tion des pasteurs dépend la conduite de tout le troupeau. Je sais bien que messieurs les Protestans se trompent, quand ils veulent que tout ce qui est nécessaire soit expressément marqué dans les Ecritures; mais leur principe se tourne contre eux en cette occasion. Si le ministère appartient aux peuples, il est étonnant que l'Ecriture, qui instruit les peuples si exactement sur tous leurs devoirs, ne leur parle jamais des élections, et ne leur recommande rien, à l'égard des pasteurs, qu'une humble soumission. De plus, si nous n'avions pour nous que le silence des Ecritures, peut-être pourroit-on contester mais ce qui décide, c'est qu'elles ont parlé amplement. Quand elles instruisent expressément et en détail sur les élections, elles ne font aucune mention du peuple; elles ne parlent qu'aux évêques. Dans tous les discours que l'histoire des Actes rapporte, et dans dix-huit Epîtres des apôtres aux peuples fidèles, nous ne trouvons aucune trace d'instruction sur la manière d'élire les pasteurs. Il reste trois Epîtres de saint Paul à des évêques. Là se trouvent plusieurs fois répétées toutes les règles des élections; là saint Paul donne aux évêques qu'il instruit toute l'autorité de choisir et d'ordonner " comme nous l'avons vu, ceux qu'ils jugeront propres à être pasteurs. Les Protestans disent donc ce que l'Ecriture n'a jamais dit sur les élections, quoiqu'elle ait souvent parlé expressément de cette matière, lorsqu'ils assurent qu'elles appartiennent au peuple; et nous, à qui ils reprochent de ne suivre point l'Ecriture, nous disons à la lettre ce qu'elle dit, quand nous soutenons que c'est aux pasteurs à établir d'autres pasteurs qui perpétuent le ministère, puisque saint Paul charge si formellement les deux évêques Timothée et Tite de choisir et d'ordonner d'autres évêques dans toutes les villes. CHAPITRE VIII. L'imposition des mains ou ordination des pasteurs est un sacrement. Nous avons vu combien M. Jurieu se trompe lorsqu'il suppose que l'élection appartient au peuple, et qu'il conclut que c'est le peuple qui fait les pasteurs, puisque l'ordination n'est qu'une simple cérémonie, dont on pourroit se dispenser. Quand même l'ordination ne seroit point essentielle, tout son édifice tomberoit par les fondemens, puisque la seule élection suffit, comme nous venons de le montrer, pour faire voir que c'est le corps des pasteurs, et non pas le peuple, qui établit d'autres pasteurs pour la succession du ministère. Il sera facile d'aller plus avant, et de prouver que l'ordination est essentielle. Saint Paul, voulant animer Timothée dans ses fonctions, lui rappelle jusqu'à deux fois, dans deux courtes Epîtres, le souvenir de la grâce attachée à son ordination. « Ne néglige point, dit-il (1), le » don qui est en toi, qui t'a été donné par prophé» tie, par l'imposition des mains de la compagnie >> des anciens. » Et encore : « Je t'admoneste que (1) I. Tim. IV. 14. » tu rallumes le don qui est en toi par l'imposition » de mes mains (1). » Il est constant que ce don est un don du Saint-Esprit, et une grâce pour le ministère. C'est ce que signifie le terme grec zápiμatos, Voilà la grâce répandue sur Timothée par l'imposition des mains. Qu'on ne dise pas que c'est par l'im- position des mains de l'apôtre, qui avoit une vertu extraordinaire : vous voyez qu'il dit la même chose de l'imposition des mains du presbytère ou des anciens. Qu'on ne dise point aussi que c'est par la prophétie : saint Paul, dans le dernier endroit, n'en parle point, et montre la grâce répandue par la seule imposition des mains. Qui ne sait que ces paroles, par la prophétie, signifient selon la prophétie? La prophétie ne donnoit pas la grâce: elle l'avoit seulement promise. C'est par l'imposition des mains qu'elle est actuellement reçue. Saint Paul dit au . 