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osera révoquer en doute cette vérité? et puisqu'en parlant du vin il a assuré si positivement que c'était son sang, qui pourra jamais en douter, et osera dire qu'il n'est pas vrai que ce soit son sang? Jésus-Christ changea autrefois l'eau en vin à Cana en Galilée, et nous refuserons de croire sur sa parole qu'il ait changé du vin en son sang? Si, ayant été invité à des noces humaines et terrestres, il fit ce miracle sans que personne s'y attendit, ne devons-nous pas encore plutôt reconnaître avec une entière persuasion qu'il nous a donné son corps à manger et son sang à boire, en sorte que nous les recevions comme étant indubitablement son corps et son sang? car sous l'espèce du pain il nous donne son corps, et sous l'espèce du vin il nous donne son sang, afin que, mangeant son corps et buvant son sang, vous soyez intimement unis à l'un et à l'autre.

Saint Chrysostome s'explique en différents endroits de ses ouvrages d'une manière qui n'est ni moins claire, ni moins décisive par rapport au dogme de la présence réelle. Puisque Jésus-Christ lui-même a prononcé ces paroles Ceci est mon corps, n'ayons aucun doute, conclut ce Père, mais voyons-le des yeux de l'entendement et de la foi (Hom. 88 in Matth.); soumettonsnous à Dieu, et ne soyons pas si hardis que de le contredire; car quoique ce que l'on nous dit semble contraire à ce que nous voyons, nous devons néanmoins le croire, puisque la parole de Dieu est infaillible, et que nos sens peuvent se tromper et se trompent souvent en effet. Elie a laissé son manteau à ses disciples; le Fils de Dieu, en montant au ciel, nous a laissé sa chair, avec cette différence qu'Elie se dépouillait de son mantean pour le laisser, et Jésus-Christ nous a laissé sa chair sans cependant la quitter. C'est de ce corps que Judas a vendu, c'est de ce sang qui a coulé du côté de Jésus-Christ que nous sommes faits participants; quoi de plus redoutable, et quoi de plus aimable! (Hom. 44, 45, 46, in Joan.)

Ce que saint Cyrille et saint Chrysostome enseignaient en Orient, saint Ambroise et saint Augustin ne l'inculquaient pas avec moins de précision en Occident. Le premier, dans un traité (De initiandis), fait pour l'instruction de ceux qui devaient être admis au baptême, se propose cette difficulté: Vous me direz peut-être, comment m'assurerezvous que c'est le corps de Jésus-Christ que je reçois, puisque je vois autre chose? Répondant ensuite à sa question, il dit: Je vais vous montrer que ce que vous recevez n'est pas ce qui a été formé par la nature, mais ce qui a été consacré par la bénédiction, et que cette bénédiction est beaucoup Flus puissante que la nature, puisqu'elle change la nature même. Moïse avait un bâton à la main, il le jeta, et ce bâton devint un serpent; ensuite il prit l'extrémité de ce serpent, et le bâton reprit sa première forme ou nature. Ainsi vous voyez que la grâce que Dieu avait communiquée à ce prophète

changea deux fois la nature, et du serpent et du bâton.... que si la simple bénédiction d'un homme a été assez puissante pour changer la nature, que dirons-nous de la consécration divine dans laquelle les paroles mêmes du Sauveur opèrent tout ce qui s'y fait?.... Vous avez vu dans la création du monde que Dieu ayant parlé, toutes choses ont été faites, et qu'ayant commandé elles ont été créées. Si donc la parole de Jésus-Christ a pu du néant faire ce qui n'était pas encore, ne peut-elle pas changer en d'autres natures celles qui étaient déjà?.... Mais à quoi bon toutes ces raisons? Prenons des exemples tirés de Jésus-Christ même, et que le mystère de l'Incarnation serve à établir la vérité de celui de l'Eucharistie. Je demande si la naissance que Jésus-Christ. a prise de Marie était conforme à l'usage ordinaire de la nature; n'est-il pas clair que c'est contre le cours ordinaire de la nature qu'une vierge est devenue mère? Or ce corps que nous produisons dans le sacrement est le corps même qui est né d'une vierge. Pourquoi donc consultez vous la nature, quand il est question du corps de JésusChrist dans l'Eucharistie ?.... C'est certainement la vraie chair de Jésus-Christ qui a été attachée à la croix, qui a été mise dans le tombeau. C'est donc aussi sa vraie chair qui est dans le sacrement; Jésus-Christ disant lui-même: Ceci est mon corps. Avant la consécration qui se fait par les paroles célestes, on donne à cela un certain nom qui est celui du pain; mais après la consécration on l'appelle le corps de Jésus-Christ. Avant la consécration, ce qui est dans la coupe s'appelle autrement, mais après la consécration on le nomme le sang de JésusChrist; et vous, vous répondez Amen, qui veut dire cela est vrai. Croyez donc véritablement de cœur ce que vous confessez de bouche, et que vos sentiments intérieurs soient conformes à vos paroles. C'est ce que le saint docteur concluait des paroles que je vous ai rapportées.

