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Avez-vous vu dans la cène du Seigneur quelque chose qu'ils n'aient point vu, qu'ils n'aient point discuté, qu'ils n'aient point résolu ? Vous êtes donc vaincu par vos juges, qui forment par leur nombre, leur qualité et leur autorité, le témoignage le plus grave et le plus fort qu'il soit possible de trouver dans tout l'univers. » Le jeune et pieux néophyte termine sa lettre par un appel chaleureux au cœur du vieillard. Il ne doute pas que la conviction ne soit dans son esprit ; « mais les richesses et les jouissances du siècle n'étouffent-elles point la bonne semence ? » C'est ici que Campian, avec une délicatesse extrême, déploie toutes les ressources de sa parole éloquente et onctueuse. L'hérésie est impitoyable, il le sait; elle condamne à la persécution, à la spoliation, à la captivité, à la mort quelquefois ceux qui ont le courage de l'abandonner. Mais tous ces périls, l'Anglais qui revient généreusement à la foi de ses pères peut les éviter. « Ah! si vous aviez goûté les douceurs de notre exil, lui dit-il; si vous aviez purifié votre conscience; si vous aviez considéré des yeux et du cœur ces exemples vivants de piété qui resplendissent en ces lieux dans les évêques, les prêtres, les religieux, les savants des académies, les hauts dignitaires et les laïques de tout âge, de toute condition et de tout sexe!... » Que s'il ne peut voler librement où il voudrait, du moins qu'il arrache son âme à ses chaînes pesantes. En finissant, Campian demande pardon au vieil évêque anglican, au nom de l'affection qu'il lui porte, pour les paroles qu'il vient de lui adresser. Il serait si heureux d'éloigner de sa tête vénérable le danger grave et imminent qui la menace. Il l'attend donc près de lui; il l'attend autant qu'il l'aime (1). »

1. Dodd's Church History, t. 11, p. 305.

Edmond Campian ne revit point le respectable ami de ses jeunes années; mais il eut la consolation d'apprendre que Richard Cheney avait renoncé à l'erreur pour rentrer dans le sein de l'Église romaine. Cette conversion, qui mérita au vieillard les honneurs de la persécution, fut certifiée par Jean Goodman, autre évêque anglican de Glocester, qui, quelques années plus tard, donna un semblable exemple au monde chrétien. L'histoire n'en cite plus d'autres à cette époque. L'hérésie, par la séduction des richesses, des honneurs et des dignités, avait entraîné loin de la vérité catholique les âmes lâches ou infidèles : pour retenir ses victimes sous son joug et les multiplier de plus en plus, elle va désormais ajouter à de nouvelles intrigues la terreur, la spoliation et les supplices.

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& Conspirations et complots sous le règne d'Élisabeth. Position des catholiques devant la nouvelle législation. Insurrection des comtés du Nord. - Lettre du pape saint Pie V. Caractère de l'insurrection.- Manifeste des ducs de Northumberland et de Westmoreland. — Rigueur im-3 pitoyable du gouvernement envers les insurgés. Nou13 velle proclamation contre les catholiques. - Excommunication d'Élisabeth. Nouvelles lois pénales adoptées au parlement. - Arrestation, captivité et martyre de Cuthbert Maine, prêtre du collège anglais de Douai. Longues tribulations de la famille Tregian, qui avait 1 donné asile au prêtre catholique. - Martyre de Nicolas 3 & Nelson et de Thomas Sherwood, autres missionnaires catholiques.