18 du 1er ch. de la 1re Ep. « Mon fils Ti» mothée, je te recommande ce commandement, » que, selon les prophéties qui auparavant ont été » de toi, par elles tu fasses devoir de guerroyer en » cette bonne guerre. » Vous voyez que quelqu'un des fidèles qui avoient alors le don de prophétie, avoit prédit que Timothée seroit un jour un saint évêque. Saint Paul l'exhorte à accomplir cette prédiction dans la milice sainte où il doit combattre. C'est selon cette prophétie que Timothée fut ordonné évêque par l'imposition des mains de saint Paul; et c'est par cette imposition des mains qu'il reçut la grâce. Ainsi il n'y a pas ombre de prétexte pour sour tenir que c'est à cause de la prophétie que la grâce (1) II, Tim. 1. 6, lui fut donnée. La prophétie fut extraordinaire et miraculeuse; mais l'imposition des mains, par laquelle la prophétie s'accomplit, et par laquelle la grâce fut répandue sur Timothée, étoit une ordination commune, à laquelle toutes les ordinations d'évêques doivent être conformes. Vouloir que cette grâce ait été miraculeuse et extraordinaire, c'est supposer ce que l'Ecriture ne dit ni ne donne prétexte de croire. Que l'amour de la vérité élève ici nos frères au-dessus de tous leurs préjugés contre notre doctrine; qu'ils se rendent humblement attentifs et dociles à la force des paroles de l'apôtre, dans leur sens littéral et le plus naturel, puisque le Saint-Esprit nous les a données pour nous instruire sur l'ordination des pasteurs. Voilà une grâce donnée par l'imposition des mains; et par conséquent une grâce pour le ministère. Ce n'est point une grâce passagère qui puisse se perdre par les mauvaises dispositions de celui qui l'a; c'est un don fixe qui est en lui pour les autres. Il peut le rallumer, c'est-à-dire l'exercer avec un renouvellement de ferveur. Mais enfin, avant même qu'il le rallume, ce don subsiste en lui, et rien ne l'efface: car saint Paul dit, le don qui est en toi, et non pas qui a été en toi. C'est ce qui fait dire à saint Augustin que l'ordination est un sacrement. Ses paroles sont trop importantes pour n'être pas rapportées dans toute leur étendue. Parménien avoit dit « que celui » qui sort de l'Eglise ne perd pas le baptême, mais » seulement le droit de le conférer, c'est-à-dire qu'il » perd seulement le sacerdoce. On ne peut, répond >> » saint Augustin (1), montrer par aucune raison, » que celui qui ne perd pas le baptême puisse per»dre le droit de le conférer car l'un et l'autre est >> un sacrement; l'un et l'autre est donné à l'homme >> par une certaine consécration; l'un, quand il est baptisé; l'autre, quand il est ordonné.. Et c'est pourquoi dans l'Eglise catholique il n'est permis de » réitérer ni l'un ni l'autre; car si quelquefois les >> pasteurs qui viennent de leur parti sont reçus pour » le bien de la paix, après avoir renoncé à l'erreur » du schisme, et qu'on ait jugé à propos qu'ils remplissent les fonctions qu'ils remplissoient aupara» vant, on ne les a point ordonnés de nouveau ; mais » leur ordination, comme leur baptême, est de» meurée entière, parce que le vice de la séparation » a été corrigé par la paix de l'unité, mais non pas » les sacremens, qui sont vrais partout où ils sont. Quand l'Eglise juge utile que leurs pasteurs venant » à la société catholique n'y exercent point le minis» tère, le sacrement de l'ordination ne leur est pour>> tant pas ôté, mais il demeure sur eux. C'est pourquoi on ne leur impose point les mains au rang du peuple, de peur de faire injure, non à l'homme, >> mais au sacrement : et si quelquefois on le fait par » ignorance, on ne l'excuse point avec opiniâtreté, » mais on se corrige après l'avoir reconnu. » Ensuite saint Augustin compare le caractère des sacremens à l'inscription de la monnoie, et à la marque militaire imprimée chez les Romains sur le corps d'un soldat; et il ajoute (2) : « Est-ce que les sacremens de Jésus(1) Cont. Ep. Parmen. lib. 11, cap. x111, n. 28. — (2) Loc. cit. n. 29. |