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Dieu. La preuve que Dieu ne l'a ni maudit, ni banni, ni excommunié, c'est qu'il vit encore, c'est que Dieu n'a pas encore prononcé sur lui cette parole dernière: « Allez, maudit, au feu éternel qui a été préparé à Satan et à ses anges.>> (Matth., xxv, 41.) Or, seule, cette dernière malédiction est la malédiction divine, l'excommuication divine, le bannissement divin. L'homme est l'image de Dieu et Dieu ne renonce pas facilement à son image. Plût à Dieu que l'homme ne renoncât pas plus facilement à son type !

Bien plus, loin que Dieu ait maudit ce malheureux, loin qu'il l'ait excommunié, banni, il l'appelle encore, au contraire, il l'invite, il lui prépare les voies, s'il veut revenir, et qui sait? ce malheureux est peut-être un des élus de l'avenir. L'Enfant prodigue n'est-il pas revenu? N'est-ce pas aussi au dernier moment, sur la croix, que le bon larron est devenu bon? Ils n'étaient donc encore ni l'un ni l'autre abandonnés de Dieu. De même, que de condamnés à mort meurent tous les jours avec des sentiments qui feraient envie à bien des justes! Preuve nouvelle de ce que j'avançais, qu'il reste encore, même dans les plus dépravés, un fond de bonté cachée; et ne faut-il pas même que ce fond soit grand, pour que des êtres si avilis puissent se relever avec tant de promptitude? Oh! si les hommes connaissaient toutes leurs forces! et, ici, je ne parle pas seulement des criminels dont il est en ce moment question, je parle de tous, je parle des honnêtes gens, des justes eux-mêmes, car si les plus grands criminels peuvent si aisément se relever, combien plus facilement les justes peuvent-ils s'élever?

Il y a donc des élus parmi ces malheureux. Dans tous les cas, tous sont appelés: vocati. Or, la vocation est déjà une société. On n'invite que ses amis, ou ceux dont on veut faire

ses amis, et ainsi tous les hommes, sans exception, sont rattachés d'abord à Dieu, au moins par un reste de société. 2o Avec tous les hommes. Mais, ce qui paraîtra peut-être plus surprenant encore, ces criminels, ces.maudits, ces bannis, ces excommuniés sont encore en société avec les hommes, avec tous les hommes, sans exception, et par conséquent avec leur père qui les a justement maudits, avec leur prince qui les a justement bannis, avec leur pasteur qui les a justement excommuniés, enfin avec leurs frères, avec leurs concitoyens et avec tous les fidèles. En effet, ce n'est pas par haine que la famille les a maudits, que l'État les a bannis, que l'Église les a excommuniés; c'est par devoir, pour préserver la famille, l'État et l'Église de leur corruption. Aussi, le père aime toujours comme homme celui qu'il a dû maudire comme mauvais fils, le prince celui qu'il a dû bannir comme dangereux sujet, le pasteur celui qu'il a dû excommunier comme fidèle scandaleux. Car, Dieu le couvre toujours de sa protection, de sa providence, et celui que Dieu n'a pas abandonné, nul ne peut l'abandonner; celui que Dieu ne hait pas, nul n'a le droit de le haïr; bien plus, celui que Dieu aime, nul n'est dispensé de l'aimer. Or Dieu, je l'ai prouvé, aime encore ce criminel, il l'appelle, et appeler c'est aimer, car c'est vouloir être aimé.

J'ai dit tout à l'heure que Dieu continuait toujours à couvrir de sa protection, de ses lois, de sa providence, ceux qui avaient perdu par leurs crimes la protection des lois humaines; en voici la preuve :

Caïn, cette première figure de tous les maudits, de tous les bannis et de tous les excommuniés dit à Dieu : « J'irai me cacher de devant votre face, je serai fugitif et vagabond sur la terre; quiconque me rencontrera me tuera. Non, cela ne sera pas, lui répondit Dieu, car quiconque tuera

Caïn subira un supplice sept fois plus grand. » (Genes., Iv, 14-15.)

Plus tard Lamech, un descendant de Caïn, ayant commis un crime semblable, dit à ses femmes : « Femmes de Lamech, entendez ma voix; écoutez ce que je vais dire: J'ai tué un homme; je l'ai tué d'un coup que je lui ai porté. On vengera sept fois la mort de Caïn, et septante fois sept fois la mort de Lamech. » (Genes., IV, 23.)