Son disciple saint Augustin suppose la même vérité dans son exposition du psaume xxxi. Un homme, dit-il, peut être porté par les mains d'un autre homme; mais il ne peut l'être par ses mains propres : nous ne voyons pas comment à la lettre David se soit porté, mais nous le trouvons en Jésus-Christ: il se portait en ses mains quand parlant de son corps il dit: Ceci est mon corps, car il portait entre ses mains ce corps et non la figure, puisqu'en cela il n'eût rien fait que David et tout autre homme n'eût pu faire. Par conséquent nous portons aussi non la figure, mais la réalité du corps de Jésus-Christ après la consécration, puísque son premier effet est de rendre présent Jésus-Christ dans l'Eucharistie.

A peine en effet le prêtre a prononcé ces paroles: Ceci est mon corps, que le pain est changé au corps de Jésus-Christ; à peine a-t-il prononcé ces paroles: Ce calice est le calice de mon sang, que le vin est changé au sang de Jésus-Christ; et quand je dis que

ce pain est changé au corps et le vin au sang de Jésus-Christ je n'entends pas que le corps soit sans sang sous l'espèce du pain, ni le sang sans corps sous l'espèce du vin, mais j'entends que Jésus-Christ est tout entier sous chaque espèce, et même sous chaque partie des espèces; car puisqu'il est certain que lorsque deux choses sont inséparablement unies, il faut qu'où l'une se trouve, l'autre s'y rencontre pareillement, il s'ensuit que Jésus-Christ tout entier est nécessairement contenu et sous les espèces du pain, et sous celles du vin; il s'ensuit que non-seulement le corps, mais encore le sang de Jésus-Christ, et Jésus-Christ luimême tout entier est véritablement sous les espèces du pain; il s'ensuit enfin que nonseulement le sang, mais encore le corps de Jésus-Christ, et Jésus-Christ lui-même tout entier, sa nature divine et sa nature humaine, ses os et ses nerfs, etc., sont véritablement renfermés sous les espèces du vin. La seule chose qu'il faut ici observer, c'est que tous ces objets contenus de la même manière dans l'Eucharistie; par exemple, le corps y est par la force de ces paroles: ceci est mon corps: au lieu que le sang, l'âme et la divinité de Jésus-Christ n'y est que par accompagnement, c'est-à-dire, en tant que tous ces objets sont unis au corps de Jésus-Christ qui, étant ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus; c'est ce que le saint concile de Trente enseigne en ces termes.

On a toujours cru dans l'Eglise de Dieu, dit le concile, qu'après la consécration, le véritable corps de Notre-Seigneur et son véritable sang, avec son âme et sa divinité, sont sous l'espèce du pain et du vin; son corps sous l'espèce du pain, et son sang sous l'espèce du vin par la force des paroles mêmes; son corps sous l'espèce du vin, son sang sous l'espèce du pain, son âme sous J'une et l'autre en vertu de cette liaison naturelle par laquelle ces parties dans JésusChrist qui est ressuscité pour ne plus mourir, sont unies entre elles, et la divinité de même, à cause de son admirable union hypostatique avec le corps et l'âme de JésusChrist. C'est pourquoi il est très-vrai que l'une des deux espèces contient autant que toutes les deux ensemble; car Jésus-Christ est tout entier sous l'espèce du pain et sous chaque partie de cette espèce, comme il est tout entier sous l'espèce du vin, et sous chacune de ses parties... Le saint concile déclare encore, ajoutent les Pères, que par la consécration il se fait un changement admirable de toute la substance du pain en la substance du corps de Notre-Seigneur, et de toute la substance du vin en la substance de son sang, ce que l'Eglise a appelé transsubstantiation d'un nom propre et convenable à la chose.

