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suite qu'il atteignit le but qu'il voulait atteindre, qu'il sut provoquer « les craintes et la jalousie d'Élisabeth, et lui arracher un consentement conditionnel donné à regret. » Au moment même où elle affectait de témoigner encore la plus vive sollicitude pour le maintien de la paix, la reine fut entraînée par Cecil à une rupture avec Marie Stuart. Insensiblement aussi ses scrupules diminuèrent, les appréhensions jalouses qu'on lui inspirait pénétrèrent plus avant dans son âme, jusqu'à ce qu'enfin, le masque étant jeté, elle accueillit, malgré son serment, les propositions des révoltés d'Écosse. La «congrégation des saints » lui demandait secours << comme à la protectrice spéciale, après Dieu, des prosélytes de la religion. » Élisabeth l'accorda et se plaça par le fait, d'une manière manifeste, à la tête du parti protestant, qu'elle soutiendra partout jusqu'à la fin de son règne.

La question française était intimement liée à celle de l'Écosse le traité de Câteau-Cambrésis s'appliquait même avant tout à ce royaume. Dans le même but et par les mêmes intrigues, on avait aussi cherché à y exciter des troubles et des divisions. A peine Henri II avait-il cessé de vivre, que Cecil commençait à soulever contre le jeune François II les princes du sang jaloux de l'ascendant de la famille de Guise, et les réformés, à la tête desquels n'eurent pas honte de se placer les défenseurs naturels du trône. La conspira tion d'Amboise, premier résultat de cette politique anglaise, fut aussi le signal des guerres civiles qui ensanglantèrent la France pendant près d'un demi-siècle.

Ainsi l'hérésie et la foi, l'erreur et la vérité produisaient alors, comme dans les siècles antérieurs, les œuvres qui leur sont propres. La première, divisée et

dejà incertaine dans ses croyances, répandait autour d'elle la confusion, la discorde et la guerre; l'autre, toujours immuable, continuait de protester contre la tyrannie et l'imposture par le spectacle de son invariable unité, de sa patience héroïque et de son inépuisable charité.

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Chapitre V.999

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Exil des communautés religieuses.— Chartreux. — Brigittines. Bénédictins. - Catholiques conformistes.- Commencement de Guillaume Allen. Ses premiers écrits contre le schisme et l'hérésie. Son voyage à Rome. Son appel aux jeunes Anglais qu'il réunit à Douai. Fondation du collège anglais de Douai. Le gouvernement d'Élisabeth cherche à le détruire. Conversion extraordinaire d'un gentilhomme anglican. Allen, après des troubles survenus à Douai, se transporte à Reims avec ses disciples. Collège anglais fondé à B - Troubles qu'y excitent les espions anglais.

Rome.

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LISABETH marchait à grands pas vers la persécution sanglante, et tout annonçait que bientôt il n'y aurait plus contre la spoliation ou la mort d'autre refuge que l'apostasie ou l'exil. Aussi les émigrations se multipliaient, et sur tous les points du continent abordaient chaque jour des Anglais de tout âge et de toute condition. Les communautés religieuses qui, après les désastres des deux règnes précédents, s'étaient réunies en petit nombre sous Marie Tudor pour reprendre leur vie régulière, erraient de nouveau sur toutes les voies, et s'en allaient demander, avec le pain de l'étranger, la tranquillité qu'elles ne pouvaient plus espérer dans leur patrie. Des hommes voués à la prière et au travail dans le silence de la solitude, de saintes filles qui avaient renoncé à tout sur la terre pour se consacrer à Dieu, cherchaient péniblement un abri

contre la violence, et traversaient le détroit à la hâte. La désolation régnait partout.

Au milieu de ces communautés qui disparaissent de l'Angleterre les unes après les autres, deux surtout réclament un souvenir particulier. Elles sont les seules, avec les Bénédictins, qui se soutinrent pendant les plus mauvais jours de la persécution, pour offrir à Dieu, sur la terre de l'exil comme dans la patrie, leurs prières et leurs expiations; ce sont les Chartreux de Richmond et les Brigittines de Sion. Les premiers, retirés d'abord en Flandre avec Maurice Chauncey, leur supérieur, vont habiter la catholique ville de Bruges; mais bientôt les huguenots y pénètrent et les chassent après leur avoir enlevé ce qu'ils ont pu emporter d'Angleterre. Dépouillés et manquant de tout, les Chartreux quittèrent leur retraite, heureux d'avoir été jugés dignes de souffrir un nouvel outrage pour Jésus-Christ. Quelques jours plus tard, ils arrivaient aux portes de Douai et demandaient un asile dans cette cité hospitalière, mais déjà les huguenots les y avaient devancés par leurs émissaires. De fausses alarmes, répandues adroitement dans la multitude, avaient pénétré jusqu'au cœur des magistrats, qui donnèrent deux heures aux pauvres enfants de saint Bruno pour se rafraîchir et s'éloigner. Les exilés, continuant leur route, cherchent à se fixer sur les terres de la domination française: un ordre sévère le leur interdit. Obligés de revenir en Flandre, ils sollicitent un abri à Louvain, puis à Bruges, dont les sectaires s'étaient retirés, puis à Newport, où il leur fut enfin permis de trouver un peu de repos. C'est là, en face de cette Angleterre qui les repousse impitoyablement et pour laquelle ils ne cessent de prier, que la généreuse Espagne leur assura, avec un asile, la pen

sion de douze cents florins nécessaire à leur entretien.

Les filles de sainte Brigitte devaient offrir au monde le spectacle non moins touchant de leurs vertus, et protester aussi par des pérégrinations et des souffrances multipliées contre la tyrannie d'Élisabeth. Munies d'un sauf-conduit obtenu par la faveur du duc de Feria, ambassadeur d'Espagne à Londres, elles abordent à Zéric-Zée dans la Zélande. De là elles vont chercher, assez avant dans les terres, un refuge auprès d'Anvers. La nécessité les pousse bientôt à Malines. A peine y sont-elles entrées que le prince d'Orange s'empare de la ville et les chasse sans pitié. C'était en 1580. La ville de Rouen, à la sollicitation du duc de Mayenne, gouverneur de la province, leur offre dans leur détresse une honorable hospitalité. Le parlement de Normandie vient lui-même au secours de ces vierges du Seigneur, et augmente la pension que leur accordait déjà la maison d'Espagne. Des circonstances imprévues, même dans ces temps d'agitation et de trouble, les forcèrent plus tard à chercher refuge sur une autre terre. Le 29 mai 1594, toutes s'embarquèrent au Havre sur un vaisseau marchand de Flandre, qui les transporta à Lisbonne. Là les attendait encore la religieuse bienveillance du duc de Feria, qui leur ménagea les faibles moyens de subsistance que réclamaient ces saintes filles, vouées à la prière et à la pénitence.

Ainsi, dans cette ancienne iîle des Saints, où la vie monastique avait jeté de si profondes racines, il ne restait plus qu'un seul rejeton. Tout était dispersé, tout avait disparu, tout était anéanti. Ces saintes milices, que l'Église a toujours vues avec joie se répandre au sein des nations catholiques, s'évanouissaient sous les coups de l'affreuse tempête qui, pour la seconde fois,

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