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nous, a été diversement appréciée par les historiens. Cette diversité de jugement tient elle-même aux opinions qui, depuis le XVIe siècle surtout, partagent les esprits. Son résultat direct, à la vérité, n'a pas été obtenu: Élisabeth conserva sa couronne et son pouvoir. Mais il est un effet supérieur que le regard de l'homme de Dieu, du pasteur des pasteurs, pouvait avoir aperçu. Si sa sentence n'arracha pas à des mains tyranniques un sceptre de fer qui frappait des innocents, elle prépara du moins à ces innocents les palmes du martyre. Et qui dira si ce n'est point ce sang qui est devenu, comme dans les premiers temps de l'Église, une semence féconde de nouveaux catholiques en Angleterre ? Qui sait si ce n'est point ce sang qui lui a conservé son antique foi et son attachement à l'Église mère et maitresse, malgré toutes les fureurs de l'enfer conjuré contre elle? L'hérésie, par d'artificieuses caresses et des ménagements hypocrites, minait insensiblement les âmes. Quelques années de plus et son œuvre satanique était achevée et la sève catholique tarie pour jamais dans ce grand arbre naguère si vigoureux. La persécution du glaive était devenue nécessaire pour réveiller des courages amollis et des vertus languissantes, pour élever jusqu'à l'héroïsme une fidélité que le temps, qui use tout, aurait usée à son tour, mais contre laquelle il est impuissant en face des supplices et des bourreaux. L'Angleterre allait en donner au monde un des exemples les plus éclatants qu'offrent les annales des peuples chrétiens.

Le parlement, cette fois encore, se montra le servile instrument des volontés de la reine et l'exécuteur de ses menaces et de ses vengeances. La bulle d'excommunication ayant été attachée à la porte du palais épis

copal de Londres par l'intrépide Felton, qui expia cet acte de courage dans les supplices, et diverses tentatives pour obtenir sa révocation à Rome étant restées sans effet, tout faisait présager que les chambres se montreraient implacables. Ces appréhensions n'étaient que trop fondées. Le parlement répondit au vou d'Élisabeth en adoptant « un bill qui interdit l'introduction ou l'exécution des bulles, écrits, instruments et autres prières superstitieuses venant du siège de Rome. » Après ce préambule injurieux, qui se retrouve en tête de presque toutes les proclamations précédentes, on rappelle l'acte passé en la cinquième année du règne d'Elisabeth (1553), par lequel le pouvoir royal lui est assuré sur tous ses États et les sujets qui y vivent, avec exclusion de toute juridiction usurpée autrefois par l'évêque de Rome. « Néanmoins, continue l'acte, des hommes séditieux et très mal intentionnés, sans respect pour ce qu'ils doivent au Dieu tout-puissant, sans s'inquiéter de la fidélité et de l'obéissance qu'ils sont tenus de rendre à leur souveraine dame et reine, sans aucune crainte de la susdite bonne loi et des peines dont elle menace, mais cherchant, ainsi qu'il paraît, à la manière de gens dénaturés et séditieux, non seulement à soumettre ce royaume et cette couronne souveraine (très libre d'elle-même en toutes choses) à l'esclavage et sujétion de cette juridiction, prééminence et autorité étrangère, usurpée, illégitime, que réclame ledit Siège de Rome; mais aussi à détourner et éloigner les esprits et les cœurs de plusieurs sujets de Sa Majesté de l'obéissance qu'ils lui doivent, ils s'efforcent d'exciter la sédition et la révolte dans ce royaume et de troubler la paix dont il jouit heureusement. Ils ont récemment obtenu pour eux-mêmes, dudit évêque de

Rome et de son siège, diverses bulles et écrits dont l'effet a été et est d'absoudre et réconcilier tous ceux qui seront disposés à rejeter l'obéissance qu'ils doivent à notre très généreuse souveraine, Sa Majesté la reine, pour se livrer et se soumettre à cette autorité usurpée et illégitime. A l'aide de ces bulles et de ces écrits, les susdites personnes mal intentionnées ont secrètement et malicieusement travaillé le peuple dans certaines parties du royaume, là surtout où, à cause du défaut d'instruction, le peuple est plus faible, plus simple, plus ignorant et par conséquent plus éloigné d'une exacte intelligence de ses devoirs envers Dieu et Sa Majesté la reine. Par leurs coupables et artificieuses pratiques ou persuasions, elles ont tellement abusé de la simplicité et de l'ignorance de ces hommes, que plusieurs ont consenti à être réconciliés avec cette autorité usurpée du siège de Rome et à recevoir l'absolution des mains de ces méchants et habiles trompeurs. De là quelques-uns en sont venus à ce point d'audace et d'insoumission, que non seulement ils n'assistent plus. au service divin, maintenant adopté et heureusement pratiqué dans le royaume, mais encore qu'ils se regardent comme déchargés de toute obéissance, de tout devoir et fidélité envers Sa Majesté. Et telle a été la cause de cette coupable et abominable rébellion qui, pour le danger de ce royaume, pourrait vraisemblablement se renouveler dans la,suite, si ces tentatives coupables et impies n'étaient comprimées et réprimées par la sévé rité des lois. >>

