Obrazy na stronie
PDF
ePub
[blocks in formation]

quelles le nouveau chef de l'église d'Angleterre allait sanctionner sa suprématie. Car, malgré la défection du haut clergé séculier, il y eut dans les monastères de généreuses et héroïques résistances, et il fallut répandre des flots de sang pour contraindre les religieux de différents ordres à renoncer à l'obéissance due au Vicaire de JÉSUS-CHRIST. Trois prieurs des Chartreux de Londres paraissent les premiers devant le tribunal. Tout leur crime est de ne point reconnaître au roi le titre de chef suprême de l'église d'Angleterre qu'il s'arroge. Les jurés se refusent à condamner ces victimes; mais Cromwell s'irrite, menace et déclare qu'il fera lui-même condamner comme traîtres ceux qui refuseront de porter une sentence de mort (1). Cette sentence est prononcée et exécutée presque aussitôt sous les yeux du peuple épouvanté.

Henri VIII, poussé en quelque sorte par les furies du crime, continue de frapper, et cette fois ses coups tombent sur deux têtes devant lesquelles s'inclinait avec respect tout ce qu'il y avait de juste, d'honnête et de religieux en Angleterre et dans l'Europe entière. Jean Fisher et Thomas Morus, malgré toutes les tentatives de la séduction et de la crainte, restent inébranlables dans leur foi et refusent de reconnaître à ce prince, qu'ils ont fidèlement servi de longues années, une autorité ! qu'il arrache au successeur du prince des Apôtres. Le vieil évêque en appelle au livre qui a mérité à Henri VIII le titre de Défenseur de la foi; l'ancien chancelier en appelle, du parlement anglais incompétent dans les questions religieuses, au parlement de l'Église catholique tout entière. Tous deux écoutent sans s'émouvoir leur arrêt de mort, et, le front rayonnant de joie, marchent à l'échafaud en priant Dieu pour l'Angleterre et son malheureux roi.

Ce sang si pur, qui coule sous la hache du bourreau, semble endurcir encore davantage l'âme voluptueuse et féroce de Henri VIII, et la rendre plus insensible aux châtiments par lesquels Dieu le rappelle à lui. Sa légitime épouse, la vertueuse Catherine d'Aragon, qu'il a si longtemps abreuvée d'amertumes, expire dans le plus cruel abandon. Henri ne daigna pas même exécuter une seule de ses dernières volontés. Anne

1. Salmon, Modern. Hist., vol. XIX, p. 181. « Il semble, dit Lingard, que l'on ait admis en principe, pendant tout ce règne, que dès que la couronne mettait un individu en jugement, il importait peu par quel moyen on le trouverait coupable. Hist. d'Angleterre, règne de Henri VIII.

[graphic]

EXÉCUTION (A) de Messire JEAN FISCHER, Évêque de Rochester, inscrit peu auparavant, pour sa grande piété, au très éminent Collège des Cardinaux ; (B) du Seigneur THOMAS MORUS, Chevalier, et peu auparavant Chancelier du royaume; (C) de la Comtesse DE SALISBURY, mère du Cardinal Polus, d'après une gravure de 1587.

Boleyn, qui, à la nouvelle de cette mort, s'est écriée avec transport: «Enfin je suis Reine! » est bientôt arrêtée, jugée et condamnée ; et sa tête, sur laquelle pèsent les plus flétrissantes accusations, tombe sous la hache du bourreau. Le lendemain de cette exécution, Henri épouse Jeanne Seymour, qu'une mort précipitée lui enlève seize mois plus tard. Cependant des insurrections formidables éclatent dans les comtés du nord: les révoltés, donnant à leur entreprise le nom de Pèlerinage de grâces, grossissent rapidement leur nombre et tous ensemble marchent sur la capitale. L'alarme règne au palais; mais des promesses trompeuses dissipent peu à peu tous les rassemblements armés, et des exécutions en masse révèlent bientôt aux nations catholiques que Henri en est venu à fouler aux pieds sans pudeur les lois sacrées de l'honneur comme les droits les plus inviolables de la conscience et de la religion.

