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LE CERF SE VOYANT DANS L'EAU

Dans le cristal d'une fontaine
Un cerf se mirant autrefois
Louait la beauté de son bois,
Et ne pouvait qu'avecque peine
Souffrir ses jambes de fuseaux,

dont il voyait l'objet se perdre dans les eaux.
Quelle proportion de mes pieds à ma tête!
Disait-il en voyant leur ombre avec douleur:
Des taillis les plus hauts mon front atteint le faîte;
Mes pieds ne me font point d'honneur.
Tout en parlant de la sorte,

Un limier le fait partir.

Il tâche à se garantir;

Dans les forêts il s'emporte :
Son bois, dommageable ornement,
L'arrêtant à chaque moment,
Nuit à l'office que lui rendent

Ses pieds de qui ses jours dépendent.
I se dédit alors et maudit les présents
Que le ciel lui fait tous les ans.

Nous faisons cas du beau, nous méprisons l'utile:
Et le beau souvent nous détruit.
Ce cerf blâme ses pieds qui le rendent agile;
Il estime un bois qui lui nuit.

X

LE LIÈVRE ET LA TORTUE

Rien ne sert de courir; il faut partir à point;
Le lièvre et la tortue en sont un témoignage.
Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point
Sitôt que moi ce but. Sitôt ! êtes-vous sage?
Repartit l'animal léger :

Ma commère, il vous faut purger
Avec quatre grains d'ellébore

Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait ; et de tous deux
On mit près du but les enjeux.
Savoir quoi, ce n'est
pas

l'affaire,

Ni de quel juge l'on convint.

Notre lièvre n'avait que quatre pas à faire;
J'entends de ceux qu'il fait lorsque, près d'être atteint,
Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes, .
Et leur fait arpenter les landes.
Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter,
Pour dormir, et pour écouter

D'où vient le vent, il laisse la tortue

Aller son train de sénateur.

Elle part, elle s'évertue;

Plante que les anciens croyaient propre à combattre la folie.

Elle se hâte avec lenteur.

Lui cependant méprise une telle victoire,
Tient la gageure à peu de gloire,
Croit qu'il y va de son honneur
De partir tard. Il broute, il se repose;
Il s'amuse à toute autre chose

Qu'à la gageure. A la fin, quand il vit
Que l'autre touchait presque au bout de la carrière,
Il partit comme un trait; mais les élans qu'il fit
Furent vains la tortue arriva la première.

:

Eh bien! lui cria-t-elle, avais-je pas raison?
De quoi vous sert votre vitesse?
Moi l'emporter! et que serait-ce
Si vous portiez une maison?

XI

L'ANE ET SES MAITRES

L'àne d'un jardinier se plaignait au Destin
De ce qu'on le faisait lever devant l'aurore.
Les coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin,
Je suis plus matineux encore.

Et pourquoi? pour porter des herbes au marché.
Belle nécessité d'interrompre mon somme!
Le Sort, de sa plainte touché,

Lui donne un autre maître; et l'animal de somme
Passe du jardinier aux mains d'un corroyeur.
La pesanteur des peaux et leur mauvaise odeur
Eurent bientôt choqué l'impertinente bête.
J'ai regret, disait-il, à mon premier seigneur :
Encor, quand il tournait la tête,

J'attrapais, s'il m'en souvient bien,

Quelque morceau de chou qui ne me coutait rien :
Mais ici point d'aubaine, ou si j'en ai quelqu'une :
C'est de coups. Il obtint changement de fortune;
Et sur l'état d'un charbonnier

Il fut couché tout le dernier.

Autre plainte. Quoi donc ! dit le Sort en colère,

Ce baudet-ci m'occupe autant

Que cent monarques pourraient faire !
Croit-il être le seul qui ne soit pas content?
N'ai-je en l'esprit que son affaire?

Le Sort avait raison. Tous gens sont ainsi faits.
Notre condition jamais ne nous contente;
La pire est toujours la présente.
Nous fatiguons le ciel à force de placets.
Qu'à chacun Jupiter accorde sa requete,
Nous lui romprons encor la tête.

XII

LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES

Aux noces d'un tyran tout le peuple en liesse 1
Noyait son souci dans les pots.

étaient sots

Ésope seul trouvait que les gens
De témoigner tant d'allégresse.
Le Soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l'hyménée.

Aussitôt on ouït, d'une commune voix,
Se plaindre de leur destinée

Les citoyennes des étangs.

Que ferons-nous s'il lui vient des enfants? Dirent-elles au Sort; un seul Soleil à peine Se peut souffrir une demi-douzaine Mettra la mer à sec et tous ses habitants. dieu joncs et marais

notre race est détruite,

Bientôt on la verra réduite

A l'eau du Styx. Pour un pauvre animal, Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.

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XIII

LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT

Ésope conte qu'un manānt,

Charitable autant que peu sage,
Réjouissance.

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Un jour d'hiver se promenant
A l'entour de son héritage,
Aperçut un serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile, rendu,
N'ayant pas à vivre un quart d'heure.
Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure
Et sans considérer quel sera le loyer1
D'une action de ce mérite,

Il l'étend le long du foyer,
Le réchauffe, le ressuscite.
L'animal engourdi sent à peine le chaud,
Que l'âme lui revient avecque la colère.
Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt;
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père.
Ingrat, dit le manant, voilà donc mon salaire!
Tu mourras! A ces mots, plein d'un juste courroux,
Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête;
Il fait trois serpents de deux coups,

La récompensc.

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