Ce mot de 'transsubstantiation n'a pas été en usage dans les premiers siècles de l'Eglise, j'en conviens; mais qu'importe que le mol soit nouveau dès que la vérité qu'il exprime est ancienne? dès que nous la trouvois équivalemment dans les écrivains ec

clésiastiques? En effet nous avons vu que les Pères se sont servis des exemples de la verge de Moïse changée en serpent, de l'eau changée en vin, pour montrer que la parole de Dieu a la vertu de changer le pain et le vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Or qu'est-ce que le changement de ces substances, sinon une vraie transsubstantiation?

De là il suit un troisième effet des paroles de la consécration presque aussi admirable que les précédents. C'est sans doute un premier miracle bien grand, qu'en vertu de ces paroles Jésus-Christ soit véritablement, réellement, substantiellement présent sur l'autel. C'en est un second bien grand que les substances du pain et du vin ne demeurent point dans le très-saint sacrement de l'Eucharistie, avec le corps et le sang de JésusChrist. C'en est un troisième bien grand que ces substances se changent au corps et au sang de Jésus-Christ, sans que Jésus-Christ souffre aucun changement, sans qu'il reçoive aucune augmentation; mais quel miracle n'est-ce pas aussi que ce que nous appelons les espèces, c'est-à-dire la couleur, la figure et le goût, subsiste dans ce sacrement, sans être soutenu d'aucun sujet? Or le raisonnement suivant vous prouve invinciblement la vérité de ce miracle.

Ou ces espèces subsistent par elles-mêmes, ou elles subsistent dans le pain et le vin. Elles ne subsistent pas dans le pain et le vin, puisqu'ils ont cessé d'être l'un et l'autre. Par conséquent elles subsistent en ellesmêmes? C'est un troisième effet qui suit de ces paroles: Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Combien d'autres conséquences intéressantes s'ensuivent de ces mêmes paroles, quand on les considère attentivement?

De là il s'ensuit que Jésus-Christ est réellement présent dans l'Eucharistie avant même qu'on la reçoive, parce que Jésus-Christ fut présent aussitôt qu'il eut prononcé les paroles de la consécration, autrement elles auraient été fausses. Or elles furent prononcées avant que les apôtres ne mangeassent et ne bussent. Par conséquent Jésus-Christ fut présent, et aujourd'hui il est encore présent dans le sacrement avant l'usage du sacrement. C'est ce que marque le concile de Trente en ces termes : La sainte Eucharistie a cela de commun avec les autres sacrements, qu'elle est le symbole d'une chose sainte et le signe visible d'une grâce invisible; mais ce qu'elle a de singulier et d'excellent, c'est qu'au lieu que les autres sacrements n'ont la vertu de sanctifier que dans le moment de l'usage, l'Eucharistie contient l'auteur méme de la sainteté avant qu'on la reçoive: Anathème à celui qui dirait que le corps du Seigneur n'est point dans les hosties, et les particules consacrées qui sont réservées, ou qui restent après la communion! (Sess. 13, c. 3, can. 4)

De là suit encore ce que dit saint Augustin (In psal. xcvin), que non-seulement il est permis d'adorer Jésus-Christ dans le saint Sacrement, mais qu'on pécherait si n

ne l'y adorait pas: Anatheme à celui qui dirait que Jésus-Christ Fils unique de Dieu ne doit pas y être adoré d'un culte de latrie même extérieur !(Sess. 23, can. 6.) Le concile duquel j'emprunte cet anathème avait déjà dit auparavant: Le sacrement (ce mot signitie ici non le signe qui contient, mais le corps qui est contenu; les espèces ne sont pas plus adorables par elles-mêmes que les habits de Jésus-Christ, lorsqu'il vivait), le sacrement de l'Eucharistie n'est pas moins adorable, quoiqu'il ait été institué pour être pris en forme d'aliment. En effet, nous faisons profession de croire qu'en ce sacrement se trouve réellement présent le même Dieu de qui le Père éternel dit en l'introduisant dans le monde, a que les anges de Dieu l'adorent » (Psal. XCVI, 7), le même que les mages adorèrent en se prosternant à ses pieds, le même que l'Ecriture (Matth. XXVIII; Luc. XXIV) témoigne avoir été adoré par les apôtres en Galilée (Sess. 13, cap. 5); pourquoi ne l'adorerionsnous pas?

