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comme elle directement sur le même original. C'est une ressemblance sans doute, mais cette ressemblance est de seconde main, non de première. Quand un grand peintre fait plusieurs fois son portrait, la ressemblance qu'il a en vue n'est pas celle d'un portrait à un autre; c'est uniquement sa propre ressemblance; c'est elle qu'il aime ainsi à multiplier, parce qu'il veut se plaire à lui-même, non à ses portraits. C'est elle qu'il cherche, non la leur. Chaque fois qu'il met la main à l'œuvre, c'est lui-même qu'il contemple, ce sont ses propres traits qu'il reproduit; enfin, c'est aussi à lui-même qu'il compare son œuvre, chaque fois qu'il en veut constater la ressemblance.

Ainsi en agit Dieu quand il crée une nouvelle âme. Cette âme me ressemble-t-elle, dit-il? a-t-elle la notion de l'infini, l'amour, le désir de l'infini? — Oui. — Alors, l'ouvrage est bon, et vidit quod esset bonum, et il achève son œuvre, et c'est une âme de plus dans le monde et une étoile de plus au firmament des intelligences. Mon Dieu! que serait une âme qui ne serait que le portrait d'une autre âme? Assurément, elle serait sa propriété, sa chose, comme nous sommes la propriété, la chose de Dieu.

Sans doute, les différents portraits que fait successivement le peintre dont je parlais tout à l'heure, se ressemblent entr'eux, puisqu'ils sont tous également son portrait, mais comment se ressemblent-ils ? est-ce en eux-mêmes, directement, et par eux-mêmes? Non, c'est par le personnage dont ils sont également le portrait; c'est parce qu'ils reproduisent tous fidèlement ses traits, sa personne. Y a-t-il, en effet, en l'un d'eux un seul trait infidèle? cela suffit; en ce point il ne ressemble pas aux autres, parce qu'il ne ressemble pas au personnage. En un mot, tous ces portraits

ne sont semblables que parce qu'ils sont tous la ressemblance fidèle de la même personne. C'est donc en celle-ci, non en eux qu'est la raison de leur ressemblance réciproque.

Ainsi, ce n'est pas par eux-mêmes et en eux-mêmes que les hommes se ressemblent, c'est par Dieu, et en Dieu. En soi, chacun ne porte qu'une seule ressemblance, une seule image, celle de Dieu.

N'est-ce pas ce que Jésus-Christ voulait nous faire entendre quand il disait : « N'appelez personne sur la terre votre père, parce que vous n'avez qu'un père qui est dans les cieux.» (Matth., xxш. 8) Oui, en vérité, nous n'avons qu'un père, qu'un type, et ce type n'est pas sur la terre, il est dans les cieux. Nous sommes des âmes, des esprits, des intelligences, et notre âme, notre esprit, notre intelligence viennent directement de Dieu, et ne portent pas d'autre image que la sienne. Nous sommes son image, et encore non une de ces images grossières, insensibles, muettes qui semblent parler sur la toile et qui ne parlent pas, qui voudraient penser, sourire, aimer, avoir une réalité, connaître leur type, les personnages qu'elles représentent et qui ne le peuvent pas; nous sommes des portraits vivants, des images parlantes; nous avons tout ce qui manque à ces vaines images, nous pensons comme Dieu, nous voyons les mêmes vérités que lui, nous aimons le même bien, nous faisons tout ce qu'il fait, sauf l'inégalité inévitable de l'image et de l'original; enfin nous avons la même fin que lui, car notre fin, c'est précisément lui, et rien que lui.

Quelle est la conséquence de tout ce qui précède? Elle est grande, elle est merveilleuse. En vertu de la ressemblance, l'homme était déjà en société avec les hommes, avec le genre humain tout entier, et cela était trouvé admirable. En vertu

de la même ressemblance, l'homme était en société avec les anges, et c'était plus admirable encore. Maintenant, l'homme est en société avec Dieu: comment admirer encore, c'est-à-dire comment proportionner notre admiration à la grandeur toujours croissante de notre élévation?

« Si l'homme s'élève, dit Pascal, je l'abaisse ; » et il a raison, car si l'homme a grand sujet de remercier, il n'a pas sujet de s'énorgueillir. « Si l'homme s'abaisse, je l'élève,» dit-il encore, et toujours avec raison. Mais comment élever l'homme plus haut que de lui rappeler qu'il est semblable à Dieu, qu'il est son image, partant qu'il a une sorte d'égalité avec lui, car la ressemblance et la société qui en est la suite sont bien une espèce d'égalité. Dieu lui-même semble vouloir le faire comprendre à l'homme quand il lui dit: Ego dixi: Dii estis et filii Excelsi omnes. Vous êtes tous des dieux et des enfants de Dieu.

Aussi, qu'on ne se hâte pas de taxer l'homme d'orgueil quand, non content de la société des autres hommes et même de celle des anges, il a l'ambition de s'égaler presque à Dieu et de vivre en société avec lui. Non, il n'y a pas plus d'orgueil dans l'homme, lorsque, pénétré d'amour et de reconnaissance, il s'élève jusqu'à Dieu, qu'il n'y a d'abjection en lui lorsque, par humilité, il s'abaisse lui-même jusqu'au néant. « Avec combien peu d'orgueil, dit encore Pascal, un chrétien se croit-il uni à Dieu ! Avec combien peu d'abjection s'égale-t-il au ver de terre ! » (Pensées.) Ailleurs, Pascal nous montre admirablement pourquoi l'homme en s'abaissant ne se dégrade pas. « Car, dit-il, quand l'homme s'abaisse par mouvement de pénitence, ce n'est pas pour demeurer dans la bassesse, c'est pour aller à la grandeur. » (Pensées.) Et en effet, il va à Dieu; or Dieu est grand, Dieu seul est grand. De même,

quand l'homme prétend à la société de Dieu, il ne doit pas être taxé d'orgueil, car il n'y prétend pas de lui-même; il y est appelé vocatus. La création est déjà, nous l'avons vu, une première vocation, la grâce une seconde. Deux fois appelé, deux fois invité: plût à Dieu que l'homme répondit enfin, et ne méprisât pas la belle société à laquelle Dieu l'appelle!

CHAPITRE V.

La première société de l'homme n'est ni avec les hommes ni avec les anges, elle est avec Dieu..

Ainsi, ce n'est pas aux hommes, ce n'est pas aux anges non plus que l'homme est directement, immédiatement, principalement semblable, c'est à Dieu. Grande vérité, et aussi grande conséquence; car toute grandeur doit se manifester par ses effets.

Nous sommes loin, en effet, d'avoir dans le chapitre précédent tiré toutes les conséquences de ce grand principe de la ressemblance de l'homme avec Dieu. A la vérité, nous en avons conclu que l'homme est en société avec Dieu, comme il l'était déjà avec les hommes et avec les anges. Mais est-ce assez? Évidemment non, car cette ressemblance que nous avons avec Dieu ne ressemble, si je puis parler ainsi, à aucune autre. Elle est principale, directe, immédiate; toute autre, au contraire, est secondaire, indirecte, módiate. Or, la loi de la ressemblance est la loi même de la

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