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avec les terres de fondation. Tous ces biens, ils se les distribuèrent sacrilègement entre eux, sans admettre à ce partage le pauvre monarque, bien qu'on déclarât ouvertement qu'on n'avait d'autre intention, dans cette spoliation des châsses et des tableaux, que de remplir les coffres du roi et d'augmenter ses revenus par l'expropriation des autres biens (1). » L'accusation de Heylin est aussi grave qu'elle est générale, et peutêtre que le vague de son expression pourrait laisser dans quelques esprits des soupçons d'exagération. Mais ici les dépositions sont unanimes; et, à part les ravisseurs, qui ne rougirent pas plus de leurs dénégations effrontées que de leurs vols, tous élevèrent la voix pour flétrir et condamner ces hideuses saturnales de la réforme anglicane. Suivons un moment quelquesuns de ces courtisans rapaces, et, avant tous les autres, l'ami et le confident de Cranmer, le duc de Somerset, qui donna le signal du pillage et s'en attribua la meilleure part.

Somerset veut se construire un palais. Sur le champ, pour préparer l'emplacement de son opulente demeure et se procurer des matériaux, il fait renverser trois maisons épiscopales, deux églises, une chapelle, un cloître et une maison destinée à recevoir les corps pour la sépulture. Les tombeaux sont ouverts, et, sous les yeux d'une population consternée, des ossements sont retirés avec une sacrilège indécence du lieu où ils reposaient depuis de longues années, et transportés à charges pleines sur des tombereaux jusqu'à Bloomsbury. Peu satisfait encore, le protecteur voulait renverser l'église de SainteMarguerite; mais il fut contraint de céder devant les colères meçantes des habitants du quartier, qui repoussent et maltraitent les ouvriers envoyés pour l'abattre. Il n'y a pas jusqu'à la magnifique église de Westminster qui n'ait failli tomber sous le marteau démolisseur. Sa proximité de la cathédrale de Londres faisait penser au duc de Somerset qu'elle n'était pas d'une grande nécessité. D'ailleurs les revenus de cette basilique étaient considérables,ses bâtiments grands et magnifiques, et leur démolition devait fournir les plus précieux matériaux. Heureusement l'indignation publique protesta contre cet acte de vandalisme et le protecteur céda. Toutefois, afin d'assouvir son insatiable avidité et celle de son frère, Thomas Seymour, il fallut leur abandonner la vieille abbaye et près de trente manoirs qui lui appartenaient (2). C'est alors que l'on vit avec 1. Peter Heylin, History of Reformation, préface. 2. Dr Southey, Book of the Church, vol. 11, p. 123.

horreur des chevaux abreuvés dans la pierre et le marbre des tombeaux ; alors que les débris des églises renversées vinrent décorer les palais des plus puissants seigneurs du royaume. « Jamais,» au témoignage des anglicans eux-mêmes, «< jamais, dans aucune contrée chrétienne, il n'y avait eu une semblable dévastation (1). » Un long cri de douleur s'échappe de tous les cœurs honnêtes à la vue de ces ruines amoncelées. « Qui peut se souvenir sans tristesse et sans indignation, s'écrie le Dr Southey, de tant de monuments magnifiques qui ont été renversés dans cette tumultueuse destruction? Malmersbury, Battle, Waltham, Malvern, Lantony, Rivaux, Fontains, Whalley, Kirkstall et tant d'autres églises, les plus nobles travaux de l'architecture et les plus vénérables monuments des temps anciens, chacun en particulier la bénédiction des pays environnants et tous ensemble la gloire du royaume ! Glastonbury, le plus respectable de tous ces édifices, encore moins par son incontestable antiquité que par les faits qui se rattachent à son histoire; Glastonbury qui, pour la beauté et la perfection de son architecture, était égalée par peu d'abbayes, n'était surpassée par aucune; Glastonbury, après que Somerset l'a dépouillée et ruinée, est changée en une manufacture où des tisserands français et wallons, réfugiés pour la plupart, doivent exercer leur métier (2) ! »