De là il suit aussi qu'il est permis de conserver Eucharistie dans une suspension ou daus un tabernacle, pour la donner aux malades dans le besoin'; qu'il est permis d'exposer le Saint-Sacrement, pour donner aux fidèles la consolation de venir y adorer JésusChrist; qu'il est permis de le porter en procession dans les églises et dans les rues pour les raisons que nous en donnerons ailleurs. (Hom. sur l'évang. du jour de la Fête-Dieu.) Enfin il suit des príncipes établis que la communion sous une seule espèce suffit aux fidèles Anathème à celui qui dirait que de précepte divin ou de nécessité de salut, tous les fidèles de Jésus-Christ doivent recevoir les deux espèces du très-saint sacrement de l'Eucharistie. (Sess. 21, De communione, can. 1.) 1° Ils ne le doivent point de nécessité de salut; dès qu'ils reçoivent Jésus-Christ tout entier sous une seule espèce, ils reçoivent un vrai sacrement, ils ne sont privés d'aucune grâce nécessaire au salut, ils en reçoivent même autant que s'ils communiaient sous les deux espèces. 2° Ils ne doivent point de précepte divin; car le même qui a dit (109): Si vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous, a dit aussi : Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement. (Joan. vi, 54.) Le même qui a dit : Celui qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle (Ibid. 52.), a dit aussi : Le pain que je donnerai, c'est mu chair que je donnerai pour la vie du monde. (Ibid.) Enfin le même qui a dit : Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui (Ibid. 57), a dit aussi : Celui qui mange ce pain vivra éternellement. (Ibid. 59.) Par conséquent pour avoir la vie éternelle, il faut à la vérité se nourrir de la chair et du sang de Jésus-Christ; mais il ne faut pas prendre l'un et l'autre par voies de manducation et de breuvage tout ensemble; la première suffit, et l'Eglise a défendu la seconde aux simples fidèles, pour détruire

(110) Verba sunt conc. Trid,, sess. 22.

entièrement l'hérésie de ceux qui niaient que Jésus-Christ fût contenu tout entier sous chaque espèce, et pour plusieurs autres raisons que je puis d'autant moins vous rapporter ici, qu'il me reste encore à vous démontrer cette troisième partie de ma proposition principale, que l'Eucharistie est un signe sensible institué par Jésus-Christ pour la sanctification de nos ames. Sur ce point voici comme notre divin Sauveur s'explique lui-même dans saint Jean :

Ma chair, dit-il, est véritablement viande, mon sang est véritablement breuvage; celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui..... celui qui me mange vivra pour moi..... celui qui mange ce pain vivra éternellement. (Joan. vi, 55, 56.) C'est ce que dit Jésus-Christ des effets admirables de la divine Eucharistie. Celui qui la reçoit dignement vit donc spirituellement du corps et du sang de Jésus-Christ; il vit de Jésus-Christ comme nous vivons corporellement du pain et du vin que nous prenons; c'est Jésus-Christ qui devient le principe de ses pensées, de ses désirs, de ses paroles et de ses actions: premier effet de l'Eucharistic, première preuve qu'elle est établie pour la sanctification de nos âmes. Celui qui la reçoit dignement est donc intimement uni à JésusChrist; il n'est plus qu'un avec lui; ce n'est plus lui qui vit; c'est Jésus-Christ qui vit en lui: second effet de l'Eucharistie, et seconde preuve qu'elle est établie pour la sanctification de nos âmes. Celui qui la reçoit dignement, ne vit done plus pour le monde, il ne vit plus pour lui-même; il ne vit plus que pour la grande gloire de Jésus-Christ troisième effet de I'Eucharistie, et troisième preuve qu'elle est établie pour la sanctification de nos âmes Celui qui la reçoit dignement, vivra donc éternellement quant à l'âme à qui elle est un gage de la vie future, et quant au corps pour lequel elle est un germe et une semence d'immortalité quatrième effet de l'Eucharistie, et quatrième preuve qu'elle est établie pour la sanctification de nos âmes. Pour le passé elle remet les péchés véniels, et elle répare ce qu'ils nous ont fait perdre de la vie de la grâce. Pour le présent elle conserve en nous cette vie spirituelle; elle l'affermit et l'augmente; elle modère la violence de nos passions; elle nous fortifie contre les ennemis de notre salut; elle nous unit avec notre prochain. Pour l'avenir elle est un fruit de vie qui préserve nos âmes et nos corps d'une mort éternelle. Combien d'effets merveilleux de la divine Eucharistie! combien de preuves qu'elle sanctifie nos Ames, et par conséquent qu'il est très-utile de la recevoir 1

