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exemple de fidélité. Vainement, pour y faire pénétrer l'erreur, employait-on les séductions, les promesses et les menaces: rien n'était capable de retenir les jeunes gens qui remplissaient les écoles d'Oxford et de Cambridge. Maîtres et élèves s'éloignaient en foule de ces chaires où il n'était plus permis d'enseigner que la nouvelle religion imposée par la loi. « Notre université est dans l'état le plus lamentable, écrivait, dès le 22 mai 1559, Jewell, évêque intrus de Salisbury; il n'y en a pas plus de deux à Oxford qui partagent nos sentiments. » Parker s'effrayait pareillement de cette solitude où les laissait le départ de tant d'étudiants, la gloire des écoles et l'espoir de la nation. En jetant les yeux autour de lui, il ne voyait pour les remplacer que des hommes dont il était contraint d'avouer la honteuse incapacité. « Il n'y en a pas deux, dit-il à la.reine, qui soient capables de faire une instruction ou qui le veuillent. » Et, bien qu'il y eût un grand nombre de prédicants, il craignait que plusieurs d'entre eux ne fussent que médiocrement préparés pour ce ministère. Ainsi paraissait-il de plus en plus manifeste que cette réformation anglicane, repoussée par le clergé, les universités et l'immense majorité de la nation, était l'œuvre unique de la violence, de l'astuce et des passions. La plupart des historiens anglais du temps le confessent eux-mêmes indirectement dans leurs écrits. << Il faut l'avouer, dit Antoine Wood, au commencement du règne d'Élisabeth, l'université fut si déserte, après que les catholiques l'eurent délaissée à cause du changement de religion, que rarement on entendait prêcher dans l'église Sainte-Marie. Dès l'année 1564, on ne trouvait plus, au collège Morton, un sujet qui pût ou voulût prêcher, tant il y avait peu de théologiens, non

seulement dans cet établissement, mais encore dans toute l'université (1). » Le même auteur rapporte ailleurs quelques particularités sur cette défection générale, et cite jusqu'à vingt-deux personnages de distinction chassés de New-collège, sept de celui de SaintJean, et une multitude d'autres des collèges de SainteMarie-Madeleine, de Lincoln et de la Trinité. Il semblait que l'université tout entière eût été abandonnée. Et telle était l'ignorance de ceux en petit nombre qui restaient, qu'on dut leur imposer, par commandement exprès, l'étude de la Bible pour qu'ils pussent en faire une lecture correcte. Un règlement fut également porté, en vertu duquel il était permis de lire en latin le livre de commune prière, par la crainte que cette langue, jusqu'alors usitée dans l'université, ne vint à se perdre. De tant de savants professeurs, bacheliers, docteurs, il ne restait plus que trois hommes capables de prêcher avec quelque réputation: Thomas Sampson, le docteur Humphrey, et André Kingsmill. Imbus des idées calvinistes, ils ne manquèrent pas de les inspirer à leurs élèves, et formèrent ainsi la première génération de ces puritains, qui bouleverseront un jour l'Église et l'État. L'université descendit plus bas encore dans son humiliation. Ces docteurs de mensonge, à qui néanmoins il faut reconnaître des talents, disparurent peu à peu. Sampson s'éloigna; Humphrey ne fit plus que de rares apparitions, et, en leur absence, les discours les plus absurdes et les plus méprisables furent prononcés dans ces chaires où avaient retenti, à toutes les époques, les voix les plus éloquentes.

Le peuple, de son côté, ne témoignait pas moins de répulsion pour la réforme, et cette opposition se pro