Dans ce moment même, le monarque anglais songeait à satisfaire une passion qui ne le tourmentait pas moins que celle dont il était depuis longtemps l'esclave. Il y avait déjà deux ans que, sur une menace d'abattre quelques têtes dans son parlement, il avait obtenu la dissolution de tous les petits couvents du royaume. Les grandes abbayes, au dire des visiteurs royaux, étaient exemptes des abus qu'on rencontrait dans ces communautés moins puissantes. Mais maintenant que ces premières dépouilles ont été dissipées, et que la cupidité des courtisans enrichis par le sacrilège a éveillé d'autres cupidités moins heureuses, on se décide à attaquer les monastères eux-mêmes naguère si réguliers. Henri toutefois paraît avoir éprouvé un sentiment de honte devant ce témoignage manifeste de mauvaise foi et ce nouveau larcin. Aussi «eut-il recours à l'instrument ordinaire de son pouvoir le parlement. Dans le but de préparer les esprits aux innovations qu'il méditait, on publia le rapport des visiteurs royaux, et on s'efforça d'exciter dans la nation une horreur générale contre des institutions qui avaient été pour les ancêtres l'objet de la plus profonde vénération (1). » C'est alors que des bandes innombrables d'hommes sans aveu se jettent sur les opulentes abbayes du royaume et y enlèvent, au nom du gouvernement, tout ce qui tombe sous leurs mains. Les tombeaux du grand

1. Hume, Hist. of England, t. IV, p. 444.

Pillage des abbayes.

Cruelles rigueurs du roi schismatique

contre les hérétiques.

Alfred et de saint Augustin ne sont pas même épargnés. La châsse de saint Thomas Becket, avec son trésor, passe dans les coffres du monarque, et l'archevêque-martyr, par la plus monstrueuse procédure si elle n'était la plus ridicule, est cité à comparaître au tribunal de Henri pour rendre compte de ses attentats contre la royauté.

Au milieu de ces excès de la passion en délire, l'hérésie impatiente cherche de toutes parts à pénétrer dans le royaume. Henri VIII, au nom de sa suprématie spirituelle, la poursuit avec une impitoyable rigueur. Il commande, et le bill du sang ou des six articles est adopté par le parlement. Aussitôt des bûchers s'allument en divers lieux pour brûler les hérétiques et arrêter la propagation de leurs erreurs. Cranmer se distingue entre tous, au milieu de ces violences, par sa froide cruauté et son hypocrisie. Luthérien dans le cœur, il discute contre des luthériens en présence du roi, et signe, sans honte comme sans remords, l'arrêt de leur condamnation. Cet homme ne recule devant aucune infamie, dès qu'elle lui paraît répondre au désir du maître, et sa main souscrit sans trembler le warrant qui condamne à mort Thomas Cromwell lui-même, son principal complice, appelé justement comme lui une colonne de la réforme en Angleterre. La justice de Dieu commençait à frapper les grands coupables qui avaient entraîné la nation sur les bords de l'abîme où elle se débattait péniblement.

En effet, malgré le statut du sang, malgré les tortures et les bûchers, l'hérésie toujours plus audacieuse faisait retentir sa voix dans tous les comtés. Ces accents réveillent l'âme abrutie du monarque voluptueux, et sa colère, impuissante devant ces erreurs qui débordent comme un torrent sur son royaume, le jette dans une sorte de frénésie. Transporté une dernière fois dans le parlement, Henri VIII y exhale les plaintes les plus amères : « C'est la faute du clergé, s'écrie-t-il, si l'Angleterre est déchirée par des dissensions intestines. Au lieu de prêcher la parole de Dieu, ils passent le temps à se railler les uns les autres, et les laïques, témoins de ces querelles, s'amusent à censurer leurs évêques, leurs prêtres et leurs prédicateurs. Quel remède à ces désordres de l'intelligence? Si vous apprenez que quelqu'un annonce une parole de mensonge, venez et dénoncez le novateur aux membres de notre conseil; venez le dénoncer à nous qui avons reçu de Dieu l'autorité de diriger les consciences, et gardez-vous bien de vous cons

« PoprzedniaDalej »