Non-seulement il est très-utile de la recévoir, mais Jésus-Christ en fait un commandement exprès en ces termes : Si vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous. (Joan. vi, 54.) C'est pour cela, dit saint Cyprien (De orat. Dom.), que nous

demandons à Dieu qu'il nous donne tous les jours notre pain, c'est-à-dire Jésus-Christ, afin que, comme nous vivons et demeurons en lui, nous n'ayons jamais le malheur d'être séparés de son corps et de sa grâce qui nous sanctifie. De là aussi l'usage où étaient les fidèles du temps des apôtres de communier tous les jours. De là cette ancienne et longue coutume selon laquelle le prêtre après avoir communié se tournait vers le peuple et l'invitait de s'approcher de la table sainte, en disant: Venez, mes frères, à la communion. De là cette exhortation pathé tique de l'Eglise universelle assemblée à Trente (sess. 13) par laquelle je finis ce discours, et à laquelle je voudrais vous voir aussi dociles à l'avenir que vous l'avez, du moins plusieurs, négligé du passé : Le saint concile, de toute son affection paternelle, avertit, exhorte, prie et conjure par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, tous ceux en général et en particulier qui portent le nom de Chrétiens... qu'ils révèrent les sacrés mystères avec une telle piété et affection de cœur, qu'ils soient en état de recevoir souvent ce pain qui est au-dessus de toute substance... afin qu'étant fortifiés par cette divine nourriture, ils puissent passer du pèlerinage de cette vie misérable à la patrie céleste, où nous conduisent le Père, le Fils, et le Saint-Esprit. Ainsi soit-il,

SUR

INSTRUCTION CVIII.

EUCHARISTIE COMME SACRIFICE.

Hoc facite in meam commemorationem. (Luc. xx11, 19.) Faites ceci en mémoire de moi.

Nulle part, mes frères, nous ne trouverons ni plus sûrement, ni plus clairement le sens profond de ce passage de l'Ecriture, que dans le saint concile de Trente (sess. 22, cap. 1); écoutez-le avec attention, vous comprendrez ces vérités importantes concernant la divine Eucharistie, dont je continue aujourd'hui à vous parler, que la messe est un vrai sacrifice, que les apôtres ont été faits prêtres à la dernière cène, qu'ils y ont reçu tant pour eux que pour leurs successeurs dans le sacerdoce, l'ordre et le pouvoir de consacrer le corps et le sang de Jésus-Christ, que dès lors se sont accomplies les prophé ties et les figures qui annonçaient le grand

sacrifice de la loi nouvelle.

Jésus-Christ, disent les Pères de cette sainte assemblée, Jésus-Christ, dans la dernière cène, la nuit même qu'il fut livré, montrant qu'il était établi prêtre pour toute l'éternité, selon l'ordre de Melchisedech, offrit à Dieu le Père son corps et son sung, sous les espèces du pain et du vin, et sous les mêmes symboles les donna à ses apôtres qu'il établissait alors prêtres du nouveau testament ; et, par ces paroles: FAITES CECI EN MÉMOIRE DE MOI, il leur ordonna à eux et à leurs successeurs dans le sacerdoce de les offrir comme l'Eglise catholique l'a toujours entendu et enseigné; car, après avoir célébré l'ancienne Pâque... il établit la nouvelle, se donnant luimême pour être immolé par les prêtres au

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nom de l'Eglise sous des signes visibles, en mémoire de son passage de ce monde à son Père... et c'est là cette oblation pure dont avait parlé Malachie, qui ne peut être souillée ni par l'indignité, ni par la malice de ceux qui l'offrent; c'est là cette oblation qu'insinue saint Paul écrivant aux Corinthiens (c. x, 8, 21), et leur disant qu'ils ne peuvent participer à la table des démons; c'est là enfin cette oblation dont les différents sacrifices offerts sous la loi de la nature et sous la loi de Moïse étaient des ombres et des figures, parce qu'elle renferme seule tous les biens représenlés par tous ces sacrifices, comme en étant la consommation et la perfection.

