Obrazy na stronie
PDF
ePub

bienheureux de réputation plus brillante. Aussi, l'hagiographe n'a-t-il rien à tirer de ces nouveaux documents. Ce qui ne veut pas dire que l'historien de la liturgie provinciale devrait négliger ces livres de date moins ancienne; ils ont d'ailleurs pour le bibliophile le mérite d'établir des progrès considérables dans le développement de l'imprimerie en Bretagne. Ces grands changements dans nos ouvrages liturgiques s'expliquent par caractère médiocrement breton de certains évêques chargés par le roi de France de présider aux destinées de nos diocèses; ils s'expliquent bien davantage par la légitime défiance de l'Eglise à l'égard des cultes singuliers, défiance avivée par les railleries des Protestants'; ils s'expliquent surtout par le mouvement religieux d'unification romaine inspiré par le concile de Trente. Enfin,

1. Le Concile de Cologne de 1536 exhorte les prélats à réformer les bréviaires défectueux, puis à chasser plusieurs histoires de saints, fausses ou douteuses, mises à la place de l'Ecriture. Au Concile de Tours de 1583, auquel tous les évêques de Bretagne participèrent. soit en personne, soit par leurs représentants, on appela l'attention des prêtres sur les exhibitions imprudentes de reliques; on fit remarquer que mieux valait priver d'honneurs certains restes vénérables que d'accorder des hommages à des ossements impurs.

---

2. Le bréviaire de Pie V- - ou bréviaire romain réformé parut en 1568. La bulle de publication: Quod a nobis postulat ratio pastoralis officii, proscrivait l'emploi de tout autre livre d'offices sacrés, à moins que ce livre ne pût exciper de deux cents ans d'existence. Malgré ses imperfections sérieuses, le Pianum, comme on l'appelle, constituait une œuvre remarquable. Aussi a-t-il servi de base à la correction du texte et des rubriques dans les provinces ecclésiastiques de France qui conservèrent leur ancienne liturgie. Il arriva cependant qu'au xvшr siècle, les brėviaires de la plupart des diocèses français se distinguèrent nettement par certaines particularités. Mais, avec le développement des idées ultramontaines, le retour aux purs usages liturgiques de Rome se fit nettement sentir à partir de 1840. « Le diocèse d'Orléans lui-même, qui seul jusque-là avait conservé son rite particulier, prit, de sa propre initiative, le bréviaire romain en 1875, sous Me Dupanloup.» (BÄUMER traduit par BIRON, Hist. du brév., Paris, 1905. t. II. p. 335.)

En Bretagne, les anciens bréviaires diocésains furent abandonnés définitivement dans le premier quart du xvIIe siècle. La question d'économie, me semble-t-il, y fut certainement pour quelque chose. Il était plus simple et meilleur marché d'adopter le Pianum en y ajoutant un Propre (ou officia propria) des saints locaux, que d'entreprendre à ses frais une docte refonte d'un totum (ou bréviaire complet). Un évêché « crotté »

il faut tenir compte du renouvellement des études classiques, qui soufflait le dédain du style gothique à travers les lettres et les arts.

- c'est l'expression dédaigneuse du temps comme le diocèse de Tréguier, trouvait difficile de préparer et de publier un Propre (nommé encore Sanctoral ou Lectionnaire) pour la circonscription ecclésiastique. Toutefois, quelques prélats de Bretagne tinrent à honneur de faire sortir un bréviaire romain des presses de leur ville épiscopale. Je crois que le Propre de Saint-Malo, édité en 1615, sans doute chez Marcigay, accompagnait un totum qui dut être imprimé dans cette ville. En tout cas, l'année 1627, parut, chez Denis Lesné, à Rennes, un Breviarium romanum ex decreto sacrosancti concilii tridentini restitutum, Pii V Pontificis maximi jussu editum et Clementis VIII auctoritate recognitum. Ce fort volume est un petit in-quarto qui comprend 896 + CXLVII pages. Sur le titre (de l'exemplaire conservé au Grand-Séminaire de Rennes) on voit les armes du pape Urbain VIII, les armes de France, celles de Bretagne, celles de l'évêque Pierre Cornulier, celles de la ville. Le médaillon qui sert de cachet à l'imprimeur montre un vaisseau portant deux inscriptions: l'une sur un livre ouvert, à la proue: Regnante Ludovico XIII, l'autre sur une flamme, au mât d'arrière: Deus solus dux meus. L'ouvrage comprend la fête des Impressions des Stigmates de saint François, qui fut accordée à l'Eglise universelle par rescrit du 28 août On n'a pas relié avec ce volume les offices propres au diocèse

