Obrazy na stronie
PDF
ePub

gaires. D'ailleurs les passions mauvaises, patrones naturelles de la mauvaise littérature, la curiosité, le goût du fruit défendu, les révoltes de l'intelligence, les grossiers appétits de la matière, sont toujours là, prêtes à passer par toutes les mailles, à tirer parti de toutes les réticences, et d'autant plus âpres au jeu qu'on leur laisse plus de cartes dans les mains. On le voit, la même discussion reparait sous tous les aspects: la question des rapports de la société avec la critique reste en suspens: il existe bien un moyen de la résoudre, mais ce moyen est trop douloureux, trop désespéré pour que nous le désirions jamais. Quand sonne l'heure des catastrophes, quand la société a peur, elle se jetterait volontiers dans les bras de la critique offensive, ne trouvant plus alors ni ses points de départ trop absolus, ni ses déductions trop rigoureuses, ni ses conclusions trop sévères. Elle lui livre en pâture, elle traîne à son tribunal les œuvres, les hommes, les noms auxquels elle attribue une part de ses malheurs et de ses angoisses, et, si dure que soit la sentence, elle est toujours tentée de la déclarer trop douce. Depuis quinze ans, nous avons pu établir pour notre édification personnelle une singulière échelle de proportion entre les phases, alarmantes ou rassurantes, de notre histoire politique et les opinions rudes ou faciles d'une foule d'honnêtes gens. Nos lecteurs seraient bien étonnés si nous leur nommions certains personnages qui exaltent aujourd'hui la Révolution italienne, raillent agréablement les dévots, font bon marché des droits de l'Église, et qui, en 1848, réclamaient à grands cris l'inquisition, les cours préet l'aveu est vôtales et les lettres de cachet. Il est donc permis, de dire que trop triste pour que nous y cherchions une revanche, les rapports de la société avec la critique, l'influence de la critique sur la société, le plus ou moins de rigueur ou d'indulgence dont elles se donnent mutuellement l'initiative et l'exemple, que tout cela dépend, non pas, hélas! de l'unité, de l'inflexibilité des doctrines que la critique applique à ses jugements, non pas des phénomènes de logique qu'elle rencontre chez ses lecteurs, mais des vicissitudes publiques qui effrayent ou tranquillisent, de l'épouvante qui dessille les yeux en faisant trembler les cœurs, ou de la sécurité, souvent trompeuse, qui rend aux cœurs leur calme et aux yeux leur aveuglement.

[ocr errors]

Que cette pensée nous apprenne à rester modestes, alors même que nous serions tentés de nous croire plus complétement dans le vrai que Rigault et M. Cuvillier-Fleury. Fermeté et conciliation, ces deux mots qui, grâce au ciel, ne s'excluent pas, doivent être plus que jamais notre devise, à nous qui regardons, à tort ou à raison, la littérature comme intimement liée à l'ensemble de nos destinées. Si nous ne nous trompons, les événements qui s'accomplissent

sous nos yeux et dont les échos arrivent jusqu'à notre paisible domaine, portent avec eux ce double enseignement d'une part, se créer dans sa conscience une force capable de résister, s'il le fallait, à toutes les puissances pour accomplir tous les devoirs; de l'autre, tendre la main à ceux qui, dans des sentiers différents, aiment et honorent la vérité, l'honnêteté, la liberté et la justice.

Là-dessus nos expériences nous parlent si haut, que nous serions impardonnables si nous restions incorrigibles. On passe des années sans se parler et sans se voir; on énumère avec une fiévreuse complaisance les griefs, les points en litige, les sujets de querelle, les raisons que l'on a pour ne se rapprocher jamais. On se croit séparé par des abîmes, et, comme l'encre a son ivresse tout autant que le vin, le sang et la poudre, on trouve parfois opportun de s'injurier un peu pour entretenir les antipathies. Puis, tout à coup, un changement s'opère; une ruine se fait; un gouvernement s'élève ou tombe; un événement imprévu remue violemment les âmes, range du même côté les vaincus de diverses dates, efface les classifications partielles et divise en deux grandes classes la raison du plus fort et le sentiment du plus faible. On regarde autour de soi, on s'interroge, on se recueille, et il se trouve que nos ennemis de la veille sont devenus nos amis quelques dissidences subsistent encore: on les maintient, mais sans amertume, et l'estime que l'on éprouve pour ses adversaires donne aux débats du procès les allures d'une conversation amicale. Si, en outre, ces adversaires sont d'excellents écrivains, on se souvient, en les discutant, du plaisir qu'on a eu à les lire. Enfin, si l'un d'eux, mort avant l'âge, nous lègue à travers sa tombe les témoignages d'un sérieux et charmant esprit, les derniers dissentiments s'effacent dans une larme, et rien ne trouble la religieuse tristesse qui s'attache à cette mémoire; car l'image de la mort, en passant sur les luttes de la vie, leur imprime quelque chose de sa sérénité et de sa paix. Voilà, bien sincèrement, ce que j'ai ressenti en refermant ces deux livres qui tiendront un haut rang dans la critique contemporaine. En littérature comme ailleurs, ces redoublement de fidélité, ces effets de conciliation, en présence d'hommes tels que Rigault et - M. Cuvillier-Fleury, sont au nombre des joies les plus vives de la conscience, des plus douces consolations de la défaite.

ARMAND DE PONTMARTIN.

[graphic]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

LE

SÉNÉGAL EN 1859

EXPLORATION DE LA HAUTE FALĖMĖ. ÉTAT POLITIQUE DU SOUDAN OCCIDENTAL

Il y a cinq ans encore, les Français établis à Saint-Louis, près de l'embouchure du Sénégal, avec un comptoir à Bakel, dans le haut du fleuve, et une succursale à Sénoudébou, dans la Falémé, n'élevaient pas leurs prétentions au-dessus de celles de commerçants qui se soumettent à toutes les conditions qui leur sont imposées pour faire des échanges avec les indigènes.

Aucun terrain ne nous appartenait en droit et d'une manière définitive, puisqu'il y avait toujours une redevance annuelle à payer pour tout point occupé par nous, même pour le terrain de Saint

1 Nous offrons avec empressement à nos lecteurs des renseignements très-complets, et dont l'origine atteste la parfaite exactitude, sur l'état actuel de nos possessions et la marche continue de nos progrès militaires, scientifiques et civilisateurs au Sénégal. Les notes qui nous sont transmises, dénuées de toute prétention littétaire, ont, par cela même, un caractère et une valeur qui ne seront pas méconnues; on sent une main qui manie moins souvent la plume que l'épée. On aimera à suivre sur la carte que nous donnons la trace des pas de la France, depuis qu'elle est représentée dans ces contrées lointaines par un homme dont l'intelligence égale l'énergie, M. le colonel Faidherbe. Que de sueurs et que de sang, que de fatigues et que d'efforts, tous ces progrès ont coûté à nos soldats, à nos marins, à nos fonctionnaires, engagés dans une entreprise si rude, mais si pleine de gloire ! Gloire désintéressée, rarement recueillie par ceux qui la méritent, mais qu'ils sont fiers de conquérir au nom français, en ouvrant de plus en plus grandes à la civilisation et au christianisme les portes si longtemps impénétrables du continent africain.

Le Secrétaire de la rédaction: P. Doυhaire.

« PoprzedniaDalej »