Au moment où l'hérésie, encore à sa naissance, se livre à ces excès, où sont les évêques qui naguère ont vendu lâchement leurs droits divins et leur conscience à un roi despote et corrompu? Quelles sont leurs protestations contre ces attentats qui s'accomplissent autour d'eux ? Quels actes opposentils à ce débordement des mauvaises passions conjurées? Que font-ils ? Ils livrent cux-mêmes une partie des biens de leurs églises pour en conserver un faible reste avec leur siège déshonoré. Voisy, évêque d'Exeter, aliène quatorze des meilleurs manoirs de son évêché, et grève ses autres biens par des pensions et des baux à longs termes pour imposer silence à d'avides accusateurs. Kittchen de Llandaff, Salcot de Salisbury, Sampson de Lichfield, afin de détourner le mauvais vouloir de la cour, qui les trouve tièdes dans l'œuvre de la réforme, abandonnent également une portion des biens de leurs églises. La seule cathédrale de Lichfield fournit à lord Guillaume Paget les ressources suffisantes pour se créer une 1. Collier, Eccl. Hist., vol. II, book IV, p. 249. 2. Dr Southey, Book of the Church, vol. II, p. 121,

Servitude du c'ergé schismatique.

Spolations et

rapines.

baronie. La rapacité des grands n'a d'égale que la lâcheté des prélats, qui continuent de courber honteusement la tête devant le nouveau tyran de l'Angleterre. Qu'attendre, en présence de Somerset, des anciens esclaves de Henri VIII, si ce n'est des bassesses et des infamies? La plus humiliante ne s'était pas encore produite : Cranmer va l'étaler au grand jour.

Il n'y avait que peu de temps encore qu'Édouard était monté sur le trône, quand le métropolitain sollicita une nouvelle commission pour l'exercice de ses fonctions. Sa juridiction archiepiscopale et métropolitaine ayant expiré avec Henri VIII, qui la lui avait accordée, c'était à ses yeux une nécessité absolue d'obtenir de son successeur de nouveaux pouvoirs. Cranmer, il faut l'avouer, n'était ici que simplement conséquent avec lui-même, puisque, comme il l'a déjà déclaré, toute juridiction, soit ecclésiastique, soit civile, découle du roi comme chef suprême de l'Église, et que le prince est le fondement de tout pouvoir spirituel ou temporel. La leçon fut comprise, et Édouard VI, avec le concours des courtisans et des novateurs qui l'obsédaient, saura comme son père user de sa prétendue suprématie pour continuer l'œuvre de réforme et de spoliation.

Alors en effet, comme le marque le livre du conseil, furent expédiés des ordres pour purger la bibliothèque de Westminster. Les commissaires chargés de cette opération avaient à en retirer tous les livres de superstition, tels que missels, légendaires et autres semblables. Toutes les garnitures ou ornements devaient passer dans les mains de sir Antoine Aucher. «Or, ces livres, en grand nombre, étaient plaqués d'or et d'argent et ciselés d'une manière remarquable. Ce fut là, autant que nous pouvons le juger, dit le protestant Collier, la superstition qui les fit détruire. La cupidité ne se déguisa que très faiblement, et les courtisans montrèrent d'une manière manifeste quel esprit les animait. Les bibliothèques d'Oxford, continue toujours le même historien, subirent cette année (1550) le même traitement de la part des visiteurs royaux. On emporta un chariot tout rempli de manuscrits, qui furent livrés aux usages les plus scandaleux. Les collèges de Bailliol, d'Exeter, de la Reine et de Lincoln, furent purgés d'une grande partie des ouvrages des Pères et des Scolastiques. Et pour montrer que chez quelques-uns le discernement était au niveau de la justice, on les vit, afin de manifester l'antipathie qu'ils portaient aux

hommes instruits, jeter dans un brasier, au milieu de la place publique, un nombre considérable de ces livres. De jeunes étudiants, aveugles et ignorants, appelaient cette exécution les funérailles de Scot (1).» Les excès furent tels que Ridley lui-même, si ardent d'ailleurs pour avancer l'œuvre de la réformation, recula un moment de dégoût et d'indignation. Chargé avec plusieurs autres de procéder à la visite de l'université de Cambridge, il renonça à cette mission, « déclarant qu'en bonne conscience il ne pouvait aller plus loin sur cet article; que l'église était déjà assez pillée et dépouillée, et qu'il semblait que ce fût chez quelques-uns un dessein arrêté de bannir de la nation toute urbanité, toute science et toute religion (2). » Et voilà, de l'aveu même des plus zélés réformateurs, où en était la nation anglaise quelques années après que l'hérésie avait commencé à y répandre ses funestes doctrines.

