à songer à sa propre conser<< vation qu'à maintenir les droits du public, il n'y a plus eu de véritables

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