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à saint Pierre, mais encore à toute l'Eglise, et dans l'Eglise au corps des bons représentés par cet apôtre. Il parle encore dans le même sens sur le Psaume CVIII, où il dit que ce qui a été dit à Pierre : « Je te » donnerai, etc. a été dit à toute l'Eglise qu'il repré» sentoit, comme ce qui est dit dans un Psaume à >> Judas est dit à toute la société des méchans (1). >> C'est toujours la même comparaison. M. Jurieu nous cite encore le traité CXXIV de ce père sur saint Jean où il dit : « L'Eglise qui est fondée en Jésus-Christ a >> reçu en Pierre les clefs du royaume du ciel, c'est» à-dire la puissance de lier et de délier les pé» chés (2). » Enfin M. Jurieu rapporte que saint Augustin, dans le septième livre du Baptême, a dit que

l'Eglise, qui est la maison de Dieu, a reçu les clefs » et la puissance de lier et de délier; et que c'est » d'elle qu'il est dit: Si quelqu'un ne l'écoute lors» qu'elle reprend et qu'elle corrige, qu'il soit estimé » comme un païen et un péager (3). » Il y a quelques autres passages de saint Augustin où, parlant de l'Eglise, qui est la colombe, il dit que Dieu accorde toutes les grâces qui soutiennent le corps de l'Eglise, à la voix de la colombe, c'est-à-dire au gémissement secret des bonnes ames.

Tous ces passages ne disent que ce que nous disons tous les jours. Les clefs n'ont pas été données à la seule personne de saint Pierre; elles ont été données à tous les pasteurs de tous les siècles qu'il représentoit; elles ont été données même à tout le corps de l'Eglise. S'ensuit-il de là que tout fidèle puisse (1) Enar. in Ps. cvш, n. 1; tom. iv. (a) In Joan. Ev. tr. cxxiv, n. 5. (3) De Bapt. lib. vii, cap. LI, n. 99; tom. ix.

user des clefs, et s'ériger en pasteur? M. Jurieu n'a garde de le dire. C'est donc nécessairement avec restriction, et dans un certain sens qui a besoin d'être expliqué, qu'il est vrai de dire que Jésus-Christ a donné les clefs à toute l'Eglise. Si ces paroles devoient être prises à la rigueur de la lettre, et sans aucune restriction, tous les fidèles, sans distinction, auroient également les clefs; chacun les auroit, non-seulement pour les confier à un pasteur, mais encore pour les exercer soi-même. On voit donc bien que, selon les Protestans mêmes, ces paroles ne peuvent souffrir toute l'étendue du sens littéral, qu'elles ont besoin d'être expliquées, et que les clefs données à tout le corps de l'Eglise sont données inégalement aux particuliers. Selon les Protestans, les clefs données à tout le corps sont données au peuple, afin qu'il les confie à des pasteurs, et aux pasteurs, afin qu'ils en exercent le ministère. Selon nous, les clefs données à tout le corps de l'Eglise sont données aux fidèles, afin qu'ils en reçoivent l'effet salutaire, et aux pasteurs, afin qu'ils en usent pour le salut des peuples. Ainsi ces paroles ne peuvent être prises dans un sens absolu, selon toute la rigueur de la lettre, non plus par les Protestans que par nous. Il est naturel et ordinaire de dire qu'une chose est donnée à ceux en faveur de qui elle est donnée. C'est ainsi qu'on dit tous les jours que Jésus-Christ a donné les sacremens aux fidèles. Ce n'est pourtant pas à eux qu'il les a directement et immédiatement confiés, puisque les Protestans croient qu'ils ne peuvent être administrés que par les pasteurs. Mais comme ils sont institués pour les fidèles, on dit fort naturellement qu'ils leur appartiennent

