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premier homme et, comme il était juste, nécessaire, elle avait commencé avec Dieu, auteur et fin de toute société. Y a-t-il, en dehors de la société des divines personnes et de la politique qui les unit, une société plus belle que celle qui était entre Adam et Dieu, que celle qui est entre chacun de nous et Dieu? Y a-t-il une politique plus grande, plus divine? Sans doute, dans cette société il n'y a que deux êtres, Dieu et l'âme; mais dans la société le nombre n'est rien, ou il est peu de chose, la dignité des personnes et l'excellence des sentiments sont tout. Or, la société dont Dieu fait partie, dont il est la tête sera toujours grande, toujours incomparable, parce que Dieu donne une grandeur inouïe à tout ce qui tient à lui.

Entre les sociétés créées, la première sera donc toujours celle de la créature avec le Créateur: Prima est homini cum Deo societas; les autres ne viennent que bien loin derrière, et c'est encore beaucoup pour elles, car quelle grandeur, quel honneur, quel avantage d'être en société avec celui qui est lui-même en société avec Dieu, d'être l'ami de l'ami de Dieu! Par contre, quel déplaisir d'être en société avec celui qui n'est pas en société avec Dieu, avec celui qui est, au contraire, en guerre avec lui? l'ami de Dieu sera toujours un ami précieux; au contraire, l'ennemi de Dieu sera toujours un ami inutile et peut-être dangereux.

Ainsi, la société avec Dieu ne donne pas seulement de la grandeur et de la dignité à toutes les autres sociétés, elle leur donne encore de la moralité, de l'honneur, de la dignité, et même de la sécurité. Cependant, que de politiques passent sous silence cette première société de l'homme avec Dieu, fondement, dignité et sécurité de toutes les autres! que de publicistes font commencer la société à la famille, et même à l'État ! Avec cette politique on a, à la vérité, des

b.

familles et des États; mais les membres n'en étant pas reliés d'abord à Dieu, ne le sont aussi jamais bien entre eux: Ut et ipsi IN NOBIS unum sint. Pour que les hommes ne fassent qu'un entre eux, il faut d'abord qu'ils ne fassent qu'un avec Dieu. Il faut donc commencer la politique comme Dieu l'a commencée, et suivre l'ordre qu'il a suivi; il faut faire des justes, des âmes saines, pures, droites, sociables avant de faire des époux, des pères, des mères, des sujets, des citoyens, des magistrats, des législateurs, des rois. L'architecte ne jette pas les pierres toutes brutes dans le monument qu'il élève; il les taille auparavant, il les polit, il leur donne la forme qui convient à la place qu'elles doivent occuper dans l'édifice. La grâce, la justice chrétienne polit les âmes; elle en fait des pierres vivantes, dignes d'entrer dans l'Édifice social, et ainsi à tous les points de vue la société avec Dieu est la première de toutes les sociétés.

4° La société de l'homme avec Dieu n'est pas purement humaine, elle est encore divine, car si l'homme en est un des deux termes, Dieu est l'autre. La société véritablement humaine va maintenant commencer; elle se trouve toute préparée, puisque le cœur de l'homme est déjà purifié, ennobli, civilisé par la grâce, par la société avec Dieu. Aussi, Dieu va-til poursuivre la création du genre humain; mais, ce n'est pas de nouveaux hommes qu'il crée, c'est une femme, et cette femme, il la tire encore des flancs de l'homme, et il la crée pour l'homme: Faciamus ci adjutorium. (Genes., 11, 18). C'était le mariage, c'était la famille ; c'était aussi, en germe l'État, l'Église, et même le ciel; le mariage, parce qu'Adam et Ève étaient époux; la famille, parce qu'ils allaient être père, parents; l'État, parce qu'Adam était déjà roi et avait en la personne d'Ève un premier sujet qui devait lui en donner tant d'autres; l'Église, parce qu'il était pontife, le ciel enfin, parce

qu'Adam et Ève étaient deux élus, deux prédestinés. Voilà le commencement de la société humaine, et en voilà le progrès, ce progrès aujourd'hui si vanté et si peu connu, le progrès véritable, celui qui consiste à se développer, à monter, à s'élever, non à s'agiter. Mais n'anticipons pas, et restons pour le moment dans la famille.

Le mariage, la famille, est une société nouvelle, admirable, que les anges eux-mêmes n'ont point connue, qu'ils ne pouvaient même connaître puisqu'ils sont de purs esprits; mais cette société est merveilleusement appropriée à la nature de l'homme, qui est à la fois esprit et corps, intelligence et matière. La société véritablement humaine commençait donc dans le monde, et cette société était encore cependant divine, sinon dans les personnes, du moins dans le modèle qui est toujours la Sainte-Trinité, Ut et ipsi in Nobis unum sint. A qui ces paroles conviennent-elles mieux qu'aux époux qui réalisent la plus haute unité visible qui soit sur la Lerre?

