Obrazy na stronie
PDF
ePub

plus forte raison un chrétien qui fait une nouvelle confédération. Pour la manière d'expliquer l'Ecriture, c'est au peuple nouvellement confédéré à en juger: il suffit qu'il soit content de la doctrine de son pasteur. M. Jurieu ne peut condamner les fidèles qui parleront ainsi selon ses principes, mais les Indépendans n'en demanderont jamais davantage. Que leur coûtera-t-il de reconnoître la nécessité de vivre sous des pasteurs, moyennant les deux conditions que nous avons posées : l'une, que les pasteurs sont révocables au gré du troupeau, qui a un droit naturel et inaliénable de disposer du ministère : l'autre, que le troupeau est libre de multiplier, selon qu'il le jugera à propos, ces confédérations arbitraires, qu'on nomme des sociétés différentes dans le christianisme; en sorte qu'une portion du peuple fidèle est en droit de se séparer sans scandale, pour dresser en particulier un ordre d'église? Si M. Jurieu veut bien s'engager à signer, sans équivoque, ces deux conditions, je m'engage de mon côté à les faire accepter par les Indépendans, et à le réunir

avec eux.

Il ne lui reste qu'une réponse à faire, selon son principe: c'est que ceux qui abandonnent, sans nécessité, la confédération où ils ont vécu, pour en former une autre, font un péché véniel. Mais outre qu'un péché véniel n'empêcheroit pas que le ministère de la nouvelle confédération ne fût légitime; de plus, c'est contre son principe que M. Jurieu trouve ce péché car le peuple ne péche point, pourvu qu'il ne fasse qu'user de son droit naturel, sans scandale, et selon sa conscience. Donc toutes les

fois qu'une portion du peuple aura sujet de croire qu'on peut vivre avec plus de recueillement et d'édification dans une confédération moins nombreuse, il ne commettra aucune faute en se retirant, et en formant de nouveaux pasteurs pour son besoin. Je laisse aux esprits modérés à voir combien cette forme de gouvernement doit multiplier les schismes et les scandales. Une troupe ignorante et fanatique dégradera les pasteurs, et ira en faire de nouveaux dans sa petite société. Elle aura tort, dira M. Jurieu, si elle le fait en se trompant sur la doctrine; mais quoiqu'elle ait tort, il n'y aura point d'autorité vivante qui puisse arrêter leur licence et leur présomption. De plus, je suppose que cette populace ne raisonne point sur l'Ecriture. Elle sait seulement, parce que M. Jurieu l'a dit, que le ministère lui appartient : et afin d'user de son droit, elle veut, ou révoquer tous les anciens pasteurs, pour en éprouver de nouveaux, en leur donnant un pouvoir annuel; ou bien la moitié de ces ignorans, lassés des foiblesses de ses pasteurs, en qui l'humanité ne paroît que trop, jette les yeux sur de nouveaux prédicans dont elle espère plus d'édification. M. Jurieu leur dira-t-il pour les arrêter : Vous allez faire un péché véniel. Ne pourront-ils pas lui répondre : Nous ne pécherons point en cherchant des hommes plus humbles et plus détachés pour le ministère. C'est à nous à en répondre nous devons courir aux plus dignes.

M. Jurieu nous dira peut-être : Ces inconvéniens n'arriveront jamais dans la société où seront les élus. Mais je le prie de se souvenir que les élus ne garan

tissent point l'Eglise où ils sont des inconvéniens les plus affreux, puisqu'ils ont été selon lui dans l'Eglise Romaine sans la garantir de l'idolâtrie: ils n'ont pu l'empêcher d'être la Babylone et le règne de l'antechrist.