appartiennent. Il en est de même du ministère que des sacremens administrés. Nous disons tous les jours, nous qui croyons que le peuple n'a aucune puissance de faire des pasteurs : Le peuple juif avoit un ministère et des cérémonies. Nous disons encore souvent: Le peuple chrétien a reçu un sacerdoce plus parfait. Cette manière de parler marque seulement que le ministère est dans le corps de l'Eglise pour le peuple fidèle, sans expliquer à qui il appartient d'en disposer. C'est ainsi que nous disons: La nation française a ses rois et son autorité souveraine, c'està-dire qu'elle est gouvernée par cette autorité dont elle ne dispose point; car cette souveraineté est héréditaire. Il est certain que dans l'Eglise tout est pour les fidèles, et, parmi les fidèles, pour les élus. La question n'est pas de savoir si le ministère est à eux. On sait bien que Dieu ne fait rien que pour eux, que Jésus-Christ n'institue rien qu'en leur faveur et pour leur usage, que tout est à eux, non-seulement le ministère, mais les ministres mêmes. Tout est à vous, disoit saint Paul (1), Apollo, Cephas, etc. Dieu a donné à son Eglise le ministère et les ministres, les clefs et ceux qui en sont les dépositaires : il a donné des prophètes et des apôtres, des pasteurs et des docteurs (2). Tout cela appartient à l'Eglise, et est renfermé en elle; tout cela est donné au peuple, et lui appartient en propriété pour son usage. Il n'y a rien, ni sur la terre ni dans le ciel, qui n'appartienne aux enfans de Dieu : mais il est question de savoir si ce qui leur est donné, et qui leur appar

(1) I. Cor. 111. 22. —

FÉNÉLON. II.

· (2) Ephes. IV. 11.

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tient par le titre de l'élection éternelle, est dans leurs mains pour en disposer; car une chose peut être à nous, sans que nous ayons droit de la conférer à qui il nous plaît. Il y a le droit d'usage et le droit de dispensation. Le peuple, en tant que peuple, a le droit d'usage pour le ministère ; car le ministère n'est institué que pour lui. Les pasteurs au contraire, en tant que pasteurs, ont le droit de dispensation, et non celui d'usage; car en tant que pasteurs, ils doivent exercer le ministère et le conférer à leurs successeurs. Le corps de l'Eglise, composé de pasteurs et de peuples, renferme dans son tout la propriété du ministère en tout sens. Et c'est ainsi que saint Augustin a dit que les clefs avoient été données à l'Eglise. Elles ont été données à ce tout, c'està-dire aux pasteurs, pour les exercer et les confier à leurs successeurs, et aux peuples, pour en recevoir l'administration salutaire, comme on dit que Dieu, a donné les remèdes au genre humain. Il les a donnés aux médecins pour les appliquer selon les besoins, et au reste des hommes, pour être guéris par cette application. Les endroits où saint Augustin parle comme nous venons de voir, regardent les Donatistes. Il veut seulement leur montrer que les sacremens, quoiqu'ils se trouvent dans toute leur validité chez les méchans, n'appartiennent néanmoins qu'aux bons, et que c'est la véritable Eglise des élus qui enfante par le baptême jusque dans les sociétés impies et schismatiques qui la condamnent. Par la société des élus à qui appartiennent les sacremens administrés chez les impies, il désigne l'Eglise catholique, mère de tous les élus.

Sérieusement M. Jurieu a-t-il pu croire que des auteurs catholiques, comme Tostat et d'autres, aient enseigné dans un autre sens que les clefs ont été données à l'Eglise ? On peut juger du sens de saint Augustin par celui de ces auteurs catholiques, auxquels M. Jurieu impute pareillement de croire que le ministère des clefs appartient au peuple, et qu'il a droit d'en disposer. Ces auteurs ont pu penser tout au plus que les clefs, avec la parole et les sacremens, ont été données d'abord au corps universel de l'Eglise, afin que les clefs fussent exercées, la parole et les sacremens dispensés par les membres de ce corps qui seroient ordonnés pasteurs. Mais, encore une fois, comment peut-on s'imaginer que l'Eglise catholique ait souffert, sans user d'aucune censure, que quelques-uns de ses docteurs aient soutenu que le peuple a le droit de faire ses pasteurs; ce qui est renverser toute l'autorité de cette Eglise, et faire triompher la protestante? Si Richer a dit que les clefs sont radicalement dans le corps de l'Eglise pour être administrées par les pasteurs, il a prétendu seulement que les clefs sont dans le corps de l'Eglise, comme la vue est radicalement dans le corps humain, quoiqu'elle ne puisse être exercée que par les yeux. C'est ainsi qu'il s'est expliqué lui-même pour prévenir l'objection des Protestans. Quoiqu'il sup-. pose donc que les clefs sont radicalement dans le corps de l'Eglise, comme les sensations dans le corps humain, il ne s'ensuit pas de cette comparaison que le peuple puisse faire des pasteurs : tout au contraire, il ne le peut non plus que le corps humain ne sauroit se faire de nouveaux yeux et de nouvelles oreilles.

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