D'ailleurs, cette première société humaine n'est pas seulement divine dans son modèle, elle l'est encore en ellemême, dans ses sentiments, car c'est pour Dieu, non pour lui, qu'Adam aimait sa compagne. Ainsi, même dans la société des hommes entre eux, Dieu n'est pas absent; il est toujours là présent, soit comme principe, soit comme fin, soit comme lien mutuel des cœurs, soit comme gardien des devoirs; il est tout, et tout est pour lui. La société a commencé par être divine, et, sous peine de décheoir, elle ne peut cesser de l'être, même en devenant humaine. Quand l'homme aime l'homme, s'il l'aime vertueusement, selon l'ordre et selon le devoir, Sicut oportet, c'est toujours Dieu qu'il aime dans l'objet aimé, et c'est ainsi qu'il accomplit la grande loi sociale : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de

tout ton cœur, etc.» Dieu en tout et tout en Dieu; certes! ce n'est pas là abaisser la société, au contraire, c'est la diviniser, la déifier; à une politique chrétienne, divine, ne faut-il pas aussi une société chrétienne et divine elle-même?

5o Le mariage a donné naissance à la famille; la famille, à son tour va, en s'étendant, donner naissance à la nation : en effet, la nation est l'extension de la famille, son merveilleux prolongement. Dieu a dit au premier couple: « Croissez, multiplicz-vous, et remplissez la terre. » Toutes les nations sont sorties de ce premier couple et de cette bénédiction, ex uno omnes : elles ne sont elles-mêmes que de grandes familles, des familles de peuples, selon l'expression de l'Écriture, familiæ populorum. Le grand succède au petit, c'est-à-dire ce qui était petit devient grand. « Je ferai de toi une grande nation, » dit Dieu à Abraham qui n'était encore qu'un père de famille, et il le fit; car c'est Dieu qui fait les nations, et non, comme on le croit aujourd'hui, les nations qui, au moyen d'un contrat ou d'une convention, se font elles-mêmes. Les enfants d'Abraham n'ont jamais fait de contrat pour être une nation; ils sont nés d'Abraham, ils ont gardé le souvenir et le respect de leur père, ils ont conservé l'amour de leurs frères; voilà le contrat social qui les a tenus unis, et ce contrat, c'est la nature, c'est Dieu, auteur de la nature, qui l'a fait, non les enfants d'Abraham. Ainsi se sont formées toutes les autres nations, c'est-à-dire naturellement, non artificiellement, par la naissance, natione, comme le nom l'indique, non par convention. La nation est une grande famille, comme la famille est une petite nation. L'une et l'autre sont nées, mais la nation accuse dans son nom cette origine bien plus nettement encore que la famille elle-même.

6o En s'étendant de plus en plus, et par conséquent en se

gênant mutuellement à proportion qu'elles s'étendent, les premières familles, je veux dire les premières nations, se voient obligées, par la force même des choses, de se séparer; mais, en se séparant, elles se mettent en danger de s'oublier, de devenir étrangères les unes aux autres, et peut-être même ennemies. Dans tous les cas, l'unité première du genre humain est rompue.

D'ailleurs, il était à craindre que, à mesure que les hommes s'éloigneraient les uns des autres, ils ne s'éloignassent aussi de Dieu, et n'oubliassent cette première société formée avec lui, et qui doit toujours rester la base et la règle de toutes les autres. Après la société de l'âme avec Dieu, après la société domestique, après la société nationale ou civile, une nouvelle unité, une nouvelle autorité, une nouvelle société était donc nécessaire, afin de rattacher les hommes à Dieu, et les hommes, les familles et les peuples entre eux. Cette société, c'est l'Église catholique, qui, comme son nom même l'exprime, est la société universelle des hommes.

L'Église est donc le dernier développement de la société sur la terre, son apogée; car, quelle société peut-on imaginer encore après la société universelle du genre humain? Or, l'Église, en vertu de l'institution même de Dieu, est la société catholique, universelle, par conséquent la société du genre humain. Ceux qui vivent en dehors de l'Église sont ou des hommes qui ont refusé d'entrer dans cette société universelle, ou des hommes qui en sont sortis. Mais l'infidélité des uns ou l'apostasie des autres ne changent pas l'institution de Dieu; après l'homme ou la société de l'âme avec Dieu vient la société conjugale, puis la société domestique, puis la société civile, et enfin la société universelle des hommes dans l'Église, non ailleurs. Celui qui veut s'unir à Dieu et au

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