Ainsi, Dieu est le dernier à abandonner l'homme, à le maudire, à le bannir, à l'excommunier, et tant que l'on n'est pas séparé totalement de Dieu, on ne peut l'être non plus des hommes. Mais, il faut aussi le dire, c'est là le dernier lien, et ce lien est faible, car dans ce misérable reste de société, ce n'est pas l'homme qui tient à Dieu, c'est Dieu seul qui tient encore à l'homme. Dieu appelle et l'homme fuit; Dieu invite et l'homme méprise; Dieu aime et l'homme hait. Ce n'est pas là, comme on voit, un grand lien. D'ailleurs, Dieu se lasse à la fin d'appeler toujours en vain, et alors... mais ceci n'appartient déjà plus à ce chapitre, cela relève d'un des chapitres suivants. En attendant, que d'hommes peuvent dire comme le prophète : « Misericordiæ Domini, quia non sumus consumpti, quia non defecerunt miserationes ejus. » C'est bien grâce à la miséricorde de Dieu si nous ne sommes pas entièrement perdus, parce que ses miséricordes ne nous ont pas manqué. » (Jerem., 1, 22.) Oh! si elles nous eussent manqué, où serions-nous?

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CHAPITRE XIII

Tout homme qui est encore dans ce monde, in via, comme disent les théologiens, quelle que soit sa dégradation intellectuelle et morale, est encore sociable, et partant en société.

La proposition qui est en tête de ce chapitre ne présente à l'esprit aucune vérité nouvelle, et elle pourra peut être passer pour une répétition de la proposition précédente. Elle l'est en effet jusqu'à un certain point; aussi me seraisje abstenu de la produire si elle ne donnait à la sociabilité sa dernière formule, son expression la plus absolue, et à ce point de vue, elle mérite peut-être de figurer en tête d'un chapitre particulier, afin d'attirer l'attention du lecteur en un sujet qui est d'un si grand intérêt.

L'homme voyageur, quelle que soit sa conduite morale et sociale, existe, pense, agit, en un mot vit encore pour la société, et même pour la plus grande de toutes les sociétés et la plus durable d'entre elles, pour la société éternelle de Dieu et des bienheureux. Comment alors ne seraitil pas sociable?

Or, qu'il vive encore pour cette dernière société, fin et développement de toutes les autres, ce mot même de voyageur le prouve suffisamment, car pourquoi est-il voyageur, sinon parce qu'il est en route? Mais où va-t-il, ce voyageur? Qui l'a mis en chemin? c'est Dieu, et ce chemin lui reste toujours ouvert, même quand il ne marche plus, même quand il s'égare. L'homme qui s'égare est aussi un voyageur. Dieu donne à cet homme la raison, la grâce, au moins la grâce actuelle, et avec ces deux seules choses il peut toujours arriver, fût-il le plus criminel de tous les hommes. C'est même afin qu'il arrive que Dieu «< use de tant de patience envers lui, dit saint Pierre, ne voulant pas que personne périsse, mais au contraire que tous reviennent à lui par la pénitence. » Est-il donc tout à fait hors la loi, celui que la loi divine, la première et la plus haute de toutes les lois positives, protége, celui que la loi naturelle éclaire encore, celui que la loi ecclésiastique s'efforce de corriger, de relever, celui à qui, en vertu du droit des gens, c'est-à-dire du droit de tous les hommes, il est défendu à tous de faire le moindre mal, à qui au contraire il est commandé de faire tout le bien qu'on peut : « ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on fît à toi-même; fais-lui au contraire tout ce que tu voudrais qu'on te fit. >> Enfin, est-il abandonné celui que toutes les lois dlvines et humaines reconnaissent toujours pour un homme et une image de Dieu, pour un voyageur, pour un appelé, un invité, et peut-être un élu! Il est appelé en effet par Dieu à son royaume céleste, et invité à son festin éternel.

Non, un tel homme n'est pas hors la loi; il est, au contraire, sous le couvert de la loi, sous sa protection, et par conséquent sous la protection de la société. Que lui manque-t-il même pour être, lui aussi, dans la loi? Une

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