Anathème donc à celui qui dira que par ces paroles: FAITES CECI EN MÉMOIRE DE MOI, Jésus-Christ n'a pas institué ses apótres prétres, ou qu'il n'a pas ordonné qu'eux et les autres prêtres offrissent son corps et son sang. (Ibid., can. 2.)-Anathème à celui qui dira qu'à la messe on n'offre pas à Dieu un sacrifice véritable et proprement dit.» (Ibid. can. 1.)

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Anathème, oui, mes frères, je le répèté après le concile de Trente, et pour le justifier dans votre esprit, je vais vous démontrer cette proposition, que la messe est un sacrifice véritable et proprement dit. C'est le sujet de cet entretien.

POINT UNIQUE,

Qu'est-ce en général qu'un sacrifice? qu'est-ce en particulier que celui de la messe? Ce sont, mes frères, les deux questions que vous avez droit de me faire ici, et sur lesquelles l'ordre des idées demande que je Vous instruise pour vous prouver que la messe est un vrai sacrifice.

Le sacrifice en général est une offrande d'une chose sensible faite à Dieu par un ministre légitime, avec quelque destruction ou changement de la chose offerte pour reconnaître par là le pouvoir souverain de Dieu sur toutes les créatures. Développons le sens de chacun de ces mots.

Je dis, 1o que le sacrifice est une offrande, et en cela il convient avec la prière, la contrition, la miséricorde, l'observation de la loi, toutes les actions de la religion par lesquelles la créature raisonnable s'offre à Dieu et s'unit à lui; ce qui fait dire à saint Augus tin que toute œuvre que nous faisons pour nous attacher à Dieu est un vrai sacrifice, c'est-à-dire une véritable offrande: Verum sacrificium, est omne opus quod agitur, ut inhæreamus Deo. (De civit. Dei, lib. x, c. 6.)

Je dis, 2o l'offrande d'une chose sensible, parce que la fin du sacrifice est d'unir les hommes dans la société d'une seule et mêmo religion; ce qui ne peut se faire, dit saint Augustin, que par des signes communs et sensibles: In nullum nomen religionis..... coadunari homines possunt, nisi aliquo signa culorum..... visibilium consortio colligentur, (Contra Faust., lib. xix, c. 11.) Par ces mots je distingue aussi le sacrifice extérieur, dont il s'agit ici, du sacrifice intérieur qui est l'offrande que nous faisons à Dieu de nousmêmes lorsque, nous abaissant sous la di

vine majesté, nous lui faisons hommage de tout ce que nous sommes, et nous lui consacrons toutes nos pensées et toutes nos actions pour ne vivre que pour lui.

Je dis, 3 l'offrande... faite à Dieu : Quel est en effet l'homme, demande saint Augustin, qui a jamais sacrifié, sinon à celui qu'il savait ou qu'il croyait être Dieu, ou qu'il voulait faire passer pour Dieu ? Quis sacrificandum censuit, risi ei quem Deum aut scivit, aut putavit, aut finxit? (De civit. Dei, lib. x, c. 4.)

Je dis, 4° l'offrande faite à Dieu par un ministre légitime: Dans tous les âges et chez tous les peuples du monde où l'on a rendu, soit au vrai Dieu, soit aux fausses divinités un culte réglé, les sacrifices ont toujours été offerts par des ministres choisis et séparés des autres hommes, comme de la part de Dieu, pour exercer cette auguste fonction. Au temps de la loi de nature, l'opinion commune est que chaque chef de famille en était aussi le prêtre. Au temps de la loi mosaïque, une tribu entière était destinée au culte divin, à l'exclusion des autres. Les peuples idolâtres mêmes, lorsqu'ils ont été gouvernés par des lois, ont eu tous et toujours des ministres spécialement attachés aux fonctions de la religion, dont la plus auguste est le sacrifice.

Je dis, 5 l'offrande... faite... avec quelque destruction ou changement de la chose offerte. Tout sacrifice proprement dit emporte, ou une destruction réelle de la chose offerte, comme lorsque dans l'ancienne loi on égorgeait un animal dont on brûlait en tout ou en partie la chair et les entrailles; ou tout au moins un changement d'état qui était regardé comme une espèce de destruction. Tel était le sacrifice du bouc émissaire. Ce bouc n'était ni égorgé, ni brûlé; mais, après avoir été offert à Dieu et chargé des péchés de tout le peuple, il était chassé dans le désert et disparaissait de devant les yeux du peuple, comine s'il eût été réellement détruit.

