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une puissance que le ciel même confirme? Les clefs du royaume des cieux sont-elles à lui comme l'héritage de ses pères? Au moins, pour cet héritage terrestre, il faut qu'il établisse son droit par quelque titre positif, ou par une possession paisible et reconnue. Pour nous, il nous est aisé de montrer dans les Ecritures la mission des pasteurs attachée à l'imposition des mains des autres pasteurs. C'est aux Protestans à montrer de même leur titre, et à faire voir par les Ecritures la mission divine attachée à l'élection populaire, sans aucune imposition des mains des pasteurs.

Mais, dira-t-on, n'est-ce point une équivoque sur laquelle roule votre raisonnement? Les Protestans, en alléguant le droit naturel des peuples, ne prétendent pas exclure la grâce; ils disent seulement que les fidèles, sur le titre de leur élection, c'est-à-dire, par la grâce qu'ils ont reçue gratuitement, ont un droit de pourvoir, par l'établissement des pasteurs, à leurs besoins spirituels. Ainsi ce droit naturel n'est pas un droit de la nature humaine sans grâce, mais au contraire une suite nécessaire et comme naturelle de la grâce de l'élection.

J'entends la doctrine des Protestans comme ils l'entendent eux-mêmes. Je sais qu'ils n'attribuent à l'homme fidèle le droit naturel d'établir ses pasteurs, qu'en tant qu'il est fidèle et qu'il agit sur le titre de son élection : mais je soutiens que les fidèles, en tant que fidèles même, n'ont reçu de Dieu aucun droit de disposer du ministère par leur autorité propre. Mais, dit-on, ils en ont besoin; donc ils en peuvent disposer par leur autorité propre : la conséquence

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est mauvaise. Dieu veut pourvoir à leurs besoins, non en leur laissant l'autorité d'y pourvoir comme ils l'entendront, mais en établissant des moyens qui tiennent toujours ses fidèles dans sa dépendance, et qui les attachent aux règles de sa providence sur son Eglise. Ainsi il pourvoira au besoin qu'ils ont d'avoir des pasteurs mais c'est par des moyens qui seront toujours en sa main. Que les Protestans ne disent donc plus : Nous avons besoin de l'eucharistie; il faut qu'il y ait quelqu'un à qui nous puissions demander, et la sainte parole, et la déclaration authentique de la rémission de nos péchés, et le baptême de nos enfans, et les autres choses nécessaires pour faire une église chrétienne: or nous ne voyons plus de ministres sur la terre dont nous puissions tirer tous ces secours : donc nous en allons établir d'autres, et déposer tous ceux qui sont en place. Ce raisonnement est visiblement faux; car ou les Protestans supposent que Dieu veuille quelquefois laisser ses fidèles sans ces secours ordinaires, ou ils supposent qu'il ne le voudra jamais. S'ils croient que Dieu veuille quelquefois laisser ses fidèles sans le secours des sacremens et des autres moyens ordinaires qu'il a établis, qu'ont-ils à dire contre sa volonté? Il faut qu'ils se passent de ce que Dieu veut positivement cesser de leur donner. Mais si cette supposition leur paroît absurde et contraire aux promesses de Jésus-Christ; s'ils croient qu'il ne voudra jamais que son Eglise manque des moyens ordinaires qu'il a établis pour la soutenir et pour la conduire dans ses voies, ils doivent compter parmi ces moyens l'établissement légitime et successif des pasteurs, et ne pas croire

qu'ils puissent jamais manquer au peuple de Dieu. Ainsi loin de conclure comme ils font, Nous en manquons, donc il en faut faire, et Dieu nous en a donné le pouvoir; ils doivent dire au contraire, Nous ne voyons en nul endroit de l'Ecriture que Dieu nous ait donné ce pouvoir, nous ne l'avons donc pas; et si une fois la légitime succession des pasteurs nous manque, il ne nous reste aucun moyen de la rétablir; nous nous sommes donc trompés, quand nous avons cru qu'elle nous a manqué; et nous avons accusé Dieu d'avoir, contre sa promesse, destitué son Eglise des moyens ordinaires qu'il a établis pour la conduire.