Ces préliminaires établis, on déclare coupables du crime de haute trahison :- quiconque réclamerait un droit à la couronne durant la vie de la reine, ou affirmerait que ce droit appartient à un autre qu'à la reine;

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quiconque dirait que la reine est hérétique, schismatique, tyran, infidèle ou usurpatrice; quiconque prétendrait que le droit à la couronne et à la succession ne peut pas être déterminé par la loi. Un second bill présenté et adopté dans le même temps déclare coupable de haute trahison quiconque briguera, obtiendra ou exécutera une bulle, écrit ou acte de l'évêque de Rome, absoudra ou sera absous en vertu de bulles ou actes semblables. On menace des peines de præmunire les suppôts et fauteurs, ou bien encore ceux qui introduiraient dans le royaume ou recevraient ce qu'on appelle des dei, des croix, images, médailles bénites par le pape ou autres personnes tenant de lui leur autorité. Un troisième bill oblige tous les individus qui ont atteint un certain âge de se conformer au service établi et de recevoir la communion selon la nouvelle forme. Enfin un quatrième ordonne à toute personne qui quitterait ou aurait quitté le royaume, avec ou sans permission, de revenir six mois après en avoir été avertie par proclamation, sous peine de confiscation de ses biens et meubles, et des produits de ses terres pendant sa vie, au profit de la reine. Tous ces bills se terminent par la clause suivante : « Pardon assuré pour celui qui, étant coupable, dénoncerait les complices ou déclarerait luimême sa faute;- peine de præmunire contre tout juge qui, ayant reçu quelque communication concernant la teneur de ces statuts, n'en aurait pas informé le conseil privé de la reine. »

Quelque préparés que fussent les catholiques aux rigueurs du pouvoir, ils ne s'attendaient pas encore à une pareille servitude. Si le gouvernement, devenu hérétique par le fait de quelques hommes d'État, s'était efforcé d'empêcher l'exécution de la bulle du pape ; si des

défenses et des pénalités, même sévères, avaient été portées contre ceux qui chercheraient à la répandre dans le royaume, on eût compris une semblable conduite. Ces mesures politiques n'eussent été, pour ainsi dire, que des conséquences de la réforme elle-même imposée par l'État. Mais cette sorte de modération

n'était ni dans les habitudes ni dans le caractère de l'hérésie. Toujours provocatrice, elle se vengea des actes de l'autorité spirituelle contre ses violences par des violences plus iniques encore. Celles que le parlement venait d'adopter rendaient la trahison inévitable au catholique en lui interdisant tout rapport avec le vicaire de Jésus-Christ, dispensateur de toute juridiction spirituelle dans l'Église. La mort de l'âme ou celle du corps, telle était l'alternative redoutable dans laquelle un gouvernement aveugle et sans pitié jetait une nation encore presque entièrement catholique. Nulle part le despotisme écrasant de l'hérésie n'avait foulé, avec cet insolent mépris, la liberté humaine et la justice.

L'effusion du sang était donc décrétée au parlement; mais ce sang des martyrs, il fallait en faire un sang de traîtres et de conspirateurs. Ce fut encore là un des se crets de la politique d'Élisabeth, « de cette politique, dit le protestant Whitaker, qui pendant toute sa vie ne fut qu'une scène d'artifice et de fraude. » Et ainsi se révélait toujours de plus en plus le « caractère de cette digne fille de Henri VIII, qui portait profondément empreint dans son esprit le cachet de celui de son père, dont elle avait les instincts de méchanceté et les goûts de tyrannie (1). » Par son ordre, juges et bourreaux vont condamner et frapper, pour défendre l'hérésie, comme ils l'ont fait sous Henri VIII pour la proscrire.

1. Whitaker, Mary queen of Scots vindicatea.

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