1. Dodd's Church History, édit. Tierney, tom. 11, p. 142.

duisait partout d'une manière énergique. Les évêques que la reine avait nommés ne trouvaient nulle part la servile complaisance dont ils avaient donné l'exemple. On les entend se plaindre auprès de Guillaume Cecil de la résistance des catholiques aux mesures adoptées pour leur faire abjurer leurs croyances. « Des papistes mal disposés et restés dans le royaume, d'autres papistes retirés sur le continent, les premiers par leurs discours, les seconds par leurs écrits, répandent toutes sortes de bruits. En tous lieux on paraît se préparer à un changement. Le peuple, qui le désire, parle et agit ouvertement sur tout ce qui concerne la religion, n'étant pas retenu par la réprimande ou par le châtiment. >> C'est Best, évêque anglican de Carlisle, qui constate ces faits. Il se plaint encore, et avec amertume, des gouverneurs et des juges de paix, qui semblent être de connivence avec les délinquants, et repoussent les demandes qu'on leur adresse de sévir contre ces papistes audacieux. Le prélat, dans l'ardeur de son zèle, demande que l'on châtie certains esprits pervers, qui, sans respect pour les bonnes lois du royaume, méconnaissent la suprématie de la reine et ne lui obéissent pas à lui-même, qu'elle a nommé leur évêque. Et non seulement ces hommes sont supportés, mais même ils occupent des places. Aussi, ceux qui persistent dans la mauvaise religion sont-ils enhardis et fortifiés, tandis que le découragement s'empare des autres qui ont embrassé la vraie doctrine. Le péril paraît si grand que le prélat n'ose en parler à qui que ce soit, si ce n'est au secrétaire de la reine, dont la discrétion et la sagesse lui sont connues. Pour lui, il a fait tout ce qu'il pouvait, et employé les moyens les plus efficaces; mais, à dire vrai, il est persuadé qu'aussi longtemps

qu'on laissera l'autorité entre les mains de ceux qui la possèdent, l'évangile du Seigneur ne pourra trouver place dans ce lieu (1). » Ainsi, malgré l'expulsion des évêques et de tous les prêtres catholiques restés fidèles, malgré les épurations successives opérées dans toutes les administrations, malgré l'empressement et l'ardeur de tous ces mercenaires, qu'un bill du parlement et la volonté de la reine ont constitués chefs et pasteurs des églises d'Angleterre, on ne pouvait encore parvenir à faire goûter les doctrines du pur évangile à ce peuple si avide, disait-on, de changement, et si fatigué du joug de Rome et du catholicisme. Un an plus tard, le 12 janvier 1562, Guillaume Cecil recevait une semblable communication de l'évêque anglican de Winchester. Winton se plaignait des habitants de sa ville épiscopale. «En dépit de tous ses efforts et des qu'il a employés, il ne peut les amener et réduire à la bonne uniformité dans la religion. » Il se désole également de ce que, depuis le temps où l'on disait la messe, le livre de commune prière n'a pas encore été mis en pratique. D'ailleurs on ne vient pas aux assemblées, et partant, la vraie et solide doctrine ne peut être enseignée. Il manque de bons ministres pour les églises, et ces églises elles-mêmes, quelques-unes du moins, auraient besoin, à cause de la modicité des revenus, d'être réunies ensemble. Sans cette mesure, il est impossible qu'elles soient bien desservies, et que les habitants de la ville épiscopale de Winchester abandonnent leurs superstitions et leur papisme. » Le prélat insiste d'autant plus sur ce point qu'il s'agit de la

moyens

1. Dodd's Church Hist., édit. Tierney, tom. 11, p. 319. « But truly thy is my very judgement indeed, that so long as the high autority is in his hands that now hath it, God's glorious gospel cannot take place here. »

cause commune de la religion, et que ces catholiques de Winchester étant très obstinés, leur changement sera d'un grand secours pour opérer la réforme dans tout le reste du comté (1). La difficulté de trouver un nombre suffisant de prédicants et la nécessité de travailler activement au soutien de l'œuvre de la reine, firent admettre alors un nouvel ordre de ministres, composé d'artisans. On les chargea de lire le service dans l'église, sans qu'il leur fût permis d'administer les sacrements. C'était encore autant de mercenaires engagés et intéressés dans la lutte contre la foi romaine. Comme ceux de qui ils avaient reçu leur prétendue mission, ces artisans ministres, dont le grossier amourpropre s'élevait avec hauteur contre toute protestation catholique, ne savent plus que ramper devant les spoliateurs qui achèvent de dépouiller à leur profit la malheureuse église d'Angleterre.

Le dernier mot de toutes les révolutions religieuses ou politiques, c'est l'égoïsme, qui sacrifie à un intérêt d'orgueil, de licence ou de cupidité jusqu'aux devoirs les plus sacrés. Ce caractère, qui se produisit partout où prit pied la réforme, reparaît en Angleterre dans cette seconde insurrection du pouvoir royal contre l'autorité de l'Église. La spoliation et le pillage avaient en tous lieux un attrait insurmontable, qui saisissait bien plus vivement les esprits que l'absurdité et l'inconséquence des doctrines retranchées derrière ces honteux appas. Du reste, les exemples venaient de haut: la reine, les ministres, leurs créatures et une foule de seigneurs continuaient d'apporter à cette œuvre de la réformation le zèle fort étrange dont l'historien Heylin se plaint au commencement du règne 1. Dodds' Church Hist., édit. Tierney, t. II, p. 228.

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