Je dis, 6° l'offrande... faite à Dieu... pour reconnaître son domaine souverain sur toutes les créatures. Le ministre qui opère et ceux au nom de qui il opère cette destruction ou ce changement protestent par là les points suivants: 1° qu'ils regardent Dieu comme le maître absolu de toutes choses; 2° qu'ils croient que ce maître n'a pas besoin de leurs biens, puisqu'on les détruit en les lui offrant; 3° qu'ils sont disposés à se sacrifier et se consumer pour son service, comme la chose qu'ils offrent. Voilà ce que témoignent extérieurement ceux qui offrent un sacrifice, et si la disposition intérieure de leur cœur ne répond pas à ce témoignage extérieur, bien loin d'honorer Dieu, ils le déshonorent par leur mensonge et leur hypocrisie. D'où il suit, ce que dit si souvent saint Augustin, que le sacrifice intérieur ne doit jamais être séparé du sacrifice extérieur qui est le signe du premier: Sacrificium... visibile invisibilis sacrificii sacramentum, id est sacrum signum. (De civ. Dei, lib. x, c. 4.)

Conséquemment à ce principe, qui fut de tous les siècles, vous savez, mes frères, ce que disaient les prophètes aux Juifs de leur temps; vous savez avec quel zèle ils s'élevaient contre ces hommes charnels qui offraient à Dieu des sacrifices de leurs troupeaux, tandis qu'ils offraient à la créature des sacrifices de leurs propres affections; vous savez avec quelle indignation le Seigneur rejetait de tels sacrifices. A quoi bon cette multitude de victimes que vous m'offrez? qui vous les a demandées ? mangerai-je les chairs de vos taureaux? boirai-je le sang de vos boucs? qu'est-ce que votre encens, sinon une abomination? A ces mots vous reconnaissez le langage majestueux et véhément du prophète royal; mais reconnaissezvous que ces reproches ne vous regardent pas moins que les Juifs? si ceux-ci les méritaient pour séparer le sacrifice d'un cœur contrit du sacrifice d'un animal égorgé, ah! combien plus ne les méritez-vous pas, vous, race choisie pour séparer le sacrifice de vous-mêmes du sacrifice de la messe auquel Vous assistez ?

Ce sacritice est un sacrifice où l'on offre à Dieu le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ sous les espèces du pain et du vin. Voilà ma réponse à la seconde de vos questions. Elle a deux parties, dont l'une suit nécessairement de l'autre ; prouver que la messe est un vrai sacrifice, c'est montrer que le corps et le sang de Jésus-Christ y sont offerts à Dieu sous les espèces du pain et du vin, à moins qu'on ne dise que la religion la plus auguste n'a que du pain et du vin à offrir, par conséquent des hosties très-inférieures à celles de la loi ancienne. Etablissons donc solidement et succinctement le premier de ces points qui nous divisent de nos frères séparés, et, s'il est possible, éclairons-les par votre moyen sur cette vérité importante. C'est à quoi concourent les figures les plus expresses, les prophéties les plus claires, les autorités les plus respectables, les raisons les plus fortes. Je vais vous en convaincre.

Vous qui avez étudié l'histoire de l'Ancien Testament, vous savez qu'on y offrait deux sortes de sacrifices; les uns sanglants qui se faisaient avec effusion du sang des animaux; les autres non sanglants qui s'offraient sans effusion de sang. Vous savez encore que de ces derniers étaient les sacrifices de la fleur de farine, du bouc émissaire, du passereau, des parfums, des libations, des pains de proposition. Vous savez enfin que ces divers sacrifices étaient des figures de ce qui devait arriver au peuple nouveau : ces principes supposés, je vous le demande, si les sacrifices sanglants figuraient le sacrifice offert par Jésus-Christ sur la croix; si c'est pour cette raison qu'il est dit dans l'Apocalypse que l'Agneau a été mis à mort dès l'origine du monde; s'il était immolé en ce sens, que son sang rendait les anciennes victimes agréables à Dieu; qui doute que ce que nous enseignent les saints Pères, que les sacrifies non sanglants ne figurassent le

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