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'EST un fait attesté par l'histoire d'Angleterre que jamais les confiscations et les exécutions capitales pour conspirations ou crimes de lèse-majesté ne furent aussi fréquentes que sous le règne d'Élisabeth. Ses hommes d'état avaient compris que, dans l'intérêt de leur influence sur la reine et sur l'opinion publique, il fallait tenir les esprits constamment en éveil par des idées de complots et de trahisons. Vrais ou supposés, ces complots pour l'ordinaire sont avantageux à ceux contre qui on les prétend dirigés. Ils révèlent au pouvoir les mesures à prendre pour sa défense; ils offrent de faciles prétextes pour poursuivre et condamner des adversaires dont on veut se défaire; ils entretiennent dans le parti vainqueur l'irritation de la haine contre des vaincus qui s'obstinent à relever la tête après leur asservissement. Les cupidités individuelles y trouvent elles-mêmes un aliment dans la spoliation, et les ambi

tions déjà satisfaites s'affermissent dans les charges et dignités que d'anciennes intrigues leur ont préparées. C'est ainsi que l'innocence, même quand elle gémit sous l'oppression, devient encore victime des perfides calculs du crime puissant et victorieux.

Par les clauses insidieuses introduites dans la nouvelle législation, le gouvernement d'Élisabeth ne laissait, pour ainsi dire, aux catholiques nul moyen de conserver leur foi religieuse sans devenir au moins suspects, et souvent même sans encourir l'accusation du crime de lèsemajesté. Il se rencontrait dans les bills adoptés au parlement de tels artifices de langage et un mélange si habile de violence et d'astuce, qu'il n'est pas possible de donner à ces cruelles combinaisons de la légalité d'autres explications qu'une intention formelle d'abolir jusqu'aux derniers vestiges de la vieille religion. Quelle que fut leur conduite, les catholiques ne pouvaient manquer de tomber sous le coup d'une condamnation, la trahison étant comme attachée à l'accomplissement des actes les plus simples de leur culte. Aussi continuait-on d'en voir chaque jour qui prenaient le chemin de l'exil. Les étudiants surtout s'éloignaient, ou plutôt étaient chassés de ces universités, dont les portes restaient fermées à quiconque ne reconnaissait pas la suprématie de la reine. Le temps n'est pas éloigné où, pour atteindre ces proscrits volontaires, on mettra au nombre des crimes dignes de mort celui d'avoir reçu, dans les pays soumis à l'autorité spirituelle du vicaire de Jésus-Christ, la science de la foi et le caractère sacerdotal. Étrange condition, et qui, par un rapprochement aussi honorable pour les victimes que flétrissant pour les persécuteurs, rappelle ces temps de la primitive Église où les chrétiens étaient accusés de trahison et livrés aux supplices, parce qu'ils refusaient

de se soumettre aux édits sacrilèges des empereurs païens. Comme si un motif autre que celui de la conscience eût pu porter ces jeunes hommes, pleins de talents et de vertus, à sacrifier les douceurs de la patrie et de la famille, et l'avenir le plus brillant, pour s'exposer aux privations de l'exil, à la perte de leurs biens, aux malédictions d'une partie de leurs compatriotes, aux travaux, aux souffrances et à la mort elle-même!

Ainsi exclus des écoles d'Oxford et de Cambridge, les étudiants catholiques et leurs maîtres restés fidèles à la foi avaient quitté le royaume pour aller étudier en d'autres lieux. C'était une nécessité pour ceux du moins qui aspiraient au sacerdoce. Par le fait, ils se trouvaient jetés forcément dans des conditions qui permettaient à un gouvernement malveillant de supposer, ou même de préparer des conspirations qu'on pourrait toujours leur imputer sans qu'eux-mêmes pussent s'en défendre. La réforme avait besoin de tromper l'opinion publique, qui lui était, surtout à cette première époque, généralement opposée. Dans ce dessein, elle accumulait sur les catholiques en général, et particulièrement sur les exilés, les soupçons, les animosités et les haines. A mesure qu'elle deviendra maîtresse des esprits comme elle l'était déjà des dignités et des charges, l'hérésie comptera davantage sur cette double influence pour se livrer sans retenue à ses instincts tyranniqnes. Trop politique néanmoins pour ne pas donner à ses violences une apparence de légalité, elle s'efforça constamment de les provoquer par cette facile ressource des conspirations. La première qu'elle mit au jour s'attaqua à une illustre victime; mais le contre-coup devait frapper tous les catholiques du royaume. Outre les résultats généraux déjà signalés, elle avait pour but de préparer la perte de

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