[ocr errors]

S'il dit qu'au moins le privilége de l'élection empêchera les élus de faire aucun schisme entre eux; qu'il jette les yeux sur Luther et sur Calvin : c'étoient les deux hommes suscités de Dieu pour tirer les hommes des ténèbres de la papauté, selon M. Jurieu. Il faut pourtant que l'un des deux se soit trompé, et sur le sens des écritures, et sur la divinité des livres même de l'Ecriture. L'un trouve la présence réelle manifeste dans le texte sacré ; l'autre la rejette comme une absurdité impie l'un retranche l'Apocalypse avec les deux Epitres de saint Jacques et de saint Jude; l'autre les admet. Mais ce qui est le plus décisif pour notre question, leurs sectes ont été jusqu'ici toujours divisées comme leurs personnes; et nonobstant l'offre d'union que les Calvinistes ont fait aux Luthériens, il y a près de soixante ans, à Charenton, ceux-ci rejettent leur communion, et ne cessent de les condamner. Voilà donc ces prétendus élus qui se contredisent sur l'Ecriture jusqu'à la mort, et dont par conséquent une partie se trompe toute sa vie. Ainsi la grâce de l'élection qu'on nous allègue ne remédie point aux schismes, aux dégradations des pasteurs, aux translations du ministère, et à toutes les révolutions séditieuses qu'on peut attendre de l'indépendantisme, s'il est vrai que le peuple a un droit naturel de dis

poser du ministère selon ses besoins. N'est-il pas étonnant qu'on regarde comme un joug tyrannique l'autorité si naturelle des pasteurs sur le peuple, pendant qu'on ne craint point de donner une autorité si souveraine et si odieuse sur les pasteurs au peuple même ?

Que ne doit-on pas craindre d'un troupeau qu'on flatte jusqu'à lui donner pour premier principe, qu'il ne doit suivre ses pasteurs, que quand il trouve que la voie du pasteur est bonne, qu'il peut les dégrader dès qu'il s'aperçoit que ces pasteurs le conduisent mal, qu'ainsi il est le juge de ses juges mêmes, et que la finale résolution appartient, non aux pasteurs, mais au troupeau?

et

Si on soutient que les clefs n'appartiennent qu'aux seuls élus, Jésus-Christ les a donc confiées à des hommes inconnus, qu'on ne peut jamais trouver, qui ne peuvent se reconnoître les uns les autres, dont chacun ne peut se connoître soi-même. L'un auroit donc les clefs, sans savoir s'il les a; l'autre, croyant les avoir, ne les auroit point. Jamais ils ne pourroient redemander les clefs à ceux qui en se- . roient les dépositaires, que sur leur élection, dont ils ne pourroient trouver aucun titre.

Si on dit que les clefs appartiennent à toute la société visible où sont renfermés les élus, il faut que cette société montre qu'elle contient les élus : autrement toute société qui prétendra avoir chez elle le résidu de l'élection, pourra expliquer mal les Ecritures, et s'autorisera dans le schisme, en disposant du ministère. La société où sont les élus sera autant dans l'impuissance de prouver qu'elle con

tient les élus, que les élus eux-mêmes de montrer le titre de leur élection.

Vous vous trompez, dira M. Jurieu; une société qui a la saine doctrine est assurée d'avoir les élus ; car la saine doctrine n'est point stérile; partout où elle est, elle enfante des élus ainsi la saine doctrine est le signe certain de l'élection. Vous vous trompez vous-même, lui répondrai-je. Comment savez-vous que vous avez dans votre société la saine doctrine? Ce ne peut être que par l'élection. Voici comment. Il faut le don de la foi pour bien entendre l'Ecriture, et pour trouver la saine doctrine. L'Ecriture n'a point par elle-même, selon vous, une évidence qui se fasse sentir sans grâce. De plus, la foi à temps, comme parlent les Protestans, ne suffit pas pour une pleine certitude: car si elle n'est qu'à temps, qui vous a dit que vous ne l'avez point perdue, et que vous ne vous trompez pas ? Je veux supposer que ceux qui ont cette foi à temps sont bien sûrs, pendant qu'ils l'ont, de ne se tromper pas mais ceux qui l'ont perdue, et qui commencent à se tromper, croient l'avoir encore, et sont dans une fausse certitude. Comment savez-vous, ô Protestant, que vous n'êtes point, avec toute votre église, dans cet état d'illusion? Il ne peut y avoir que le don d'une foi constante et inamissible qui vous tire de cette incertitude. Une foi variable, et sujette à manquer, ne sauroit le faire : mais la foi inamissible ne se trouve que dans les élus. Vous ne pouvez donc être assuré de cette foi que par votre élection. Ainsi il n'y a point de milieu. Il faut dire que l'Ecriture est claire par elle-même sans grâce,

« PoprzedniaDalej »