Pendant que les courtisans, comme des harpies dévorantes, se jettent sur les biens des églises, « le conseil privé, projetant une réforme plus étendue, prend la résolution d'envoyer des commissaires dans toutes les parties du royaume pour une nouvelle visite (3). » L'honneur de cette mesure, qui achèvera de donner à la réformation anglicane son caractère exclusivement civil et laïque, et de renverser les anciennes croyances catholiques, revient encore principalement à Cranmer. Avant tout, admirons le courage de ce héros de l'anglicanisme, et la rare intrépidité que lui reconnaît son plus enthousiaste apologiste; écoutons le naïf aveu du Dr Burnet. « Cranmer, dit-il, maintenant délivré de cette sujétion trop redoutable sous laquelle il avait été tenu par Henri, résolut de marcher plus vigoureusement dans l'extirpation des abus. Il avait pour lui le protecteur, qui lui était intimement uni pour ce dessein. Le Dr Cox et M. Cheek, placés auprès du jeune roi, s'appliquaient beaucoup de leur côté à faire pénétrer dans son esprit les principes de la religion... Cranmer avait aussi plusieurs évêques attachés à son parti (4). » Toutefois ces novateurs audacieux ne furent pas sans rencontrer des adversaires que révoltaient tant de lâchetés et de turpitudes. Quelques pasteurs épouvantés vou

1. Collier, Eccles. Hist., vol. 11, book IV, p. 306.
2. Burnet, Hist. of Reform., vol II, p. 120.
3. Dr Collier, Eccl. Hist., vol. 11, p. 224.
4. Burret, Hist. of Reform., vol. II, p. 25.

« Cranmer being now delivered

from that too awful subjection that he had been held under by Henry, resolved

to go on more vigorously in purging out abuses, etc. >>

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Avilissement de l'épiscopat.

laient remonter le courant qui les emportait à l'abîme; mais leur vertu affaiblie par les défaillances du règne précédent, mais l'isolement auquel ils s'étaient condamnés en rompant, sur l'ordre de Henri VIII, avec le centre de l'unité catholique, rendaient impuissants tous leurs efforts contre l'erreur, la ruse et la violence conjurées. La ruine donc sera lamentable, et les évêques schismatiques n'y arriveront qu'après avoir dévoré jusqu'à la dernière toutes les humiliations que leur prépare encore l'indigne métropolitain de Cantorbéry. Ce n'est pas assez qu'ils aient après lui reconnu que la juridiction spirituelle et ecclésiastique appartient au roi, et qu'il lui sera loisible de la confier à un vice-gérant; les prélats voient maintenant une commission de laïques suspendre de par le roi cette prétendue juridiction pour se l'arroger à eux-mêmes. Provoquée par Cranmer, cette commission, qu'on envoie dans tout le pays pour une visite générale, « est composée de deux gentilshommes, d'un citoyen, d'un théologien et d'un greffier (1) » pour chacun des six circuits entre lesquels a été partagé le royaume. Notification est faite de cette visite à chacun des prélats, dans un style qui annonce que leur soumission absolue pourra seule les maintenir sur leurs sièges.

Un cri de réprobation devait en ce moment sortir de la poitrine de tous ces évêques, dont le caractère sacré était foulé indignement aux pieds; mais soit intimidation, soit entraînement, tous, excepté Gardiner, de Winchester, gardèrent le silence. Il était réservé à ce prélat, dont la gloire serait pure s'il n'avait aussi fléchi devant Henri VIII et affligé par un langage peu respectueux le cœur du vénérable Clément VII, d'élever la voix contre le métropolitain pour mettre à nu toutes ses duplicités et ses fourberies. Cranmer n'en fournissait que trop d'occasions. Il semblait que, dans son désir de faire disparaître jusqu'aux moindres vestiges de l'ancienne religion, iloubliât cette réserve artificieuse et cette adresse qui lui faisaient rarement défaut. Mais Burnet vient de nous révéler le secret de cette lâche audace: « Cranmer était délivré de la sujétion trop redoutable sous laquelle il avait été tenu par Henri. » Il comprend qu'il n'a rien à craindre d'un roi enfant, qui lui-même le craint, ni du protecteur de ce roi pupille, qui ne voit dans la réforme qu'une question de pouvoir et de fortune. L'opposition, si elle ose se produire, ne saurait venir que du clergé, déjà 1. Dr Neal, Hist. of the Puritains, vol. I, p. 42.

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