1615. rennais. Dans la dernière partie du XVIIIe siècle, jugeant excellentes les modifications apportées au brėviaire romain par leurs collègues des autres diocèses français, les évêques de Bretagne voulurent en faire profiter leurs prêtres. Vers 1835. nous apercevons encore Mar de Poulpiquet, docteur de Sorbonne, prélat zélé. en train d'introduire à Quimper le rite parisien (TRESVAUX, Les vies des SS. de Bretagne, I. Paris, 1836, p. XXVI). On aimait dans les offices de la capitale une meilleure répartition des psaumes, un plus abondant emploi de l'Ecriture, une véritable circonspection à l'égard des légendes, un goût littéraire plus délicat. Aussi bien, la controverse de la valeur respective du bréviaire romain et des bréviaires français s'ouvrit dès la première année de la Restauration (L'Ami de la religion et du roi, t. II, 1814. p. 177-184, p. 272). Mais la discussion ne s'étendit puissamment qu'à partir de 1840, après l'apparition des Institutions liturgiques composées par Dom Guéranger. Sur le diapason de la lutte, on pourra consulter Mer Fayet. évêque d'Orléans. Son Examen des institutions liturgiques de Dom Guéranger est probablement la meilleure et la plus calme réponse à l'abbé de Solesmes. Les évêchés de Bretagne se rallièrent à la liturgie romaine : Saint-Brieuc, Vannes et Rennes, en 1848; Quimper, en 1852; Nantes, en 1858. (Voir les Décrets de la congrégation des rites ou pièces justificatives, qui accompagnent les Officia propria en usage dans le clergé breton, et surtout les mandements épiscopaux qui annoncèrent le retour des divers diocèses au rite romain.)

Au Concile du Vatican, si malheureusement interrompu, les évêques de France proposèrent des changements qui rendraient le brėviaire romain plus cher à leurs diocèses. La revision dans le sens demandé se produira peu à peu, lorsque les temps seront propices. (BÄUMER et BIRON, loc. cit., II, p. 404-405).

2. Hélas! dans la publication des livres liturgiques jusqu'au début du XVIIe siècle, la part des imprimeries fonctionnant en Bretagne n'est pas encore suffisamment connue, mais elle semble plutôt peu abondante; en ce qui concerne les volumes capitaux bréviaires et missels elle paraît faible.

[ocr errors]

D'autre part, s'il s'agit des manuscrits liturgiques, il est difficile de fixer dans quelle mesure ils ressortissent à l'art breton. Nous n'avons qu'un missel signé d'une manière très claire par le calligraphe, et ce digne cornouaillais n'a pas créé un chef-d'œuvre. Au xv° siècle, pour ce genre de travaux, les particuliers et les fabriques s'adressaient, il est permis de le croire, à des prêtres qui s'étaient fait une spécialité. Primitivement les abbayes avaient été les principaux foyers de culture intellectuelle. Nous conservons des vestiges vénérables d'ouvrages composés ou copiés à Landevenec1. Mais quels ont été le rôle et l'influence de nos monastères dans l'art du livre, on le devine, sans tenir beaucoup de pièces à conviction.

3.

Nos bréviaires manuscrits, alors qu'ils sont de la même époque et du même diocèse, n'ont pas toujours une série d'offices et un calendrier identiques. C'est qu'un volume servait dans tel côté de la circonscription ecclé

1. La Bibliothèque du Corpus Christi College, à Cambridge, conserve un Amalarius *, qui a été écrit à Landevenec et qui renferme des gloses en breton (M. R. JAMES, The ancient libraries of Canterbury and Dover, Cambridge, 1903, p. xxvIII). La compilation canonique du scribe Arbedoc pour l'abbé Hael Hucar (ms. du xe siècle, à la BIBL. NAT., lat. 12021, fol. 539, ro) se rattache peut-être aux travaux de cette abbaye de Landevenec, qui garda longtemps son caractère scoto-breton. Dans cette maison religieuse on avait, comme le prouve son cartulaire. un goût très vif pour la versification latine. Plusieurs vies de saints ont été composées en ce lieu la vie de Paul Aurélien, par Wrmonoc, et celle de Guingalois, par Wrdisten.