Faisons une autre supposition. L'Ecriture est un moyen ordinaire pour conduire le peuple de Dieu; et les Protestans doivent croire, selon leurs principes, que ce moyen est bien plus nécessaire au peuple fidèle que le ministère des pasteurs. S'il étoit arrivé que toutes les Bibles du monde eussent été brûlées pendant la persécution de Dioclétien, qui fit de si grands efforts pour abolir les livres divins, le peuple fidèle eût-il été en droit, par son élection, de faire une nouvelle Ecriture? Non, sans doute. Qui oseroit hésiter là-dessus? Il n'y a ni besoin extrême, ni élection, ni droit naturel des fidèles pour se nourrir de la parole de Dieu, qu'on puisse alléguer. Il n'y a qu'une voie pour composer les Ecritures, qui est que Dieu suscite et inspire miraculeusement des écrivains. Ou Dieu ne permettra jamais qu'elle se perde; ou bien, si elle étoit perdue, et s'il vouloit la renouveler, il inspireroit miraculeusement de nouveaux prophètes et de nouveaux apôtres pour la rétablir. De même, sup

posé que nous ne connoissions par les Ecritures qu'une seule manière de perpétuer le ministère, qui est la succession par l'imposition des mains des pasteurs, quelque besoin que les élus aient du ministère, quand même il seroit éteint, ils ne pourroient le ressusciter. C'est pourquoi, ou Dieu ne permettra jamais que le ministère successif s'éteigne, ou, s'il le permettoit, il susciteroit et inspireroit miraculeusement des hommes extraordinaires, comme les apôtres, pour le renouveler. Mais puisqu'il faut réfuter les Protestans par les exemples mêmes qu'ils allèguent, comparons les pasteurs avec les magistrats. Observons seulement que l'état de l'Eglise n'est pas une république où les hommes pleinement libres font eux-mêmes leurs lois, et en commettent l'autorité à qui il leur plaît; mais un état monarchique, où Jésus-Christ, roi immortel des siècles, donne des lois, et charge qui il lui plaît de gouverner par ces lois les peuples.

Je suppose un prince qui a fondé une ville dans son royaume; il oblige ceux qu'il assemble pour en être les citoyens, à vivre sous la conduite de certains magistrats qu'il établit ; et en leur accordant de grands priviléges, il leur commande de demeurer soumis à ces magistrats. Quoique ces citoyens aient besoin de magistrats, quoiqu'en qualité de citoyens ils semblent avoir un droit naturel pour se policer, il est certain néanmoins qu'ils n'ont aucun droit, ni de changer leurs magistrats, ni d'en créer de nouveaux. C'est ce qui est arrivé dans la formation de l'Eglise; car Jésus-Christ a établi l'autorité des pasteurs, et a recommandé de leur obéir, en disant sans restriction: Qui vous écoute

m'écoute (1). Et encore: Si quelqu'un n'écoute l'Eglise, c'est-à-dire, le corps des pasteurs qui parlent avec autorité d'en haut, qu'il soit comme un païen et un péa

ger

(2). Continuons notre supposition. Si ces anciens magistrats viennent à leur manquer, à moins que le prince, en créant les magistratures, n'ait donné un titre formel et positif aux citoyens pour les pouvoir remplir, la qualité de citoyens que le prince leur a accordée, et le devoir qu'il leur a imposé d'obéir à ces magistrats, marque seulement que le prince s'engage à ne les laisser jamais sans magistrats qui aient son autorité pour les conduire; mais elle ne renferme point une permission d'établir eux-mêmes ces magistrats. Voilà ce qu'on est obligé de dire du magistrat, qui est l'homme du Roi; et voilà ce que la Réforme refuse de dire du pasteur, qui, selon saint Paul (3), est l'homme de Dieu. Encore y a-t-il une extrême différence à observer en général entre la religion et la police d'une ville soumise à un prince. La police est l'exercice d'un droit naturel à tous les peuples, qui précède tous les droits de souveraineté, que les princes peuvent avoir acquis ou avoir reçus par la concession ou par le consentement des peuples mêmes. Ainsi le peuple, pour le cas des besoins extrêmes, demeure en possession de sa liberté naturelle. Tout au contraire, dans la religion il n'y a rien qui ne soit une pure et expresse concession de Jésus-Christ, qui est notre roi; le fidèle n'a aucun droit naturel qui ait précédé l'autorité de JésusChrist. En tant que fidèle même, il n'a aucun droit

(1) Luc. x. 16. — (2) Matth. xvII. 17. - (3) I. Tim. VI. II.

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