barbares, qui étoient parfaits chrétiens, et qui n'avoient aucun livre canonique écrit en leurs langues. Enfin si le ministère vient, comme nous l'avons prouvé, non de la simple élection du peuple, mais de la commission expresse de Jésus-Christ attachée à l'ordination successive, il est manifeste que, dans l'extrême besoin, le peuple ne peut non plus se faire un ministère nouveau, qu'une Bible nouvelle. M. Jurieu nous reproche les papes simoniaques et intrus du dixième siècle, avec le schisme d'Avignon, qui semblent avoir interrompu la succession de nos pasteurs. Mais il me permettra de lui dire qué quand on connoît nos principes, ceux de l'antiquité et ceux même de sa prétendue réforme, comme il doit les connoître, on ne doit pas proposer cette objection comme une vraie difficulté. Tout le monde convient que quand on parle de la succession des pasteurs, on parle des ministres dont chacun en particulier a reçu l'imposition des mains de quelque autre ministre qui l'avoit reçue d'un autre, en sorte qu'on remonte ainsi sans interruption jusqu'aux apôtres. D'ailleurs tout le monde convient, et des Protestans mêmes, que l'imposition des mains d'un ministre vicieux est valide. Qu'avons-nous donc à prouver pour justifier notre succession? qu'il n'y a jamais eu d'interruption dans l'imposition des mains des pasteurs. C'est ce que les Protestans n'oseroient nous contester, Ils savent que les papes intrus et vicieux du dixième siècle avoient reçu l'ordination valide. Qu'ils soient tant qu'on voudra illégitimes et nuls pour l'exercice de la juridiction; n'importe. C'est ce qui n'entre point dans notre quesFENELON. II. 5 tion. On prouveroit seulement par là que le siége de Rome auroit été vacant de droit, et rempli de fait par des évêques véritablement consacrés, et véritablement capables d'exercer les fonctions, quoique peut-être ils n'eussent pas un droit véritablement légitime d'exercer en ce lieu leur épiscopat. Si un des ministres qui ont été autrefois à Charenton usurpoit maintenant une chaire dans quelque église de Hollande, au préjudice du pasteur établi selon les règles dans cette église, il seroit vrai ministre selon les Protestans, mais faux ministre de cette église-là. Il en est de même de ces intrus dont nous parlons. Ils étoient évêques vraiment consacrés, et capables par conséquent d'en consacrer d'autres véritables comme eux. Il n'y avoit que leur droit d'exercer le ministère dans une telle église, qui étoit mal fondé, selon la discipline ecclésiastique. Les papes et les autres évêques des deux obédiences d'Urbain et de Clément avoient aussi l'imposition des mains successive, s'il m'est permis de parler ainsi. Jamais Urbain n'a prétendu que Clément n'eût été validement ordonné, et qu'il ne fût véritable évêque. Jamais Clément n'a douté qu’Urbain n'eût reçu le même caractère. Mais se reconnoissant tous deux réciproquement évêques, ils disputoient pour savoir lequel de ces deux évêques devoit exercer légitimement les fonctions pontificales dans le siége romain. Ce seroit abuser de la patience du lecteur, que de s'étendre davantage pour montrer que ce schisme entre des ministres bien ordonnés n'a point interrompu l'ordination successive qui distingue nos pasteurs de ceux des Protestans. CHAPITRE VII. Des paroles de saint Paul sur les élections. QUAND nous viendrons aux élections de l'ancienne Eglise, nous montrerons que l'évêque qui imposoit les mains étoit regardé comme le principal électeur. C'est par cette raison que l'évêque, dans nos ordinations, où les anciennes formes restent encore, écoute d'abord l'archidiacre qui lui rend compte de ceux qui sont proposés. Puis l'évêque dit: Nous avons élu, etc. Enfin il consulte le peuple pour savoir s'il s'oppose à l'élection faite. Cette puissance de l'évêque paroît dès le temps de saint Paul. Cet apôtre écrit à Timothée: N'impose point hátivement les mains sur qucun (1), comme porte