:

⚫ Amalaire est l'auteur d'un Traité des offices ecclésiastiques composé vers l'an 820 et auquel les liturgistes se référent pour connaître la tradition ancienne.

siastique, lequel avait son hagiographie particulière, tandis que l'autre volume était rédigé en vue d'une seconde partie du diocèse, où les mêmes saints ne florissaient pas également. Destiné à telle église, l'ouvrage liturgique se distinguait par l'office du Bienheureux patron. Parfois, à la suite d'une fondation pieuse, pouvait s'implanter dans certaine paroisse une fête venue de l'Eglise de France ou de l'Eglise de Rome'. On profitait d'ailleurs de la confection de chaque nouveau missel pour introduire quelques messes récentes, qui jouissaient d'une considération, mainte fois momentanée.

4. Un mot des calendriers. Ces pièces que l'on trouve dans les bréviaires et les missels constituent de précieux documents historiques. En effet, ils permettent souvent de conclure à l'identité des vocables par l'identité de dates. On sait combien certains noms offrent de difficultés aux hagiographes. Plusieurs personnages celtiques avaient un surnom, ou leur nom avait une double forme. Toseocus était surnommé Siteredus. La légende raconte qu'au baptême Argariarga préféra s'appeler Osmanna. Encore Woednovius (qui est devenu Goez

1. A la fin du missel de Chartres de 1529 [BIBL. NAT., réserve. vélins, 162] on ajouta la messe de la Transfiguration, avec cette note: Quod festum est solenne in ecclesia carnotensi : Ex fundatione Magistri Iohannis de la Croix canonici carnotensis: orate pro eo. Calixtus Papa III instituit hoc festum et concessit tot indulgentias quot predecessores sui concesserunt in festo Sancti Sacramenti.

Mais prenons des exemples chez nous. Le chanoine Antoine Bernard (mort au commencement de 1527) fonda dans la cathédrale de Rennes la fète de son saint patron (GUILLOTIN DE CORSON. Pouillé de Rennes, I, p. 223). La solennité de l'Octave du Šaint-Sacrement ne fut célébrée à Dol qu'au début du XVIe siècle. Ce fut l'évêque de cette cité, François Elie de Voyer de Paulmy d'Argenson, qui, avec les libéralités de plusieurs personnes. «fonda l'octave du sacre, » laquelle fut desservie dans la cathédrale pour la première fois l'an 1709 (ARCHIV. DU PRESBYTÈRE DE DoL. ms. de Juhel de la Plesse*, écrit dans le dernier quart du XVIIIe siècle).

[ocr errors]

Une copie de ce manuscrit a été déposée à la nouvelle BIBL. DE LA VILLE DE

noveus et Gouesnou) s'appelait aussi Towoedocus (qui est devenu Touezec). Ou bien Hercanus se transformait en Herculanus, par une sorte de jeu de mots. D'après M. J. Loth, Winwaloeus désigne Guingalois, ou Guénolé, ou Connec, ou Devenec, ou Tegonec. De même, d'après M. H. Zimmer, Lugbeo, Luan, Molua, Moluan, Tolua, Moluoc, représentent une seule personne. Kirec s'appelait en plus Guévroc, dit M. de la Borderie, et Ténénan se nommait aussi Tinidor. Voici des aspects multiples d'un même nom Tyvrydoc, Dyorydoc, Defridec, Teffredeuc, Effredeuc, Evarzec.

A l'évolution des divers vocables en diverses contrées, ajoutez les fautes de copistes, qui ne sont pas rares et ne manquent pas de bizarrerie, vous jugerez l'embarras que l'on éprouve de temps en temps dans l'assimilation de formes différentes. Or le rôle du calendrier consiste à trancher les hésitations du phonétiste et de l'historien. Il ne faudrait pas oublier, cependant, que les calendriers eux-mêmes n'ont pas toujours été fidèles et je parle des plus anciens de notre province à maintenir le souvenir d'un saint à une date intangible.

Nous avons profité du présent travail pour élucider quelques questions hagiographiques.

5. - En Angleterre on a donné de nouvelles éditions, et très soignées, des vieux bréviaires d'York et d'Aberdeen; on a réédité les missels d'Hereford et de Westminster; de Robert de Jumièges, évêque de Londres; de Sherborne, de Salisbury, de Léofric, évêque d'Exeter;

on

publié une importante collection de vieux calendriers ecclésiastiques d'Ecosse; des savants ont donné

1. Voici comment s'exprime M. J. Loth, dans un article que je reçois aujourd'hui : « Les Bretons avaient fréquemment deux noms, l'un complet et composé, l'autre abrégé, ne comprenant que le premier terme avec un suffixe variable et parfois le préfixe to. » (L'Hermine, fėvrier 1905, p. 150.) Et l'auteur montre les variétés du nom de Brieuc

« PoprzedniaDalej »