qu'à le lui répéter mot à mot pour la suite des siècles. Peut-on expliquer plus naturellement des passages qu'on nous objecte, que de les expliquer, pour tous les temps, comme ceux qui nous les objectent sont obligés eux-mêmes de les expliquer pour certains temps particuliers? N'est-il pas même plus simple et plus naturel de rendre cette explication générale et uniforme, que de vouloir qu'elle soit tantôt bonne et nécessaire, et tantôt absurde? Nous avons la même remarque à faire sur le sacerdoce d'Aaron. Sans doute ce ministère appartenoit au peuple juif, comme le ministère évangélique appartient au peuple chrétien. Il faut avouer néanmoins qu'il n'étoit pas à la disposition du peuple. Il étoit attaché, par l'institution divine, à la succession charnelle d'une famille. Que M. Jurieu explique cette institution comme il lui plaira, il faut toujours qu'il avoue que le peuple juif n'avoit aucune puissance de transférer ce ministère, quoiqu'il lui appartînt. Ce que nous avons vu de saint Augustin sur les schismes et sur l'ordination des ministres, qui est un sacrement semblable au baptême, montre évidemment qu'il n'a pu penser, comme les Protestans, que les clefs sont à la disposition du peuple. Sa dispute contre les Donatistes, bien loin d'être la gloire de l'Eglise et le triomphe de la vérité, seroit un prodige d'extravagantes contradictions. Un seul mot l'auroit confondu, et toute l'Eglise avec lui. Les Donatistes lui auroient dit: Notre peuple étoit, selon vous, en plein droit de transférer le ministère sans ordination; à plus forte raison a-t-il pu perpétuer l'an cienne ordination dans la confédération qu'il a formée pour vivre dans une discipline plus pure et plus exacte. Ainsi nous expliquons quelques passages de saint Augustin pour tous les temps, comme M. Jurieu est obligé de les expliquer pour un certain temps; et nous les expliquons naturellement par les principes fondamentaux de toute la doctrine de saint Augustin même, au lieu que M. Jurieu impute à ce Père de s'être contredit comme un insensé. ww ww CHAPITRE XII. De l'exemple des prêtres de l'ancienne loi. Il est temps d'examiner les exemples que M. Jurieu cite pour montrer qu'il y a eu des pasteurs sans ordination. Il soutient que le peuple de Dieu ayant toujours donné aux chefs des familles la commission de sacrifier pour tous, ils donnèrent ensuite à Dieu, en sortant d'Egypte, la tribu de Lévi, à la place des premiers nés. Mais il auroit dû observer que Dieu dit expressément à Moïse : « J'ai pris les Lé» vites d'entre les enfans d'Israël pour tout premier » né (1). » Et encore : « Iceux me sont du tout don» nés d'entre les enfans d'Israël. Je les ai pris pour » moi, au lieu de... tous les premiers nés (2). » Si le peuple les donne, c'est qu'il consent à l'ordre de Dieu qui les demande, qui les prend, et qui décide par sa vocation expresse. Pour les premiers nés, qui (2) Ibid. vIII. 16. () Num. 111. 12. — 120 avoient été sacrificateurs jusqu'à Moïse, nous savons qu'ils l'étoient, sans savoir comment. Il paroît seulement que Dieu autorisoit leur sacrificature, et nos frères ne sauroient prouver qu'elle leur avoit été donnée par le peuple seul sans aucune destination expresse de Dieu. Hâtons-nous d'examiner ce que M. Jurieu soutient touchant les Lévites. « La » génération charnelle, dit-il, faisoit tout dans l'an» cien sacerdoce; et par conséquent la consécration » et l'ordination ne faisoient rien, ou ne faisoient » que fort peu de chose. » Dire que l'ordination ne faisoit rien, ou fort peu de chose, est une manière de parler bien vague et bien incertaine. Mais encore, comment prouve-t-il que l'ordination faisoit peu de chose (1)? Il le suppose, sans se mettre en peine de le prouver. Voici pourtant une espèce de preuve qu'il tâche d'insinuer. « Ces cérémonies, » dit-il, dans la suite, s'observoient quand on le >> pouvoit ; mais on omettoit sans scrupule celles qu'il étoit impossible de