la version de Genève; c'està-dire, choisissez avec de grandes précautions ceux que vous ordonnerez, de peur de vous charger des fautes des ministres que vous auriez ordonnés sans les bien connoître. Vous voyez donc qu'il donne à l'évêque le choix du ministre aussi bien que l'ordination. Il donne encore au même Timothée un pouvoir sans restriction pour choisir les pasteurs, quand il dit : « Et les choses que tu as entendues de moi » entre plusieurs témoins, commets-les à des gens » fidèles qui soient suffisans pour enseigner aussi les » autres (2). » C'est Timothée, non apôtre, mais simple pasteur ordinaire, comme ceux de notre siècle, qui doit confier le dépôt de la doctrine et du minis tère à ceux qu'il jugera capables de le conserver dans sa pureté. Le même qui impose les mains, choisit. L'élection populaire n'est qu'une espèce d'information préalable sur les mœurs de celui qui sera élu et ordonné, ou un désir du peuple qu'on ne doit suivre qu'avec connoissance de cause. an Saint Paul parle à Tite comme à Timothée; et on voit partout la même règle exactement suivie, avec un dessein clairement marqué. Que tu établisses, dit-il (1), des anciens de ville en ville. Quoique je me serve ici de la version de Genève pour citer à messieurs les Protestans le texte qui leur est le plus familier et le moins suspect, ils ne doivent pas s'ima giner que saint Paul ne parle que d'établir des ciens semblables à ceux de leurs églises. Leur traducteur a affecté d'éviter le mot de prêtres dont nous nous servons après toute l'antiquité; il n'a pas songé que celui d'anciens, comme ils le prennent parmi eux, n'a aucune proportion avec ceux dont le nouveau Testament parle. Leurs anciens, selon leur discipline, ne sont point pasteurs, et n'ont aucune fonction pastorale; au lieu que ceux dont saint Paul parle ici, sont évêques. Il ajoute (2): « à savoir s'il » y a quelqu'un qui soit irrépréhensible, mari d'une » seule femme, ayant des enfans fidèles, non accusés » de dissolution, ou qui ne se puissent ranger; car » il faut que l'évêque soit irrépréhensible, etc. » C'est donc Tite, évêque, laissé en Crète par saint Paul, qui doit établir des évêques dans les villes. Il doit choisir ceux qui sont irrépréhensibles et qui ont les autres qualités marquées. Outre que voilà déjà le (1) Tit. 1. 5.- (2) Ibid. 6, 7. choix de l'évêque donné formellement à Tite, il faut encore observer que le mot d'établir est général et absolu. Il renferme également le choix et la consé cration. Remarquez aussi que saint Paul, en cet endroit, donne des règles pour choisir ceux qu'on fera pasteurs. C'étoit le lieu de marquer le droit du peuple, ou du moins de ne rien dire qui pût l'affoiblir et le rendre douteux. Il falloit même nécessairement, en réglant les élections, donner ces règles à ceux qui devoient les pratiquer. Si le peuple devoit élire, c'étoit au peuple qu'il falloit s'adresser. Il falloit dire: Exhortez le peuple à ne confier le ministère qu'à des hommes irrépréhensibles; comme nous voyons que saint Paul charge Timothée d'avertir les pères et les mères, les maris, les femmes et les enfans, les riches et les autres personnes de chaque condition, de remplir leurs devoirs. Ici tout au contraire saint Paul, sans faire aucune mention du peuple, dit absolument : Que tu établisses des anciens, c'est-à-dire des évêques, à savoir s'il y a quelqu'un d'irrépréhensible, etc. Ce qui est encore très-important à considérer c'est que parmi tant d'Epîtres des apôtres, où ils donnent, dans un détail si exact, des règles précises pour les devoirs des peuples, et où ils marquent souvent jusqu'aux dernières circonstances des devoirs des laïques, jamais ils n'ont parlé de ce que peuples sont obligés de faire pour les élections des pasteurs. Si elles avoient appartenu aux peuples, rien n'eût été plus essentiel que de les instruire de la manière de remplir ce devoir, puisque de l'élec les |