pratiquer, par exemple » l'onction, qui étoit la principale cérémonie du se» cond temple, parce qu'on n'avoit plus de cette » huile sacrée, composée par Moïse, et que les Juifs » ne se crurent pas assez autorisés pour en faire » d'autre. » J'avoue que je ne sais point où est-ce que M. Jurieu a trouvé ce fait qu'il avance. Je ne connois point d'endroit de l'Ecriture où il soit rapporté. Je n'ai pu le trouver dans Joseph, seul historien digne de foi sur ces matières. Peut-être est-ce sur le témoignage de quelque rabbin, que M. Jurieu parle. Mais c'est un témoignage d'une autorité trop (1) Syst. p. 585. >> douteuse; et peut-être est-ce aussi par cette raison qu'il a supposé le fait, sans oser citer ses témoins. Mais quand ce fait seroit véritable, qu'en pourroit-, on conclure pour l'inutilité de l'ordination? l'onction étoit-elle la seule cérémonie? n'y avoit-il pas la cérémonie de revêtir solennellement les prêtres de leurs habits, de leur faire mettre les mains sur la tête des victimes, de mettre du sang des victimes à l'oreille droite, au pouce de la main droite et du pied droit de ceux qu'on ordonnoit, de leur mettre en main la chair des victimes, avec les pains sacrés; enfin, d'arroser du sang des victimes leurs personnes et leurs habits? Ainsi, quand même la tradition et la nécessité auroient persuadé aux Juifs que l'onction n'étoit pas essentielle à l'ordination de leurs prêtres, et qu'ils auroient pu la pouvoir omettre lorsque l'huile destinée à cet usage leur manquoit absolument, l'ordination auroit été néanmoins essentielle au sacerdoce, et elle auroit consisté dans les autres cérémonies que Dieu avoit prescrites. Mais pourquoi conclure comme fait M. Jurieu? « Si » dans quelques circonstances de temps, dit-il, on » n'avoit pu avoir de bêtes pour faire la cérémonie » du sacrifice d'inauguration, l'héritier du souve>> rain sacerdoce n'auroit pas laissé de se porter pour >> souverain sacrificateur. » A entendre une décision si ferme, on croiroit que M. Jurieu sait, par des témoignages authentiques, que le corps de la Synagogue avoit prononcé avant lui cette décision. Pour moi, qui ne veux point deviner, je me contente de dire que ce n'est point sur des conjectures, pour des cas qui ne sont jamais arrivés, qu'il faut décider. Il faudroit savoir quelle étoit la tradition sur ce sacrifice, pour savoir s'il étoit essentiel à la consécration des prêtres, ou non. Mais enfin, tout cela ne va point à prouver qu'on pût omettre entièrement la cérémonie de consacrer les prêtres. Quoiqu'ils fussent désignés par la génération charnelle, il ne s'ensuit pas que la consécration ne fût point nécessaire. Parmi nous, outre l'élection et la désignation des prêtres et des évêques, il faut encore une consécration. Qui a dit à M. Jurieu que les Juifs ne raisonnoient pas sur la succession charnelle comme nous raisonnons sur les élections et sur les nominations qui désignent des évêques? Enfin, quand même la génération charnelle auroit tout fait pour le sacerdoce dans l'ancienne loi, et que la consécration n'eût été qu'une simple cérémonie (chose dont M. Jurieu ne donnera jamais ombre de preuve) qu'auroit-il gagné? Quand on supposeroit que tous les enfans d'Aaron naissoient prêtres de cette alliance charnelle et typique sans avoir besoin d'aucune cérémonie, cette doctrine, toute insoutenable qu'elle est, prouveroit seulement que la chair faisoit tout dans une alliance charnelle où Dieu avoit attaché formellement par sa loi le sacerdoce à la naissance. S'ensuivroit-il que dans l'alliance spirituelle et véritable, où l'Ecriture n'attache jamais le sacerdoce qu'à l'imposition des mains des pasteurs, on puisse devenir pasteur sans cette imposition des mains? M. Jurieu ne se contente pas d'avoir voulu deviner ce qui n'est ni dans l'Ecriture ni dans la tradition pour le sacrifice d'inauguration chez les Juifs; il veut encore supposer que le « peuple juif, par l'ordre de |